Malgré la reprise des parts de l’Etat (51,60%) à l’entreprise canadienne West Bridge Mortgage Reit dans la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire( Bhci), la situation des clients est toujours critique. Car, ceux-ci n’arrivent toujours pas à effectuer des retraits comme il le faut et tel qu’ils le veulent. Plus grave, le montant de retrait est fixé par la banque, sous prétexte qu’il n’ya pas assez de liquidité.
Cadre d’administration à la Retraite, Touré.B, avait souscrit à une assurance de la place. Arrivé à échéance, la compagnie d’assurance lui a versé les revenus de la cotisation virés à la Bhci. Mais, « je ne peux effectuer aucun retrait. On me fait comprendre que je ne peux pas retirer la totalité de mon argent alors que j’ai des besoins à satisfaire ». Ce retraité n’est pas le seul dans cette situation. Aboudhramane .K a aussi fait cette amère expérience. Résidant en France, il a souscrit à une opération immobilière en Côte d’Ivoire, qu’il espérait finaliser. Rentré à Abidjan en mars dernier, il a voulu effectuer un retrait d’un million pour accélérer les travaux de la maison. A sa grande surprise, la Bhci lui exige un retrait de seulement 250.000 Fcfa, qui ne pourrait être décaissé qu’une semaine après.
Devant le siège de la Banque de l’habitat de Côte d’ivoire au Plateau, nous avons pu approcher certains clients de la banque qui n’ont pas caché leur peine face à cette situation qui perdure. « Si j’avais su dès le départ, je n’allais pas accepter d’ouvrir un compte dans cette banque », nous fait savoir Mailet K, qui aspirait à acheter un appartement.
Pourtant, face à la faillite qui se profilait à l’horizon, les choses commençaient à rentrer dans l’ordre, après la nomination des nouveaux membres du Conseil d’administration de la banque, par le gouvernement, le mercredi 27 novembre. D’autant plus que le ministre de l’Economie et des Finances Adama Coulibaly, soutenait ce jour, lors de la visite d’Etat du Président Ouattara à Katiola « qu’en prenant la décision de reprendre le contrôle de la Banque, l’Etat veut assurer absolument la protection des clients et préserver leurs épargnes ». Les clients avaient fondé un espoir sur ce réaménagement, surtout avec la nomination d’une nouvelle directrice générale en la personne de Désirée Eliane Yacé pour redynamiser la structure. Et cela, assorti d’un plan de relance en synergie avec l’ensemble des équipes de la banque .Mais cette nomination, selon une source, a suscité des licenciements au niveau de la banque, « Des cadres ont été remercié. Parmi eux il y avait de la bonne graine », nous explique-t-il.
« Je me rappelle que le gouvernement expliquait sa reprise des parts par le fait que Westbridge n’a pu satisfaire aux conditions imposées par la Commission Bancaire, notamment la finalisation du processus de cession de la banque, au plus tard le 15 octobre 2019, et la recapitalisation de la Banque, le 31 octobre 2019. Mais, pourquoi y-a-t-il toujours des problèmes ? » Interroge un observateur du domaine de la finance. Pour lui les germes de la faillite sont perceptibles à travers l’impossibilité des clients à rentrer en possession de leurs avoirs.
Après un brin d’espoir, plusieurs clients de la Bhci ont revu leurs avoirs bloqués, sans réelle explication. C’est le cas de Daouda Coulibaly, travaillant dans une entreprise d’édition. Ce dernier nous explique qu’il n’a pas pu rentrer en possession de deux mois de salaires. « Au départ je pensais que ma carte magnétique avait un problème. C’est lorsque je suis allé voir mon gestionnaire que j’ai compris la situation inquiétante de la banque ». Après avoir retiré le quart de ses deux mois de salaires, ce cadre d’entreprise a dû ouvrir un autre compte dans une nouvelle banque commerciale. Et ils sont légion dans ce cas, les clients de cette banque, dont certains ne manquent d’exploser bien souvent de colère dans les locaux de la Bhci. Comme cet homme qui avait grand besoin d’argent pour assurer ses soins de santé et à qui la banque refusait tout retrait, « sous le prétexte bidon que mon solde qui reste consistant, est frappé de réserve. Voilà un vocable que tous les gestionnaires ont la bouche, comme si les clients avaient donné leur accord pour cela. On ne reçoit aucune information, pas d’explications sur les dispositions qu’ils prennent. Tout nous tombe dessus subitement…Quelle bande d’incapables a-t-on finalement choisi pour relancer cette entreprise », s’interroge –t-il plein de courroux.
Les tentatives pour rencontrer la directrice générale sont restées sans suite. Après plusieurs appels avec la cellule de communication, rien n’a filtré. Pendant ce temps, la grogne des clients continuent en espérant une décision étatique, pour leur permettre de rentrer en possession de la totalité de leur argent. S’achemine-t-on vers une liquidation ?
En effet, le cas de la Bhci pourrait rejoindre celui de la Banque de financement de l’agriculture (Bfa), qui était détenue à 83% par l’Etat, mais a connu une gestion scandaleuse. Cette fragilité financière diagnostiquée par le cabinet Price Water Coopers (Pwc) a contraint l’Etat à liquider la Bfa. Pourtant, cette banque avait pour mission d’accompagner les Pme et les agriculteurs.
Paul de Kouamé