Au moment où vous prenez les rênes du ministère de la santé en Côte d’Ivoire, il serait convenant que l’on attire votre attention sur un certain nombre de réalités qui marquent au quotidien, la vie dans certaines formations sanitaires du pays. Des réalités que la majorité de ceux qui fréquentent lesdites formations, aussi bien les patients que leurs parents ou accompagnateurs, sont régulièrement témoins et victimes à la fois. Et en la matière, chaque journée vécue au Centre hospitalier universitaire de Treichville (Chu), l’un des plus vieux hôpitaux du pays, est assez symptomatique de ces réalités que nous allons vous dépeindre à présent. Et cela, pour les avoir connues et surtout vécues des semaines durant, au chevet d’un malade qui s’y trouvait.
Il y a de prime abord, le service des urgences médicales, semblable quasi quotidiennement à un véritable mouroir, du fait des pertes en vies humaines qui y sont couramment enregistrées. C’est qu’ici, face à un patient qui arrive, les tâtonnements, valses d’hésitations et lenteurs avec lesquels les soignants s’en occupent, donnent bien souvent l’impression qu’ils sont responsables de la mort de celui-ci. Une logique élémentaire et un sentiment légitime qui animent aujourd’hui nombre de personnes, relativement au fonctionnement de ce service. En outre, son chef, semble avoir perdu tout humanisme. Il est même à se demander s’il en a eu le moindre sens une fois déjà. Tenant toujours des propos désobligeants, sur un ton régulièrement péremptoire et blessant, à l’endroit des parents et ou accompagnateurs des malades, comme s’il avait un quelconque droit sur eux. Et pire, il n’hésite pas non plus certaines fois, à leur brandir la menace du renvoi systématique de son service, s’ils devaient y prolonger leur séjour. Même s’ils en étaient contraints, par manque de place dans le service spécialisé qui devrait les accueillir. Et le plus inquiétant ici est que quelques médecins confirmés et internes y sont tentés de lui emboiter le pas. Quelle vraie bêtise à combattre ?
Côté médecine Monsieur le ministre, la situation n’est point reluisante. Combien de fois n’est -il pas arrivé à des parents de patients, de se faire rabrouer ou simplement renvoyer sur les roses par les infirmières notamment, lorsqu’ils sont venus signaler une anomalie quelconque chez leur malade ? C’est- dire que cette mauvaise attitude est devenue fortement caractéristique de ces soignantes. Qui, de jour comme de nuit, ont du mal à abandonner leurs parties de causettes, leurs smartphones, ou sortir de leur sommeil pour venir s’enquérir de ce que vit concrètement le malade à l’instant précis où, il leur est fait appel. C’est bien là, un moment de souffrance pour le patient et une occasion de révolte légitime pour les parents. Lesquels assistent impuissants aux douleurs de leurs malades, jusqu’à ce que mort s’en suive dans certains cas. Quelques fois, c’est tout simplement pour avoir négligé de continuer le soin en remplaçant le ballon de la perfusion par un autre. Aussi, l’astuce trouvée par certains accompagnateurs ou parents des malades, est de forcer une espèce d’amitié avec ces infirmières. Elle est surtout faite de flatteries de tout genre et de corruptions multiformes, auxquelles les mises en cause ont beaucoup de mal à résister. En plus de tout cela, l’on est parfois amené à s’interroger sur leurs compétences, au regard des complications ou des réactions du malade, après l’administration de certains soins, qui laissent à désirer non sans susciter des interrogations multiples.
Les médecins non plus ne sont point exemptés de tout grief, d’autant plus que l’on relève fréquemment des contradictions incompréhensibles, entre leurs différents diagnostics et protocoles de traitement pour un même malade. Le suivi du patient de leur part, n’est pas toujours rassurant aussi. On aurait dit qu’ils sont souventes fois assez oublieux de la suite qu’ils ont pourtant promise de donner à l’observation, ainsi qu’aux soins entamés avec leur malade.
Que dire des médicaments, si ce n’est qu’ils font l’objet d’ordonnance sans arrêt chaque jour qui passe. Fort heureusement, une grande partie est vendue par les pharmacies de l’hôpital. Mais, à ce niveau, rien ne peut être obtenu avec la carte de la couverture maladie universelle (CMU), qui est vraiment encore très loin d’être conforme à cette appellation. A la principale pharmacie du CHU de Treichville, les douze ou seize casiers réservés aux médicaments assurés par la CMU, sont tout simplement vides. Ce qui est à la fois surprenant et décourageant.
Ce sont là, Monsieur le ministre, quelques remarques que nous avons pu faire au sein du Centre hospitalier universitaire de Treichville. Des irrégularités qui vous interpellent, et que l’on retrouve dans plusieurs autres formations sanitaires du pays. Peut- être pas avec le même degré de gravité ou d’ampleur, mais toujours aussi vraies que constatables. Comme vous pouvez vous en apercevoir, ces grands services publics, fortement sollicités que constituent les hôpitaux, sont bien malades. Tout comme le sont aussi quelques cliniques privées d’Abidjan, réputées pour être plus portées sur le mercantilisme, que l’assurance de soins appropriés à la guérison des malades qu’elles reçoivent. Nous osons tout simplement espérer que vous saurez tenir compte de tous ces différents griefs susmentionnés, dans la stratégie que vous entendez mettre au point, en vue d’améliorer le fonctionnement des hôpitaux publics. Tant il vrai que cela s’impose.
Moussa Ben Touré