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Internationale

Proclamations des résultats au Niger :une calebasse de sang pour rappeler aux vainqueurs qu’ils auront du pain sur la planche

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Il a fallu cinq jours de travaux à la Commission électorale indépendante du Niger pour annoncer les résultats provisoires globaux du premier tour du scrutin du 27 décembre dernier, qui combinait élections présidentielle et législatives. De la trentaine de candidats en lice pour la magistrature suprême, deux se sont détachés du lot : Mohamed Bazoum du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) et homme-lige du président sortant Mahamadou Issoufou qui est arrivé en tête avec 39,67% des voix, et le revenant Mahamane Ousmane du Rassemblement démocratique et républicain (RDR Tchandji), premier président démocratiquement élu du Niger en 1993 et balayé par un coup d’Etat militaire en 1996, qui a glané 16,99% des suffrages exprimés.

 Ballotage donc largement favorable au candidat du parti au pouvoir avec cet écart important d’une vingtaine de points, mais qui ne lui garantit pas pour autant le plébiscite dont il rêve au second tour de cette présidentielle prévu pour le 20 février prochain. N’oublions pas en effet qu’au Niger comme dans la plupart des pays africains, le principe démocratique est bien souvent perverti par les hommes politiques qui n’hésitent pas à utiliser leurs appartenances identitaires comme ressources politiques, transformant du coup la compétition démocratique en une compétition entre régions ou même entre ethnies. 

Cette corrélation entre l’origine ethnorégionale des candidats et leurs résultats a été encore ressentie au cours de cette élection présidentielle à l’issue de laquelle Mohamed Bazoum pourtant issu d’une tribu arabe ultra minoritaire a eu un pourcentage écrasant des voix à Tahoua dans la région d’origine de son mentor Mahamadou Issoufou, alors que son challenger Mahamane Ousmane est resté maitre du jeu dans son bastion Houassa de Zinder. Globalement, les résultats enregistrés dans les différentes régions du pays traduisent incontestablement une primauté de la variable identitaire dans l’expression des suffrages, et il n’est pas exclu que cette interférence ethnique dans le jeu électoral déjoue les pronostics, comme ce fut le cas en Guinée-Conakry en 2010. 

En clair, rien n’est encore joué pour ces deux finalistes qui, aux yeux de nombreux Nigériens compétissent par procuration, le premier au nom du président sortant et le second avec le soutien du chef de l’opposition nigérienne Hama Amadou qui, faut-il le rappeler, ratisse large dans l’ouest du pays majoritairement Djerma malgré sa disqualification pour raisons judiciaires. En attendant donc que les candidats défaits se positionnent pour l’un ou l’autre des deux vainqueurs du premier tour, on ne peut que se perdre en conjectures ou dans un improbable calcul de probabilités, en sachant que les ralliements contre-nature de même que les revirements spectaculaires et in extremis ont toujours fait partie du jeu politique au pays de Hamani Diori. Une chose est pour le moment sûre, si le candidat du parti au pouvoir remportait le 2è tour au soir du 20 février prochain, il n’aura pas du mal à dérouler son programme, quand on sait déjà que le PNDS-Tarayya a été sans pitié pour ses adversaires et alliés aux législatives, avec 80 sièges dans son escarcelle sur 171 possibles, alors que le suivant immédiat, le Moden Fa Lumana de l’opposant Hama Amadou ne s’en tire, pour ainsi dire, qu’avec 19 députés. Si on ajoute à ces 80 sièges du parti au pouvoir, ceux glanés par ses alliés de la « Coalition Bazoum2021 » en attendant la répartition ultérieure des 5 sièges dédiés à la diaspora, on peut dire que le compte est déjà bon pour les héritiers de Mahamadou Issoufou.

 Quant à Mahamane Ousmane, s’il venait, par extraordinaire, à damer le pion à Mohamed Bazoum au second tour malgré ses 7 députés, il composera à son corps défendant avec un Parlement et un Premier ministre hostiles, ce qui ne manquera certainement pas de lui rappeler le douloureux souvenir du blocage institutionnel de 1995-1996 qui avait abouti, comme chacun le sait, au coup d’Etat militaire du colonel Ibrahim Baré Mainassara quelques mois plus tard. Au total, si l’on ne sait pas pour le moment qui des deux briscards de la politique sera le futur président du Niger, on sait en revanche que le successeur de Mahamadou Issoufou devra répondre à plusieurs défis de taille s’il veut diriger le pays sans encombre. Le plus gros de ces défis est assurément la sécurité, quand on sait que les deux extrémités Est et Ouest du pays sont à feu et à sang du fait des attaques terroristes, alors que dans le même temps, les finances sont évanescentes et les statistiques relatives à la pandémie du coronavirus croissent de façon exponentielle. Pas plus tard que samedi dernier en effet, et de façon quasi concomitante à la proclamation des résultats du scrutin combiné, les terroristes ont pour ainsi dire accueilli les deux champions du premier tour avec une calebasse de sang, en manifestant leur folie meurtrière à Tchombangou et à Zaroumdareye, dans la région occidentale de Tillabéry, non loin du Mali voisin. Au moment où nous bouclions cet article, la comptabilité macabre de l’expédition punitive des mauvais garnements faisait état de plus de 70 morts et d’un nombre incalculable de blessés, ce qui est un bien mauvais présage pour la prochaine campagne électorale de ce second tour, un second tour dont le Niger aurait du reste bien pu se passer dans le contexte sécuritaire, économique et sanitaire actuel.


Hamadou GADIAGA





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