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Politique

Démocratie et démocrates

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Lorsqu’il fut temps de tourner la page du parti unique, ils se positionnèrent comme des partis de gauche. Pourquoi la gauche, alors que dans bon nombre de nos sociétés la gauche représente ce qui est négatif, sale, interdit ? Ainsi, chez les Baoulé, par exemple, il est parfaitement impoli de tendre la main gauche à une personne ou d’indiquer quelque chose avec cette main.


Mais nos partis d’opposition d’alors se définirent comme des partis de gauche, parce que les formations politiques qui les soutenaient en France étaient de gauche. Peu leur importait que cette notion renvoie à quelque chose de négatif chez eux. Puis arriva le moment où, devant la grogne de la jeunesse qui se faisait menaçante, celui qui dirigeait le pays à l’époque décida d’appliquer la clause constitutionnelle qui prévoyait le multipartisme.


L’un de ces leaders de gauche s’autoproclama « père de la démocratie » et ses ouailles se baptisèrent les démocrates. Savaient-ils ce que signifiait ce mot ? En tout cas, rien dans leurs pratiques ne montrait leur attachement à ce que renvoyait ce mot. Nous fûmes témoins de leurs outrances, de leur intolérance. Leur leader n’était plus un homme, mais un demi-dieu qu’il fallait adorer. Gare à quiconque oserait le contester ou avoir une popularité montante au sein du parti. Anaky Kobena, qui avait fait la prison et perdu tous ses biens à cause du parti de Laurent Gbagbo dut s’en aller, parce qu’il faisait de l’ombre au chef.


Le Front populaire ivoirien (Fpi) estima qu’il était le plus grand parti d’opposition devant lequel tous les autres devaient s’aplatir. Son leader affirma que son parti était le grand fleuve vers lequel toutes les petites rivières devaient couler. Ils commencèrent les purges en leur sein avant même d’arriver au pouvoir.


On se souvient de ce que l’on appela « la cagoule de Zadi Zaourou ». Voici l’histoire. Au début du multipartisme, quatre partis d’opposition formaient la « coordination des partis de gauche ». Les leaders de ces partis prirent ensemble une photo à Korhogo où ils organisèrent l’une de leurs premières marches. Puis, en cours de route, Zadi Zaourou marqua sa différence en acceptant de participer au gouvernement de Bédié en tant que ministre de la Culture.


Les journaux proches du Fpi décidèrent alors d’effacer Zadi des photos, comme on le faisait sous Staline dans l’ex-Urss au moment des purges. Et sur la fameuse photo des quatre leaders à Korhogo qu’ils publièrent, la tête de Zadi fut noircie au marqueur, ce qui ressembla à une cagoule, comme celle dont on recouvre la tête des personnes condamnées à mort.


L’arrivée au pouvoir des « démocrates » se fit par la ruse et dans le sang. La ruse pour écarter les candidats qui avaient du poids dans le pays, et le sang des populations qui bravèrent la soldatesque de Robert Gueï, le sang des victimes du charnier que l’on découvrit derrière la prison civile de Yopougon le jour de leur prise du pouvoir, le sang des militants du Rassemblement des républicains (Rdr) qui manifestèrent pour la reprise de l’élection présidentielle, le sang des mêmes militants qui manifestèrent lorsque leur leader ne fut pas autorisé à se présenter aux législatives.


Le sang n’arrêta pas de couler durant tout leur règne. Il coula encore abondamment lorsqu’une rébellion coupa le pays en deux, et jusqu’à ce que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir le 11 avril 2011. Le père de la démocratie que Laurent Gbagbo prétendait être avait pourtant refusé de reconnaître le résultat de l’élection qu’il avait perdue tout à fait démocratiquement. Et cela coûta la vie à trois mille personnes.


Affi N’guessan qui paya au prix fort sa loyauté à Laurent Gbagbo est accusé aujourd’hui d’avoir commis le crime de lèse-majesté. Pour avoir proposé à Laurent Gbagbo d’occuper le poste de président du parti, pendant que lui, Affi, se contenterait de celui de vice-président. « C’est à moi qu’Affi parle comme ça ! », s’est exclamé Gbagbo devant ses fidèles.


Oui, Affi avait osé lui demander de le garder vice-président du Fpi. Quelle outrecuidance ! Alors, il vilipende publiquement l’impertinent, et lui laisse le Fpi pour aller créer son parti à lui. Parce que le Fpi sans lui, et lui seul, n’est qu’une enveloppe vide. C’est lui qui en est la sève. Il attend maintenant celui ou celle qui viendra lui contester son autorité dans son nouveau parti.


Le « père de la démocratie » a cependant oublié que ses enfants ont grandi et qu’ils ont réussi à vivre dix ans sans lui. Il a fait beaucoup de gens, surtout lorsqu’il était au pouvoir, mais ils sont nombreux au sein du Fpi à ne rien lui devoir ou même à avoir tout perdu pour lui.


Cependant, ils savent que c’est grâce à leurs soutiens, leurs fonds, leurs marches, leurs sueurs, et leur sang que lui est devenu ce qu’il est. Ils sont nombreux à se demander ce qu’il peut leur apporter de nouveau aujourd’hui, s’ils n’ont pas intérêt à chercher à se faire eux-mêmes sans lui, à suivre la voie qui leur est le plus profitable.


Ils sont nombreux à se demander si des personnes comme Simone Gbagbo et Affi N’guessan, qui ont aussi souffert pour lui, méritent d’être traités comme il le fait. Ils sont nombreux à s’interroger. Et ils sont aussi nombreux à avoir enfin compris que l’on était dans une imposture.

Venance Konan




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