Toura et Yacouba sont les populations autochtones de la région du Tonkpi dans l'Ouest de la Côte d'ivoire qui couvre les départements de : Danané, Zouan-Hounien, Sipilou, Man et Biankouma. L’institution du masque constitue l'un des socles importants de cette culture. Appelé « Gohoh » par les Toura ou « Guéhe » par les Yacouba, le masque, dans cette région est un symbole qui a prééminence sur le monde des humains. « Être divin ou esprit incarné », le masque régit la société et détient un pouvoir immense dans de nombreux domaines : spirituel, culturel, politique et même juridique.
Dans cette aire, la décision du masque est irréfutable. Personne ne peut avoir raison du masque qui, selon les patriarches habite dans les grottes des montagnes ou dans les forêts, précisément dans des enclos aménagés par des initiés. C'est pendant le voyage des masques chez les humains, dans les villages, qu'ils résident dans les cases sacrées appelées en langue locale : « Guéhe-koh », « Gbouhou-koh » ou « Gbene ». Ce sont des espaces gardés et entretenus par des sages respectueux des valeurs traditionnelles, et strictement interdits aux femmes ainsi qu’aux personnes non initiées.
De par leurs fonctions dans la société, il existe plusieurs types de masques.
Les masques chanteurs et danseurs, bien que gardant leur caractère sacré sont accessibles à tout le monde. Le masque est alors le principal animateur des groupes de danseurs et chanteurs. Ces masques sont réputés pour leur belle voix.
Les masques coureurs défient les hommes par leur vitesse et leur agilité. À l'origine, les masques coureurs étaient chargés de porter des messages d'un village à un autre.
Les masques gendarmes protègent les villages contre les incendies pendant les saisons sèches. Ils veillent aussi à l'hygiène et à la propreté du village.
Les masques comédiens font rire en amusant les enfants et les personnes âgées. Ce sont les amis des enfants dans les villages.
Les masques guerriers sont des combattants qui démontrent la puissance et la force d'un être qui est au dessus des humains.
Quelques spécimen de masques dan
Une incursion dans l'univers des masques dans la société traditionnelle dan, nous permet de découvrir ces quelques spécimens. L'échassier ou le masque long, appelé « Guéhe-gblin », de par sa taille, constitue une source d'attraction et de curiosité. L'échassier ou le « Guéhe-gblin » a la réputation de conjurer le mauvais sort. Car, surplombant tout le monde. Il voit de loin, prévoit et protège les hommes. Il enchante surtout par les acrobaties dont il est seul à connaître le secret. On trouve les échassiers dans les régions de Danane, Sipilou et Biankouma. Particulièrement dans la communauté yacouba.
Le « Sakpe » est d'origine mahou. Ce masque a été adopté par les Toura et Yacouba. C'est le masque gendarme. Il protège les cases sacrées, mais aussi les autres masques de tout regard malveillant. C'est lui qui est chargé de la discipline et d'annoncer à la population du village la sortie des autres masques.
Le « Guéhe-ponh » ou masque calao est originaire de Yorodougou dans le département de Sipilou. Il se présente comme l'ennemi des fléaux ou calamités naturelles.
Le « Gba-Guéhe » est un masque qui serait venu de la région de Gouana (Touba). Il est doté d'une puissance surnaturelle.
Le « Guépietan » est d'origine toura. C'est la danse qui accompagne les masques pendant la fête de l'igname. Le masque principal au cours de cette cérémonie est appelé : « Mousso -Guéhe ». Cette danse est exécutée par des initiés.
Le « Zekpa », originaire de Dio est un masque guerrier qui précédait les hommes quand ils allaient en guerre. Il avait pour mission principale de détecter les embuches et les sorciers. C’est un masque de taille moyenne, 1,50 mètre environ. Il a une petite figure moustachue, avec un air toujours grave. Le « Zekpa » est constamment armé d'une lance.
Le « Guéhe-Gon », c’est le grand masque. Il sort rarement. Il est consulté pour le règlement des différends communautaires.
Face aux mutations sociales, les masques dans la société dan sont en difficulté, car menacés de disparition. Les intermédiaires entre les masques et les hommes (Guéhe-hakia) se font de plus en plus rares. Les gardiens des cases sacrées aussi. L'urbanisation galopante des villages engloutit de façon drastique les forêts sacrées ici et là… « Faute de relève, les masques dans notre société sont menacés de disparition. Les religions dites révélées mettent à mal les fonctions des masques. Il nous appartient, notables, chefs de village et de canton d'expliquer et de sensibiliser la jeune génération sur la nécessité de la protection et de la préservation des masques, ce maillon essentiel de notre patrimoine culturel » a fait observer Zoh Loua Olivier, chef du canton Toura. Jusqu'en l'an 2000, était organisé, au stade Léon Robert de Man, chef-lieu de la région du Tonkpi le « Guéhe-Vah », festival des masques de l'Ouest montagneux de la Côte d'Ivoire. Un espace de présentation, de rencontre et d'échange entre les masques, auquel prenaient part les masques wè, en provenance des régions du Guémon et du Cavally, des masques gouro, de la région de la Marahoué et des masques sénoufo en provenance de Korhogo, différents peuples frères et alliés des Yacouba.
Honoré Droh
Correspondant régional à Man.
Publié le :
4 août 2024Par:
Eugène KEITA