De nouvelles directives appellent les paroisses à examiner les statues, plaques et monuments à la gloire de l'esclavage et du colonialisme, et à prendre des mesures en concertation avec les communautés locales.
Avec ses fracassants déboulonnages de statues, le mouvement Black Lives Matter avait initié à l'été dernier une réflexion sur l'héritage colonial et sa glorification ou sa normalisation dans l'espace public. Monarques, marchands d'esclaves ou politiques figés dans le bronze depuis des décennies avaient été descendus de leur piédestal ou gribouillés, aussi bien par des activistes antiracistes que par des riverains désireux d'en finir avec la célébration de personnalités ayant mis en œuvre ou cautionné des politiques racistes.
De l'Amérique à l'Europe, ces actions n'ont pas manqué d'animer le débat public, suscitant tantôt enthousiasme, tantôt indignation, tantôt incompréhension: il fallait repenser nos façons de faire Histoire, et réinterroger des «évidences» toutes relatives.
Récemment, c'est l'Église d'Angleterre qui s'est saisie du sujet. Elle envisage à son tour d'enlever ou de modifier des monuments dédiés à l'esclavage, qui présenteraient un «patrimoine contesté». Des directives, publiées cette semaine, encouragent les quelques 12.500 paroisses et 42 cathédrales d'Angleterre à examiner leurs édifices, et à consulter les communautés locales sur les mesures à prendre.
Assumer le passé colonial de l'Église
Cette décision fait suite à une prise de position antérieure de l'archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, qui avait déclaré lors du déboulonnage de la très contestée statue du marchand d'esclaves Edward Colston, à Bristol, que «certaines [statues et monuments] devront être démontés».
Les archevêques de Cantorbéry et de York, qui ont œuvré à mettre en place un groupe de travail sur la lutte contre le racisme, ont appelé l'Église d'Angleterre à assumer ses responsabilités dans la participation au commerce des esclaves: «Nous ne voulons pas célébrer ou commémorer sans conditions des personnes qui ont contribué ou bénéficié de la tragédie qu'a été la traite des esclaves», déclaraient-ils le mois dernier.
Selon les directives émises, l'ignorance de ce patrimoine contesté n'est pas une option pour les paroisses, même si toute décision sera prise au niveau local. Plusieurs mesures sont proposées, comme le retrait, le déplacement ou la modification de plaques et de monuments, ainsi que l'ajout d'informations contextuelles. Dans certains cas et après examination, il pourrait n'y avoir aucun changement.
Repenser un héritage commun
Selon Becky Clark, la directrice des églises et des cathédrales de l'Église d'Angleterre, ces mesures ne visent pas à être normatives, mais à guider et surtout impliquer les paroisses dans un processus de réflexion sur leur propre héritage, et ses implications contemporaines.
«Nos églises et nos cathédrales sont la partie la plus visible de l'Église d'Angleterre, et constituent une présence chrétienne dans chaque communauté. La responsabilité de s'assurer qu'elles sont inclusives, accueillantes et qu'elles fournissent des espaces sûrs pour tout le monde est une dimension vitale de la lutte contre le racisme historique et l'esclavage, qui ont encore un impact sur les gens aujourd'hui», a-t-elle déclaré à The Observer.
Dans un certain nombre de paroisses, des mesures ont déjà été prises, parfois en concertation avec les autorités cléricales et les descendants de personnes dont la commémoration suscitait la controverse. L'église St Margaret de Rottingdean, dans le Sussex, a ainsi modifié deux pierres tombales de son cimetière qui présentaient des inscriptions racistes, après avoir reçu l'aval des héritiers des défunts.
Dans la cathédrale de Bristol, c'est une fenêtre dédiée à Colston qui a été retirée, tandis que dans l'église St Peter de Dorchester, une plaque exaltant le rôle d'un propriétaire de plantation, John Gordon, dans la répression meurtrière d'une rébellion d'esclaves en Jamaïque, a été partiellement recouverte. À terme, cette plaque devrait être offerte à un musée.
The Guardian