Le 28 décembre dernier a eu lieu, au Palais des sports, la cérémonie d’investiture de Roch Marc Christian Kaboré. Covid-19 oblige, les organisateurs ont mis un point d’honneur à faire respecter les mesures- barrières, si fait que le nombre des invités a été drastiquement réduit. Une dizaine de chefs d’Etat africains ont honoré de leur présence la cérémonie. A ces présidents se sont ajoutées des personnalités du monde diplomatique. On notait aussi la présence de présidents d’institutions, de dignitaires religieux et coutumiers ainsi que des personnalités du monde politique. L’investiture de Roch Kaboré est importante, puisqu’elle est l’acte qui parachève le processus électoral. Les Burkinabè ont eu donc raison de mettre les petits plats dans les grands pour célébrer l’événement. Ils peuvent d’autant plus s’en réjouir que le processus électoral a enregistré zéro mort et zéro blessé. En outre, il n’a pas connu de manquements graves au point de porter un coup à la transparence et à la crédibilité du scrutin. Cela a, du reste, été relevé par le Conseil constitutionnel. La tâche de l’institution a été facilitée du fait qu’aucun candidat malheureux n’a jugé bon de déposer un recours contre la victoire de l’Enfant de Tuiré. L’un dans l’autre, on peut dire que les Burkinabè, comme en 2015, et nonobstant les adversités qui se sont dressées sur leur chemin, ont fait preuve de maturité démocratique.
Et le mérite en revient aux électeurs, aux acteurs du monde politique et à toutes les institutions chargées de gérer les questions électorales. En cela, le Burkina a fait la différence avec bien des pays africains qui n’ont eu aucun scrupule à malmener la démocratie. Cela dit, dans son discours d’investiture, Roch Marc Christian Kaboré a égrené les grands projets à réaliser au cours de son mandat. Comme on pouvait s’y attendre, la question de la réconciliation a été évoquée. Roch Marc Christian Kaboré n’a pas varié d’un iota quant à la manière de la mettre en œuvre. Pour lui, en effet, la question ne se résoudra pas au détriment de la vérité et de la justice. In fine, le président a martelé ceci : « Les voies d’une réconciliation véritable doivent aller au-delà des questions conjoncturelles ».
Roch doit opérer un casting de raison, qui favorise l’efficacité et l’efficience
Le président a également abordé le problème de la corruption et des passe-droits, la nécessité du règlement des questions foncières et immobilières, l’urgence de créer des emplois décents. Le défi sécuritaire, selon lui, sera relevé. Bref, Roch Marc Christian Kaboré a été bref dans son discours d’investiture mais tous les grands problèmes auxquels le pays fait face, ont été évoqués. Et le président s’est engagé solennellement à leur trouver des solutions idoines. C’est pourquoi l’on peut dire que c’est maintenant que le plus dur commence. En tout cas, il sera jugé aux résultats. Lors de son premier mandat, peut-on-dire, le président Kaboré a donné l’impression de vouloir caresser tout le monde dans le sens du poil, y compris les femmes et les hommes qui méritaient d’être châtiés à la hauteur de leurs forfaits. Il lui reste cinq ans pour corriger tous les ratés de son premier mandat. Et Dieu seul sait s’ils sont très nombreux. Du reste, il a eu le courage et l’honnêteté d’en parler au cours de son investiture au Palais des sports. En 2015, lorsqu’il étrennait son premier mandat, il avait opéré, peut-on avoir l’impression, un casting de sentiment, puisque l’homme est fidèle en amitié. De ce point de vue, des copains d’enfance, de jeunesse et de quartier ont été appelés à ses côtés. La suite, on la connait. Certains d’entre eux se sont laissés aller à des actes qui ont entaché fortement le premier mandat. Maintenant qu’il n’est plus dans la logique de la quête d’un autre mandat, il doit opérer un casting de raison, c’est-à-dire celui qui favorise l’efficacité et l’efficience même si, pour cela, il doit sacrifier ses vieilles connaissances et autres amis. Dans la même veine, il doit marquer de la distance vis-à-vis de tous ses courtisans qui peuvent être tentés de le conduire sur le chemin périlleux d’un éventuel 3e mandat. Cette tentation est d’autant plus possible qu’il compte parmi ses amis chefs d’Etat, des gens qui ne se sont pas gênés pour tripatouiller la Constitution de leurs pays respectifs pour s’offrir un 3e mandat. Et ces anti-démocrates étaient là hier, pour l’aider à célébrer la démocratie. Et c’est là où réside toute l’incohérence de leur présence. Aujourd’hui, Roch Marc Christian Kaboré a l’opportunité de poser de grandes actions en faveur du Burkina. Et ce ne sont pas les compétences qui manquent pour l’y accompagner. Il a l’obligation morale et politique d’aller les chercher où qu’elles se trouvent. L’essentiel est qu’elles soient des Burkinabè. Leur coloration politique ne devrait pas être un obstacle à leur implication dans la résolution des grandes équations qui se posent au Burkina. En tout cas, le président est prévenu. A lui de faire en sorte que son deuxième et dernier mandat soit celui de la rupture. C’est seulement à ce prix qu’il peut entrer dans l’histoire du Burkina comme un homme d’Etat. Et la meilleure façon de rendre hommage à l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, et à laquelle il a d’ailleurs fait un clin d’œil lors de son investiture, est de s’inscrire dans cette logique.
Sidzabda