Toumodi fait partie des villes qui ont été secouées par les actes de violence ayant émaillé l’élection présidentielle du samedi 30 octobre 2020. Un peu plus de sept mois après ces faits traumatisants, nous sommes allés constater de visu le climat social qui prévaut à Toumodi.
Après les violences qui ont endeuillé Toumodi lors de l’élection présidentielle, autorités et organisations de la société civile ont conjugué leurs efforts pour restaurer la confiance et le vivre-ensemble entre les communautés. Au nombre des organisations impliquées, se trouve l’Union des chefs de communautés résidant à Toumodi (UCCRT), présidée par Doua Detty.
Joint au téléphone, il nous demande de prendre attache avec le porte-parole de l’association. Celui-ci répond au nom de Mamadou Ouattara Docaman. Il réside au quartier Dioulakro. L’homme, qui pourrait avoir la soixantaine, est frappé d’une hémiplégie. La canne qui l’aide à se déplacer a été posée à proximité de la porte de sa maison.
Après les échanges de civilités, nous passons directement au sujet de notre entretien. Selon leur porte-parole, les membres de l’UCCRT, qui est composée de communautés allochtones et allogènes, se sont retrouvés régulièrement, suite aux malheureux événements survenus au cours de la dernière présidentielle. Et ce, pour demander avec empressement aux membres de leurs communautés respectives, de faire la paix. Ils ont aussi sensibilisé pour éviter la survenue d’autres possibles conflits. « Nous avons organisé des réunions dans les quartiers et les sous-quartiers de la commune pour sensibiliser les jeunes, les femmes et les différentes couches de nos communautés à abandonner la voie de la violence, pour s’engager dans celle de la paix. Il nous arrive aussi de mandater des chefs de communauté vers d’autres communautés différentes de la leurs, pour leur demander de porter le même message ».
Chefs de communautés, cadres et élus ont sensibilisé au retour de la paix
Mamadou Ouattara Docaman poursuit : « Le vivre ensemble, est d’une précieuse nécessité. Le Seigneur Créateur du monde l'a toujours voulu. Sans cela, la vie en communauté n’est pas possible ».
Mamadou Ouattara Docaman
L’organisation de cérémonies festives ou funéraires offre l’occasion de raffermir les relations entre les communautés de cette association et leurs tuteurs que sont les communautés autochtones, mais aussi de poursuivre la sensibilisation pour le retour et la consolidation de la paix au niveau de toutes les communautés vivant à Toumodi. De l’avis de notre interlocuteur, il s’agit d’une œuvre de longue haleine.
Les autorités municipales de la commune mènent elles aussi des actions pour le retour et le maintien de la paix. C’est ce que nous a confié Siallou Koffi Célestin, le 3ème adjoint au maire, par ailleurs Maire-résident. A l’instar des chefs de communautés de Toumodi, le maire et le conseil municipal, à travers des sensibilisations, ont appelé au calme toutes les victimes. Parmi elles figurent les personnes ayant perdu des parents et des biens, les commerçants, les forces de sécurité… La municipalité a aussi mobilisé des ressources financières et matérielles, des vivres et non-vivres auprès d’opérateurs économiques et des cadres en vue de soutenir les victimes. Cette opération, à en croire Siallou Koffi Célestin, se poursuit. Ces autorités ont identifié et évalué l’ampleur des dommages. Une requête pour l’indemnisation des victimes a été élaborée, en vue d’être transmise au gouvernement.
Rumeurs et hommes politiques à la base des affrontements
Siallou Koffi Célestin
« Une plate-forme de concertation entre les leaders d’opinion, toutes les communautés allogènes et autochtones a été mise en place. Nous avons pris part à l’installation d’un comité de veille, pour lutter contre les rumeurs, car ce sont les rumeurs qui sont à la base des affrontements survenus à Toumodi. Sinon les populations ont toujours vécu en parfaite harmonie. Depuis 1895, les Baoulé ont accueilli sur leurs terres les Djimini, et jusque-là, il n’y a pas eu d’incidents. Au point où il y a un pacte de non-agression qui a été signé depuis longtemps entre eux », dit-il.
En haussant les épaules, Siallou Koffi Célestin note avec amertume, qu’en dépit des aides qui leur sont apportées, les victimes n’ont pas retrouvé la vraie joie de vivre. Elles vivent encore dans des situations difficiles. Certains parmi elles dorment chez des tuteurs parce qu’elles n’ont pas encore pu reconstruire leurs maisons détruites. Cependant, les autorités municipales, selon les affirmations du 3ème adjoint au Maire, entendent continuer de «solliciter des dons de vivres, non-vivres et diverses autres aides, pour les mettre à leur disposition ».
Comme pistes de solutions pouvant permettre d’éviter ce genre de crise, M. Siallou propose : « Il faut renforcer la cohésion sociale. Il faut aussi faire en sorte que les différentes communautés vivant à Toumodi puissent se fréquenter et se côtoyer. En bref, il est question de briser le mur de méfiance qui s’est dressé entre elles ». Il y ajoute la mise en pratique d’une communication persuasive pour le vivre-ensemble et recommande une implication très active des politiques car il soutient que ce sont eux qui sont à la base des affrontements.
Jérémy Junior
Envoyé spécial