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Kibarou

Le prétexte des agro forêts

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C’est bien connu du monde entier : la Côte d’Ivoire est le premier pays producteur mondial du cacao avec plus de 2millions de tonnes de la petite fève qui sortent de ses plantations chaque année. Une performance qui lui a valu au cours des années 1970, de sacrifier une bonne partie de son patrimoine forestier au profit de la cacaoculture. En rappel la fameuse phrase d’exhortation des populations à la pratique de l’agriculture en générale, avec en prime la production du café et du cacao à grande échelle : « la terre appartient à celui qui la met en valeur », que lâchait son premier Président Félix Houphouët Boigny. Sans se soucier de leurs origines, les marchés internationaux dont ceux de l’Union européenne, les ont achetées et absorbées, pendant de longues décennies. Mais toujours à vil prix. Ces acquéreurs internationaux du cacao ivoirien, ne se préoccupaient pas non plus de savoir, qui étaient les acteurs de cette production, en croissance continue. Et encore moins d(où provenaient -elles.

Tout au long de sa carrière politique, notamment à la tête de la Côte d’Ivoire, l’un des combats majeurs de Félix Houphouët Boigny, fut de revendiquer sans cesse, une bien meilleure rémunération des producteurs ivoiriens de cacao, en achetant leur cacao à des prix qui soient à la hauteur de leurs efforts. Ce combat aura été sans succès d’autant plus que, les tablettes de chocolat fabriquées par les industries occidentales, ont continué de croitre au fil des ans, sans qu’il en soit de même pour le cacao issu des vergers ivoiriens. Qui a plutôt continué à mal s’acheter jusqu’à ce jour. Pour autant, les pouvoirs publics de la Côte d’Ivoire, n’ont pas lâché prise. De réels efforts financiers de soutien à la classe des producteurs nationaux de la petite fève, ont été déployés, pour leur maintien dans cette filière agricole.

Après avoir pendant de nombreuses décennies consommé le cacao de Côte d’Ivoire, dont une importante quantité est cultivée dans des forêts classées, un fait contre lequel se sont pourtant de tout temps insurgés les pouvoirs publics ivoiriens qui l’ont rudement combattu, voilà que sous l’instigation voilée des industriels européens du chocolat, l’Etat change son fusil d’épaule. En instaurant les agro forêts. Ce qui n’est rien d’autre qu’une espèce de légalisation de la production du cacao dans ces forêts classées. C’est que l’intérêt des gros industriels européens du chocolat a primé sur, la conservation, la protection du patrimoine forestier ivoirien. Pourtant, de réels efforts de réhabilitation de ces forêts, victimes de cette pratique clandestine de la cacaoculture, sur l’ensemble des 231 forêts classées que compte le pays, avaient commencé à générer d’excellents résultats. Et ce, grâce à la Sodefor et sa méthode de la complantation. Elle consiste à autoriser l’exploitation des plantations de cacao déjà existante dans ces forêts, pour le temps que dure leur capacité de production. En revanche, elles ne devront connaitre aucune extension. Et des arbres sont plantés aux côtés des pieds de cacao. En outre, aucune nouvelle plantation ne devrait y être crées. Le non- respect de cette dernière disposition a souvent suscité d’importantes actions de destruction de plantations de cacao menées par la Sodefor. Ainsi que celles qui se trouvaient déjà dans la forêt, mais qui n’étaient pas encore rentrées en production. Et la plus retentissante de ces actions de destruction, qui aura fait couler beaucoup d’encre, a été- on s’en souvient- celle menée dans le département de Sassandra.

La complantation s’était déjà positionnée comme une méthode efficace de lutte contre la pratique de l’agriculture pérenne notamment, dans les forêts classées ivoiriennes. Les populations riveraines de ces massifs avaient commencé à y adhérer, après l’avoir qualifiée de sévère au départ, en ce sens qu’elle avait entrainé la déstructuration des plantations, non encore productrices de certains d’entre eux. Et pour soutenir avec beaucoup d’euphémisme du reste les industries chocolatières, faisant partie des composantes essentielles de son tissu industrielle, l’Union Européenne qui n’ignore point l’objectif des agro forêts, se montre de plus en plus exigeante sur la mise en place d’un système de traçabilité du cacao ivoirien. De sorte qu’une fois l’existence des agro forêts adoptée, elle ne pourra plus fermer ses marchés aux productions cacaoyères ivoiriennes, au motif qu’elles sont issues de forêts classées. Voilà une attitude que les écologistes et environnementalistes ivoiriens ont dénoncé sans succès. Bien qu’ils se soient montrés soucieux de l’avenir écologique de la Côte d’Ivoire. Et de l’avènement dans ces agro forêts, de vastes plantations industrielles de cacao, à l’initiative de ces industriels du chocolat. Lesquels ont plutôt le souci de pérenniser l’approvisionnement de leurs unités, tout en continuant à acquérir à bas prix, les productions paysannes ivoiriennes, qui risquent fort bien d’être de moindres quantités. Qu’adviendra-t-il alors de l’avenir de ces petits producteurs, au bout seulement d’une petite dizaine d’années, si les chocolatiers eux- mêmes se lancent dans la production à échelle industrielle de la petite fève ? Et dire que différentes compétences scientifiques ivoiriennes, avaient peu de temps avant, planché sur les conditions et stratégies idoines à la réhabilitation, la conservation et à la protection de ce qui reste encore à la forêt ivoirienne. C’était dans le cadre des états généraux de la Forêt en Côte d’Ivoire, dont à présent tout porte à croire que les résultats, qui prenaient en compte les forêts classées, pourriront plutôt dans les tiroirs de l’administration.

Moussa Ben Touré




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