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Economie

Aly Touré, président du Conseil international du Cacao (Icco) : « Que les acteurs abordent avec bonne foi la question du revenu du producteur »

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La question de l’amélioration des revenus des planteurs fait couler beaucoup d’encre et de salive. Dans cette interview, Aly Touré, président du Conseil international du cacao (Icco) et représentant permanent de la Côte d’Ivoire auprès des organisations internationales des Produits de base, dévoile les missions et le fonctionnement de son institution, présice sa vision de la filière cacao dans le monde avant d’annoncer des actions d’envergure.

Qu’est-ce que le Conseil international du cacao (Icco) que vous présidez depuis fin septembre 2020 ?


L’Icco est une institution inter gouvernementale créée en 1973 sous les auspices des Nations Unies et fonctionnant dans le cadre d’Accords Internationaux successifs sur le Cacao (1973, 1980, 1993, 2001, et 2010). Nous sommes à notre cinquième accord qui date de 2010. Conformément à l’article 7 alinéa 1 de l’Accord International de 2010 sur le Cacao, le Conseil exerce tous les pouvoirs et s’acquitte ou veille à l’accomplissement de toutes les fonctions qui sont nécessaires à l’application des dispositions expresses dudit Accord. Le Conseil est l’Organe suprême de l’Organisation et donc les missions consistent à créer les conditions de la mise en œuvre des décisions et directives de manière consensuelle en vue d’une économie cacaoyère mondiale durable


Sous quel signe placez-vous votre mandat ? Que comptez-vous faire pour améliorer les revenus des planteurs ?


Je compte placer mon mandat sous le signe de l’amélioration des conditions de vie des producteurs de cacao. C’est aussi l’occasion pour moi de mettre en exergue les préoccupations des pays producteurs sans oublier celles des pays consommateurs. Lors de la session du Conseil de septembre 2020, nous avons adopté le plan d’action stratégique 2019-2024 qui est un plan très ambitieux puisqu’il parle de l’amélioration du revenu des producteurs et de tous les sujets qui se rapportent à la durabilité de l’économie cacaoyère mondiale. Le 27 janvier 2021, la Commission consultative sur l’économie cacaoyère durable qui est un organe de l’Icco va tenir une session extraordinaire en vue d’échanger sur le revenu des producteurs. Comme je l’avais dit lors de ma conférence de presse, nous avons des instruments que nous allons utiliser pour que la voix de l’Icco soit entendue. A ce jour, trois initiatives sur la durabilité sont en cours. Il s’agit d’abord de la discussion entre l’Union Européenne avec le Ghana et la Côte d ’Ivoire sur une production de cacao durable, ensuite, l’Alliance sur le Revenu vital dans le secteur du Cacao (Alico), enfin, une plateforme du cacao Africain. L’Icco, qui est une organisation composée de producteurs, de consommateurs, de multinationales, du secteur privé, des structures d’encadrement technique de la filière et des Ong, ambitionne de prendre part aux discussions en y apportant son expertise et son savoir-faire. L’Icco, qui regroupe 51 pays membres dont 22 pays exportateurs et 29 pays importateurs de cacao, participe déjà à certaines des initiatives. Il s’agit tout de même de 92% des exportations mondiales et 80% des importations mondiales. Toutes ces actions s’inscrivent dans un cadre de négociations. Voyez-vous, depuis que les accords sur les produits de base ne contiennent plus le système des quotas et de contingentement, le marché étant libre, il s’agit de l’offre et de la demande qui agissent dorénavant comme les fondamentaux sur lesquels les prix sont fixés. A l’Icco, nous croyons au dialogue, au consensus et surtout à la persévérance. En effet, j’ai indiqué à plusieurs occasions que sur 100 milliards de dollars que génère la filière cacaoyère mondiale, la part qui revenait aux producteurs était dérisoire (- de 6%). Par ailleurs, quand vous revisitez l’historique des prix de 1973 à nos jours, vous remarquerez qu’entre 1973 et 1975, le cacao se vendait entre 6.000 et 8.000 dollars la tonne. Qui était à 15.000 dollars en 1977. Entre 1980 et 1989, la tonne coûtait entre 4.000 et 6.000 dollars. Ce sont des faits qui peuvent être vérifiés. Aujourd’hui, nous sommes à 2500 dollars la tonne. C’est vrai que l’environnement a changé, mais les pays producteurs pensent que l’on pourrait faire mieux, si nous voulons une économie cacaoyère durable, car le producteur est le maillon essentiel de cette chaine. Donc, nous souhaitons que tous les acteurs de la chaine de valeur fassent un effort en vue d’aborder avec courage et bonne foi la question du revenu du producteur qui n’en peut plus et qui voit sa condition de vie se détériorer de jour en jour.


Quels sont les défis à révéler dans la chaine de valeur?


