La saison des investitures se poursuit dans la sous-région ouest-africaine. En effet, après celles de l’Ivoirien, Alassane Ouattara, du Guinéen Alpha Condé et du Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, l’on a assisté, le 7 janvier, à l’investiture de Nana Akufo-Addo. Plusieurs chefs d’Etat africains, constitués majoritairement de ceux de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, ont honoré de leur présence la cérémonie. Des démocrates bon teint ainsi que des anti-démocrates patentés se sont affichés aux côtés de leur homologue ghanéen, pour célébrer avec lui, le début officiel de son second mandat. Et Covid-19 oblige, toutes les délégations étrangères ont été tenues de fournir un test PCR négatif de 72 heures avant d’être admises dans le pays. En outre, tous les participants à la cérémonie portaient chacun un masque facial. Et comme il est de coutume dans ce pays, l’observance des traditions a donné des couleurs particulières à la cérémonie.
Bref, tout a été réglé comme sur du papier à musique en alliant tradition et modernité. La fête aurait été plus belle, n’eût été ce méchant virus qui a cloué au pilori la planète entière. Elle aurait eu plus d’éclat également, si le processus électoral n’avait pas été contesté par l’opposition pour des faits supposés ou réels de fraudes. Mais à la différence de ce qui se passe au pays de l’oncle Sam, le candidat malheureux, John Dramani, n’a pas fait appel à la rue pour régler son problème mais plutôt aux institutions du pays. Cette façon civilisée de gérer le contentieux électoral, fait partie également de la marque de fabrique du Ghana. Toutefois, les Ghanéens et les Ghanéennes savent que la présidentielle de cette année a enregistré au moins 5 morts et fait de nombreux blessés. Et comme pour ne rien arranger, les députés, réunis pour élire leur président, se sont offerts en spectacle à travers des scènes de violences au Parlement. De ce point de vue, ils doivent s’abstenir de dormir sur leurs lauriers.
La démocratie n’a de sens que si elle permet de desserrer l’étau de la misère autour du cou des populations
Ils doivent donc travailler de sorte à ce que les futurs rendez-vous électoraux soient moins contestés et plus apaisés. En tout cas, les démocrates africains sont en droit d’attendre cela du Ghana. En effet, le pays est connu pour l’exemplarité de sa démocratie. Ce label doit être coûte que coûte préservé. Cela dit, le second et dernier mandat de Nana Akufo-Addo ne sera pas comme un long fleuve tranquille. Et pour cause : l’homme fera face à une montagne de défis. Le premier est celui de la corruption. Lors de son premier mandat, il en avait fait une de ses priorités. Mais force est de reconnaître que les fruits n’avaient pas tenu la promesse des fleurs. Bien au contraire, la corruption a pris du galon. La preuve que la question est loin d’être réglée est ceci : à trois semaines de la présidentielle, le procureur anticorruption, Martin Amidu, avait rendu le tablier. Il accusait le président Akufo-Addo d’avoir tenté de lui faire enterrer un rapport compromettant sur une société Offshore créée par le gouvernement pour gérer les redevances minières. Ce genre de révélations n’est pas isolé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela est révélateur du caractère endémique de la corruption au Ghana. Et tant que Nana Akufo-Addo ne va pas véritablement lui livrer bataille, tous ses efforts en matière de développement seront vains. D’ailleurs, on peut prendre le risque de dire que c’est la corruption qui est à la base du grand retard du continent noir par rapport aux autres.
Le deuxième grand défi que Nana Aku-Addo doit relever, est celui de l’emploi des jeunes. C’est vrai, cette question n’a pas la même envergure au Ghana que chez ses voisins francophones, parce qu’au pays de Kwame N’Krumah, l’on a très tôt misé beaucoup plus sur l’enseignement technique que sur l’enseignement général. Nonobstant cela, la question de l’emploi des jeunes demeure. Et pour la résoudre de façon significative, Nana Akuffo-Addo doit faire l’option de l’industrialisation tous azimuts et intelligente du Ghana. Cela représente, pour lui, l’autre grand défi à relever. Arrivera-t-il à relever ces trois grands challenges ? En tout cas, c’est tout le mal qu’on lui souhaite. Car, la démocratie n’a de sens que si elle permet de desserrer, chaque jour que Dieu fait, l’étau de la misère autour du cou des populations.
Pousdem PICKOU