L’ancien président malgache, Didier Ratsiraka, est décédé le dimanche 28 mars, à l’âge de 84 ans. Le regretté avait été président de la Grande Ile deux fois, de 1975 à 1993, puis de 1997 à 2002. L’homme aura donc cumulé 23 ans à la tête de son pays. Ce qui fait de lui, le président qui a le plus duré aux commandes de Madagascar. Et pendant tout ce temps, il a expérimenté dans la Grande Ile, la voie socialiste du développement. Cette option idéologique ajoutée au fait qu’il fut membre très actif du mouvement des non-alignés, l’ont rapproché pendant ses premières années au pouvoir, de Fidel Castro au point qu’il était perçu par Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » des présidents français, comme un président dangereux. En tout cas, la France, puissance colonisatrice de la Grande Ile, avait des raisons de se méfier de lui, en cette période marquée notamment par la guerre froide. Avant qu’il devienne président de la Grande Ile, l’homme s’était affiché comme un élément anti-français. Ainsi, en 1972, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères dans le cadre de la Transition de Gabriel Ramantsoa, il a obtenu la révision des accords de coopération avec la France, le départ des militaires français et l’évacuation de la base de Diego Suarez dans l’extrême Nord de l’Ile ou encore la sortie de la Zone franc.
A son premier passage à la tête du pays, il a incarné cette politique de rupture
Il fallait faire preuve de témérité politique pour prendre de telles mesures en 1975. Et quand Didier Ratsiraka a été nommé président de Madagascar par un directoire militaire, suite à l’assassinat de Richard Ratsimandrana, il a davantage fait en sorte que les intérêts de son pays priment sur ceux de l’ancienne puissance colonisatrice. De ce point de vue, il a opéré une rupture nette avec la politique du premier président du pays, Philibert Tsiranana. Ce dernier, en effet, avait mis un point d’honneur, dès l’avènement de la Grande Ile à l’indépendance, le 26 juin 1960, à jeter tout son dévolu sur la France. Cette politique d’alignement systématique sur les intérêts de l’Hexagone, avait fini par irriter certains officiers dont justement un certain Didier Ratsiraka. Et à son premier passage à la tête du pays de 1975 à 1993, il a incarné cette politique de rupture, notamment pendant ses premières années au pouvoir. Le Didier Ratsiraka de cette période de rupture avec la France, où l’impérialisme international était fustigé à tout-va dans les discours officiels, a fait des émules en Afrique. Le grand architecte de cette politique était l’Amiral Didier Ratsiraka. Et il comptait parmi ses admirateurs, un certain Thomas Sankara. Bref, Didier Ratsiraka a cru au socialisme. Mais force est de reconnaître que cette option n’a pas permis à la Grande Ile de sortir la tête de l’eau. Résultat : les populations, lassées par une révolution dont elles ne voyaient pas les fruits, se sont révoltées. Et Albert Zafy, qui était leur leader, a obtenu de grandes réformes politiques et économiques de la part de Didier Ratsiraka. Pendant cette période chaude, l’Amiral, via sa garde prétorienne, a fait tirer dans la foule. Cette répression barbare a abouti à plus de 80 morts.
Didier Ratsiraka a marqué l’histoire politique de la Grande Ile
Ce massacre a aussi souillé la gouvernance de l’Amiral rouge. De manière générale, l’on peut dire que les droits humains ont été malmenés sous Didier Ratsiraka. C’est donc logique qu’il ait été sanctionné dans les urnes en 1993 au profit de l’opposant principal de l’époque, qu’était Albert Zafy. En 1997, l’inusable Didier Ratsiraka est revenu aux affaires mais cette fois-ci par les urnes. Mais le révolutionnaire qu’il a été aux premières années de son pouvoir, s’est mué en un homme politique pragmatique. Cela n’a pas empêché qu’il soit battu une deuxième fois dans les urnes. Son successeur, Marc Ravalomanana dont il a contesté l’élection, a été déposé en 2009 par l’armée au profit d’Andry Rajoelina. Bien des observateurs y avaient vu la main de l’Amiral rouge, exilé à l’époque en France. L’un dans l’autre, on peut dire que Didier Ratsiraka a marqué l’histoire politique de la Grande Ile. Jusqu’au soir de sa vie, il n’a pas renoncé au combat politique. En 2018, par exemple, il était encore dans les starting-blocks alors qu’il avait 81 ans. L’actuel président, Andry Rajoelina, qui a pratiquement l’âge de ses petits-enfants, lui a rendu hommage. Et l’on peut dire qu’il le mérite. Et si l’on est amené à s’interroger sur l’héritage qu’il laisse à la Grande Ile, l’on peut essentiellement retenir son attachement aux intérêts de Madagascar pendant les 23 ans cumulés qu’il a passés à la tête du pays. L’on peut aussi noter qu’il a tout fait pour ne pas associer sa famille à la gestion politique du pays. Et dans une Afrique où parfois c’est la tribu qui est la référence politique par excellence, cela vaut son pesant… de vanille.
« Le Pays »
Publié le :
29 mars 2021Par:
Forestier de Lahou