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Culture

Serge Bilé (Journaliste et écrivain) : « Voici ce que j’aimais chez Aimé Césaire »

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Le 13eme anniversaire du rappel à Dieu de Aimé Césaire, cet illustre écrivain, homme politique, poète, dramaturge Martiniquais, a été commémoré le samedi 17 avril 2021. A cette occasion, quoi de plus normal que d’approcher l’un des célèbres écrivains et journalistes, qui l’a côtoyé et a même écrit une œuvre biographique titrée ''Dans le jardin secret d'Aimé Césaire'', afin qu’il lève un coin de voile au sujet de ce qui n’a jamais été dit concernant la vie de Aimé Césaire.

Ce samedi 17 avril 2021 marque le 13eme anniversaire du décès de Aimé Césaire. Que doit-on retenir de la vie de ce célèbre écrivain, homme politique, poète, dramaturge Martiniquais ?

C’est difficile de répondre à une telle question quand on est face à un génie comme Aimé Césaire qui a eu une vie aussi riche. Au-delà de son combat pour l’émancipation des Noirs, chacun et chacune d’entre nous retiendra tel ou tel aspect de sa personnalité, en fonction de son appréciation. Moi, c’est l’homme Césaire qui m’a fasciné. Ce que j’aimais chez lui, c’était son extrême liberté. Je dirais même qu’il était jaloux de sa liberté. Dès lors que quelque chose ne lui convenait pas, ni une ni deux, il claquait la porte. C’est ce qu’il a fait dès octobre 1956. Alors qu’il siégeait au Parti communiste français, dont il était un membre éminent, il a démissionné avec fracas parce qu’il ne se retrouvait plus dans cette machine à broyer l’humain. A partir de là, il a été vilipendé par la presse parisienne et vomi par ses propres camarades en Martinique. Mais Césaire s’en foutait. « Seules les âmes basses parlent bassement », disait-il avec cette tranquille assurance qu’ont les gens qui ont du talent et qui n’ont pas peur des obstacles. Le temps lui a donné finalement raison. Je me bats tous les jours pour être aussi libre que Césaire à l’égard déjà de mon entourage et à l’égard surtout des puissants, ceux qui détiennent le pouvoir ou l’argent.

Quels sont les sentiments qui vous animent en ce jour anniversaire ?

De la tristesse. Ça m’a replongé dans des souvenirs. Le 17 avril 2008, c’était un jeudi. J’étais en Guadeloupe avec la troupe qui jouait ma comédie musicale sur Nelson Mandela. A 6 h du matin, mon téléphone sonne. Mon rédacteur en chef me demande de rentrer en Martinique par le premier avion parce que la santé de Césaire s’est détériorée et qu’il faut s’attendre au pire dans la journée. Si tel est le cas, je devrai animer une émission spéciale le soir même. C’est en atterrissant en Martinique que j’ai appris son décès. Même si comme tout le monde je m’y attendais un peu, ça m’a fait un choc. J’ai versé une larme. Je me souviens ensuite de ses obsèques que j’ai eu l’honneur de commenter et je suis heureux que la mairie de Fort-de-France m’ait accordé un caveau à côté du sien.

En quelle année l’avez-vous côtoyé pour la première fois ?

C’était en 1994. J’arrivais de la Guyane où j’avais présenté le journal télévisé pendant un an. C’est comme ça que j’avais découvert les fameux Boni, dont certains ancêtres sont ivoiriens. Au bout d’un an, alors que je m’apprêtais à regagner mon port d’attache à Paris, la rédactrice en chef de RFO Martinique m’a demandé de venir présenter le JT à Fort-de-France. J’ai dit oui et j’ai tout fait pour rencontrer Aimé Césaire dès mon arrivée. Je l’admirais comme tant de gens. À cette époque, il exerçait les fonctions de maire de Fort-de-France. Je le revois, tout là-haut, dans son vaste bureau, au sixième étage, me parler de l’Afrique, d’Houphouët-Boigny, de Senghor et de leurs luttes contre le colonialisme. Je le revois me dire aussi, au moment de le quitter : « Mon cher Serge Bilé, vous êtes martiniquais comme moi et je suis ivoirien comme vous ! ».

Qu’est-ce qui vous a marqué chez lui ?

