Les nuisances de l'orpaillage clandestin ont atteint des proportions inquiétantes dans la région de l’Indénié-Djuablin, notamment dans les localités de Bébou, Bettié et Ehuasso. Nous avions décidé de nous rendre dans le dernier village, lieu de prédilection des chercheurs d’or clandestins aux fins de réaliser un reportage. Mais un informateur a vite fait de nous déconseiller d’y aller car cet endroit, une véritable jungle comporte de hauts risques, si l’on n’est pas accompagné par des forces de défense et de sécurité. Contre mauvaise fortune bon cœur, nous avons renoncé au projet. Heureusement, le sujet de l’orpaillage clandestin était au centre de la première réunion du conseil régional de l’Indénié-Djuablin, tenue récemment à Abengourou. Occasion saisie par le président de cette institution décentralisée de développement local, pour exprimer sa colère et son indignation face à l’ampleur du phénomène de l’orpaillage dans sa région.
" J'ai eu les larmes aux yeux. Tout est détruit "
« J’étais de passage il y a quelques mois à Ehuasso, j’ai eu les larmes aux yeux, j’ai eu pitié. Tout est détruit là-bas. Partout, ce sont des trous béants que j’ai vus, la nature n’existe que de nom, les champs de cacao ont fait place à des sites d’orpaillage. C’était apocalyptique ! » s’est insurgé le ministre Pascal Kouakou Abinan qui a précisé : « Il n’y a plus de terres cultivables à Ehuasso. Ceux qui s’adonnent à cette pratique d’orpaillage, ne pensent pas à demain, aux générations futures, à leurs enfants…» a-t-il martelé.
Autre lieu, mêmes conséquences néfastes de l’orpaillage clandestin. A Bettié, localité située à environ 100 kilomètres d’Abengourou, le fléau a atteint des ampleurs inquiétantes. Selon Ettien Kouadio Constant, conseiller régional, par ailleurs fils de Bettié, le fleuve Comoé qui arrose la région est pollué depuis le jour où les chercheurs d’or illégaux, ont foulé le sol de ses ancêtres.
Le fleuve Comoé empoisonné
« Aujourd’hui, on ne peut plus consommer le poisson pêché dans les eaux du fleuve Comoé. Les orpailleurs utilisent le cyanure et le mercure, des produits toxiques qui ont tué les poissons et empoisonné l’eau du fleuve Comoé. Nous ne savons plus à quel saint se vouer » a affirmé très remonté ce jeune paysan.
Exacerbés par le comportement des orpailleurs, les jeunes de Bettié ont décidé de protester en avril dernier, à travers une marche dans toute la ville. Malheureusement, les manifestants ont mal choisi leur méthode. En effet, ils vont s’en prendre aux autorités préfectorales, aux agents des services publics et parapublics qu’ils ont déguerpi de leurs bureaux. Une attitude déplorée vivement par le préfet de région qui a mis en garde tous ceux qui s’attaquent aux représentants de l’Etat dans leurs circonscriptions administratives, quelles qu’en soient les raisons : « Je n’accepterai plus ce genre de comportement qui frise la désobéissance à l’endroit des autorités. Que ceux qui se comportent de la sorte, sachent que force reste à a loi. » a menacé Assamoi Florentin.
Des chefs et des jeunes complices des orpailleurs
Puis, il a dénoncé la complicité de certains chefs de villages avec les clandestins : « Les orpailleurs ne sont pas descendus du ciel. Certains chefs traditionnels ont facilité leur installation dans les villages. Nous avons des informations que nous n’allons pas révéler ici. Des jeunes sont aussi de connivence avec les orpailleurs dans leurs zones » s’est insurgé le préfet d’Abengourou. Abondant dans le même sens, le président du Conseil régional de l’Indénié-Djuablin, a affirmé avoir prévenu depuis longtemps des chefs traditionnels sur leur implication tacite ou volontaire dans l’orpaillage. Pour le ministre Pascal Kouakou Abinan, il faut que tous s’engagent à mettre fin au phénomène de l’orpaillage qui risque de laisser des lendemains sombres à la région de l’Indénié-Djuablin. Appel réitéré par le préfet d’Abengourou, Assamoi Florentin. Celui-ci a exhorté les populations à collaborer véritablement avec les forces de défense et de sécurité pour juguler le fléau : « Quand on arrête ici des décisions pour aller déloger les orpailleurs à Bettié, ou à Ehuasso, certaines personnes les appellent pour les informer des actions à mener. Et lorsque les forces de l’ordre arrivent sur les lieux, plus personne » a fustigé le préfet de la région de l’Indénié. Face à l’ampleur du phénomène de l’orpaillage dans les départements d’Abengourou et de Bettié, le préfet Assamoi Florentin, a promis que des actions énergiques sont envisagées pour bouter les chercheurs d’or clandestins, hors de la région de l’Indénié-Djuablin, et cela pour toujours.
Traoré Moussa
Correspondant régional
Publié le :
5 juin 2021Par:
Forestier de Lahou