Accompagner et encourager le dialogue et la coopération entre tous les acteurs du secteur et de la chaine de valeur du cacao, la promotion de la consommation et de la transformation du cacao à l’origine et dans les pays émergents, la réactivation du projet relatif à la promotion générique de la consommation du cacao en Russie, l’amélioration du cadre de suivi et d’évaluation de l’Agenda global du cacao en utilisant le prix FOB, au lieu de mesurer le prix à la production en pourcentage du prix FOB, ainsi que la transparence du marché à terme du cacao. Initier des innovations au sein de l’Icco, proposer un groupe de travail public-privé sur le cacao et créer un Forum des chefs d’entreprises et dirigeants mondiaux du cacao et proposer la création d’un groupe de travail sur les prix internationaux regroupant quelques membres de l’Icco et les opérateurs du secteur privé les plus influents.Un autre défi récent est l’apparition de la pandémie (Covid19) qui a fait des dégâts partout. En ce qui concerne le cacao, les pays producteurs d’Afrique, d’Asie et des Amériques ont été secoués par cette pandémie. En Europe et en Amérique du Nord, la consommation et les broyages ont aussi été impactés. La Côte d’Ivoire va proposer au Conseil, une étude et un séminaire sur l’impact du Covid19 sur le secteur mondial du cacao et les mesures d’atténuation. Il s’agira in fine de mobiliser les institutions clés comme le Fonds des nations unies pour l’agriculture (Fao), la Banque mondiale, la Commission européenne et les donateurs en général, en vue de recueillir un fonds de soutien aux petits producteurs de cacao.Avec l’apparition de la pandémie de Covid19 et son impact sur les activités cacaoyères et le bien-être des producteurs, il est devenu nécessaire de lancer un appel urgent aux partenaires de développement, tels que l’union Européenne pour qu’ils apportent un soutien immédiat.L’actuelle pandémie de covid19 a fait apparaitre un fait incontestable: la structure actuelle du secteur agricole ne fonctionne pas bien pour les petits exploitants.Faire face à l’impact de la Covid19 nécessite donc une approche multidimensionnelle capable de fournir des solutions qui permettent aux pays producteurs non seulement de surmonter les impacts actuels, mais aussi de tracer la voie d ’un développement durable dans lequel des emplois seront créés, la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population rurale sera assurée et les gouvernements seront en mesure d’atteindre les objectifs de Développement durable de l’Onu. La crise de la Covid19 est déjà un sérieux obstacle à la réalisation de l’ODD-1 (éradication de la pauvreté rurale) et menace l’ODD-2 de l’ONU (assurer la sécurité alimentaire).


Comment la Côte d’Ivoire est perçue par les autres membres de l’Icco ?


Avec un Ivoirien à la tête du conseil, la Côte d’Ivoire réaffirme son leadership mondial de premier producteur mondial de Cacao, parce que le poids de notre pays en termes de production (40% de l’offre mondiale), est un levier qui permet de se faire entendre par les acteurs de la chaine de valeur du cacao. Ensuite, c’est un hommage rendu au chef de l’Etat qui, grâce à la réforme du secteur café-cacao, a su améliorer les prix payés aux producteurs, et en améliorant aussi la qualité de notre cacao.


Quel est le mécanisme de prise de décision au sein de l’Icco ?


Conformément à l’article 12 de l’Accord international de 2010 sur le Cacao, le Conseil s’efforce de prendre toutes ses décisions et de faire toutes ses recommandations par consensus. Si un consensus ne peut être atteint, le Conseil prend ses décisions et fait des recommandations par un vote spécial. Le Conseil est l’Organe suprême de l’Organisation et donc les missions consistent à créer les conditions de la mise en œuvre des décisions et directives de manière consensuelle, en vue d’une économie cacaoyère mondiale durable.


Il existe également l’Alliance des pays producteurs de cacao. Que pouvez-vous dire au sujet de cette faitière qui, semble-t-il a pris du plomb dans l’aile ?


En effet, l’Alliance des Pays Producteurs de Cacao (Copal) est une organisation Intergouvernementale créée en 1962 qui regroupe six pays d’Afrique que sont : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Nigeria, le Togo et le Gabon. Ces six pays représentent plus de 75% de la production mondiale de cacao. Cette organisation qui comprenait treize membres est réduit aujourd’hui au nombre de six, d’où la volonté des membres de procéder à une restructuration. Ayant été désigné comme président du Comité de restructuration, mon équipe et moi sommes en train de finaliser les propositions pour une Copal plus performante, plus dynamique et plus engagée pour la défense des pays producteurs de cacao. Cette organisation dont le siège est au Nigéria, est en train de connaitre une véritable restructuration sous l’autorité du Ministre du Commerce et de l’Industrie de la Côte d’Ivoire, SEM Souleymane Diarrassouba, qui entend jouer toute sa partition pour l’amélioration des conditions de vie de nos braves producteurs de cacao. C’est ici le lieu de leur rendre hommage en ma qualité de porte-parole des pays producteurs de cacao. Leur cri du cœur est légitime et a été entendu. C’est ensemble que nous gagnerons la bataille des prix justes, des prix rémunérateurs, et surtout de l’amélioration de leurs conditions de vie. Je fais cette précision pour vos lecteurs parce que le rôle de l’Icco n’est pas de défendre les intérêts des producteurs. Quand vous prenez l’Accord International de 2010 sur le Cacao en son article premier, relatif aux objectifs, il est écrit : « En vue de renforcer le secteur mondial du cacao, de favoriser son développement durable et d’accroître les avantages pour toutes les parties prenantes, les objectifs dudit accord sur le cacao sont les suivants; ensuite, on énumère un certain nombre d ’actions concrètes, allant de la promotion de la coopération internationale en passant par la recherche cacaoyère, la promotion de la transparence du marché, la promotion de la consommation du cacao et enfin la disponibilité d’informations sur les instruments et les services financiers. La structure qui est habilitée à défendre les producteurs de Cacao est l’Alliance des Pays Producteurs de Cacao (Copal) qui représente 75% de la production mondiale de cacao.

Interview réalisée par Serge Amany







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