Je vous ai parlé de son extrême liberté. J’ai été aussi marqué par sa profonde humilité. En mars 2006, je suis appelé un matin par sa secrétaire qui me demande de venir voir Césaire tout de suite. Ce jour-là, c’était le branle-bas de combat à son bureau. Deux lettres étaient arrivées de Belgique et de Norvège. L’une et l’autre proposaient sa candidature pour le prix Nobel de la paix ! Ces lettres avaient été envoyées par les recteurs de deux grandes universités qui faisaient partie du pool chargé de désigner les potentiels lauréats. Ce jour-là, j’en suis témoin, Césaire refuse catégoriquement. Il ne veut pas être nommé pour ce prix, malgré l’insistance de son entourage. J’essaie modestement de le convaincre moi aussi mais il me répond : « Je suis très terrifié par cette proposition ». Je lui demande pourquoi et il me dit : « Je me sens petit, très petit ! »

Quelle est la dimension de cet illustre personnage qui a prédominé. Est-ce le poète, le dramaturge ou l'homme politique ?

C’est tout cela à la fois mais, puisqu’on n’en n’a pas encore parlé, je vais évoquer ce qui m’a touché chez Aimé Césaire sur le plan politique quand il était maire de Fort-de-France. Il s’illustrait à mes yeux par une pratique de la démocratie au plus près du peuple. Une à plusieurs fois par semaine, il quittait son bureau climatisé du sixième étage pour aller sur le terrain. Il s'enfonçait dans les quartiers pour voir ses administrés, discuter avec eux, et entendre surtout leurs doléances. Et, non content de faire cela, il recevait également le tout venant à son bureau tous les mardis pour écouter ce que son « peuple » avait à lui dire, que ce soit agréable ou pas. Ça n’a rien à voir avec la façon dont les citoyens sont traités sur le continent africain. Qui se soucie de savoir ce qu'ils pensent et qui s'inquiète de savoir ce qu'ils endurent au quotidien dans les hôpitaux, les administrations, les transports, et plus généralement les services publics, supposés être à leur disposition, d'autant que c'est avec leurs impôts, donc leur argent, qu'on paie tout ça ? Les politiciens africains ont beaucoup à apprendre d’Aimé Césaire en matière de proximité et d'empathie avec les populations.

Vous avez écrit une œuvre sur l'homme intitulée ''Dans le jardin secret d'Aimé Césaire''. De quoi parle l'œuvre ? Qu'est-ce qui vous a marqué dans ce jardin secret ?

C’est un livre personnel sur mes rencontres pendant 13 ans avec Aimé Césaire avec des anecdotes sur le personnage. C’est une plongée aussi dans son intimité. Je parle de son rapport à la littérature, à sa famille, à la Martinique, à l’Afrique, de son rapport aussi aux plantes, à sa chienne, ou à la télévision avec sa passion pour le jeu « Questions pour un champion ». Je parle enfin de son rapport à la mort, en particulier au moment du décès de son frère cadet Georges qui a été tué dans un attentat à la bombe. Georges Césaire était professeur de pharmacie à l’université de Dakar. En février 1970, il se rend à un congrès de biologie en Israël. Mais 9 minutes après le décollage de Zurich, l’avion explose en plein ciel. Tous les passagers et membres d’équipage sont tués. Quand Yasser Arafat apprend que le frère du poète fait partie des 47 victimes, il lui adresse une lettre pour exprimer ses regrets. La réponse qui lui parvient en retour est sobre : « Georges Césaire était un homme avant tout ! »

Avez-vous encore un ou des projets éditoriaux concernant l'homme ?

Je pense avoir tout dit dans ce livre. J’ai offert tout ce que j’avais à transmettre sur l’homme, le poète et le politicien. Pour autant, Aimé Césaire est dans tout ce que je fais encore aujourd’hui. Quand je vois les obstacles auxquels il a été confrontés et les risques qu’il a pris, je me dis que ma génération ne peut pas faire moins, ni sur le plan de la liberté ni sur le plan de l’action. D’ailleurs, en plus de mon job de journaliste, j’ai la lourde tache sur le plan littéraire de mener de front un travail de chercheur, d’auteur et d’éditeur. C’est lourd en effet à l’échelle d’un homme et à l’échelle des sommes que ça exige pour mener à bien cette mission. En 15 ans j’ai néanmoins écrit 25 livres sur des sujets historiques importants comme « Noirs dans les camps nazis », « Yasuke » », « Le seul passager noir du Titanic », « Et si Dieu n’aimait pas les Noirs : enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican ». Je travaille à présent sur une figure du passé qui me tient à cœur, c’est Aniaba. Je mets toute mon énergie pour réunir les moyens pour faire ce livre qui devrait sortir en octobre prochain. Il tranchera avec tout ce qui a été dit jusqu’ici sur ce prince éotilé adopté par la famille royale essouma et qui fait partie de l’ADN de notre pays. Comme Aimé Césaire, je suis très attaché à la connaissance de l’histoire car elle participe à la construction d’une nation. Le livre sur Aniaba viendra compléter mes précédents ouvrages sur la Côte d’Ivoire, à savoir « Mes années Houphouët », « Boni » et « Marie-Thérèse Kennedy Émoi ».

Interview réalisée par Junior Jeremy




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