Les Ivoiriens seront aux urnes pour l’élection de leurs 255 députés le 6 mars prochain. Cet exercice, devenu démocratique depuis la démocratisation du parti unique dans les années 80, permettra au peuple de désigner ses représentants. Ils ne sont plus nommés mais sont l’émanation de la volonté populaire. Le temps a passé et avec lui les exigences, la vision, les objectifs de développement. Les électeurs ont pour la grande majorité, évolué, changé. Ce n’est plus une grande masse d’illettrés, majoritairement acquis à la cause de Félix Houphouët-Boigny au nom de son combat pour la libération des Noirs sous le joug du travail forcé, mais des jeunes qui suivent l’actualité démocratique en Birmanie, en Russie, en Côte d’Ivoire… en Guinée Conakry. Si l’électorat a mué, les méthodes pour le séduire ont-elles changé ?
Pas si sûr. Nulle part l’électorat n’exige de débat contradictoire pour voir ce que chaque candidat « a dans le ventre ». Ces dernières semaines ont vu un subit regain d’attention pour leurs circonscriptions oubliées depuis cinq ans. Des candidats proches du pouvoir se souviennent que leur population n’a pas de centre de santé. Les plus petits défis du développement, devenus des serpents de mer sont réalisés en deux mois. Comment qualifier cette approche politique ? Simplement de la méchanceté.
Des candidats aux prochaines législatives n’ont que faire de la redevabilité vis-à-vis de leur électorat. Après le scrutin du 6 mars, il faudrait attendre la prochaine échéance électorale pour revoir leur tronche. Des députés, la Côte d’Ivoire en a connus : des illettrés, des analphabètes, des gens bien, des mauvais qui avaient à cœur de poser les jalons d’une Côte d’Ivoire prospère sur la base de textes solides. Au tamis de la dernière législature, on pourra aisément trouver des députés qui ne pourront même pas expliquer des lois votées et leur portée sociale ou économique pour leur population. Parmi ces 255 individus qui ont siégé, très peu sont retournés vers leur population, expliquer un texte ou concrétiser une promesse démagogique balancée, pince-sans-rire, à leurs compatriotes pendant la campagne.
Et pourtant… que d’enjeux ! Foncier rural, foncier urbain, éducation nationale, enseignement technique et formation professionnelle, gestion des ressources halieutiques et des ressources en eau, gestion des forêts pour un pays dont l’économie repose encore sur l’agriculture, développement rizicole, emploi des jeunes et autonomisation des femmes. La Côte d’Ivoire a encore inscrit à son tableau de bord, tous ces défis. Alors, pour qui faut-il voter le 6 mars prochain ? Le plus grand laudateur d’Alassane Ouattara qui, lui, a besoin de ressources humaines de qualité pour l’accompagner dans sa vision de développement pour une Côte d’Ivoire plus prospère ou un élu qui rêve déjà aux retombées financières mensuelles ?
La Côte d’Ivoire ne devrait plus avoir des illettrés , demi-lettrés , insulteurs et griots du pouvoir à l’Assemblée nationale
Les Ivoiriens, en ce XXIème siècle devraient faire preuve d’un instinct de changement. Face aux enjeux du développement, il faut des hommes et femmes de qualité à l’Assemblée nationale et au Sénat. On ne saurait s’accommoder de prébendiers et détrousseurs de deniers publics avec l’insigne que leur aura accordé le Peuple. A peine élu, aucun électeur ne bénéficiera de leur part d’un quelconque égard, juste la poussière ocre des voies de communication non encore bitumées, soulevée par leur grosse cylindrée. Pour rencontrer « l’honorable », dont l’embonpoint n’échappera à personne au bout de quelques mois, il faudra user la semelle de la paire de chaussure.
Ne faudrait-il pas, dans chaque circonscription, établir un « député-mètre » pour suivre à la lettre l’exécution des promesses faites pendant ces pré-campagnes et campagnes ? Pour un pays qui aspire au développement, il faut accepter la chirurgie qui permettra d’enlever les mauvaises pratiques et faire comprendre aux élus la force du Peuple. La vision d’un peuple qui aspire à ce changement se traduit par ses représentants à l’Assemblée nationale. Après plus de 50 ans d’indépendance et d’efforts consentis par Félix Houphouët-Boigny pour former des cadres, quoique pas toujours probes, la Côte d’Ivoire ne devrait plus avoir des illettrés, demi-lettrés, insulteurs et griots du pouvoir à l’Assemblée nationale. Les décisions qui y sont discutées et lois votées ne sont pas une affaire de vendeurs de pain ou de gérants de kiosque à café, sans jeter l’indignité sur ces compatriotes qui gagnent dur leur pain à la sueur de leur front. Mais, il y a des domaines qui échappent à des individus qui ont pour seul mérite d’avoir un parrain politique, qui lui, est déjà dans ses petits calculs pour l’après-Ouattara.
Les Ivoiriens méritent mieux et eux-mêmes devraient être les premiers à le savoir afin de choisir non pas les candidats devenus des caisses à sou, pour quelques semaines, mais des compatriotes qui contribueront à l’avancée du débat sur le développement. On en a besoin. Des candidats se présentent pour être nommés ministres, ont-ils dit. Qu’attendre d’un tel individu dont l’ego surdimensionné est son seul souci ? Le 6 mars prochain nous situera sur la vision du Peuple ivoirien.
Adam’s Régis Souaga