Le Gbahou, vous connaissez ? C’est l’appellation générique en langue locale, du costume traditionnel Yacouba ou Dan. Encore appelé « Boubou » Yacouba, nombre de personnes le portent sans toujours en connaître l’origine et l’histoire. Ce costume traditionnel au demeurant prisé, est de trois sortes essentiellement. Ensemble découvrons les. Il y a de prime abord le Fakhre, Fakhe-hi ou Fakhe , selon que vous êtes Toura ou Yacouba de Biankouma. C'est l'habit royal. Le Fakhe est un ensemble : le haut est un boubou à manches bouffantes, porté sur une grosse culotte traditionnelle qui laisse entrevoir une partie des mollets du porteur. Avec le Fakhe , le port d'un bonnet fait exclusivement de cotonnade est obligatoire. Ce bonnet, en Yacouba est appelé le « Gblo-fan ». Le Fakhe est ample et très épais. Dans la société traditionnelle Dan, il est porté par des personnes âgées, des notables, des chefs de villages, de terres, de cantons et des gardiens de cases sacrées. La confection du Fakhe qui autrefois se faisait à la main pouvait prendre au moins un an. Par ordre d’importance, le boubou qui vient immédiatement après est le Sota behi. Ce costume est tout petit. Il sert généralement de sous corps aux chefs traditionnels Yacouba lorsqu'ils s'habillent pour assister à une importante cérémonie traditionnelle. Le Sota behi qui se porte sous le Fakhe peut être considéré comme un élément décoratif pour le profane. Mais, en réalité il joue le rôle d'un vêtement protecteur contre les mauvais sorts ou même les balles. Enfin, il y a la Gandoura (terme qui serait d'origine Toura). Les Toura sont en effet l'une des trois composantes ethniques qui peuplent le département de Biankouma. La Gandoura est un autre genre de boubou traditionnel Yacouba, dérivé de la grande famille du Fakhe et du Sota behi dans leur expression la plus simple. En effet, sa conception présente de longues bandes de cotonnade juxtaposées qui laissent entrevoir les flancs du porteur de chaque côté. La Gandoura est par excellence la tenue de détente en pays Toura et Yacouba de Biankouma et par extension dans la région du Tonkpi. Elle est portée par des animateurs des courses de masques dans les villages, les danseurs pendant les clairs de lune et les conteurs d'un soir dans le coin d'une case.
Comme on le voit le Sota behi, le Fakhe et la Gandoura constituent les grandes entités des costumes traditionnels Yacouba. Outre les notables, les chefs de villages, les chefs de terre et les gardiens des cases sacrées, qui le portent, le Gbahou est aussi porté par les futurs initiés dans le bois sacré pendant les séances de circoncision. Il est aussi par excellence, la tenue portée par les masques au cours de leurs différentes prestations. Dans la société traditionnelle Dan, pendant le versement de la dot pour sceller un mariage, le Gbahou constitue une des composantes principales des cadeaux à offrir. Enfin, retenons que, « se faire beau pour briller â la fête, tout en maîtrisant les effets maléfiques des esprits malins » : tel est l'objectif essentiel à atteindre, à travers le port du costume traditionnel Yacouba, expliquent de nombreux notables et chefs de villages rencontrés.
Grâce aux femmes
A l'origine du costume traditionnel Yacouba, il y a : la femme. Les boubous Yacouba sont confectionnés à partir des fils de cotonnade, que les femmes concevaient jadis, dans la société traditionnelle. Les fils étaient ensuite mis en pelotes puis remis aux tisserands du village. Ces femmes sont appelées des fileuses. Pour l'exercice de cette fonction annexe, en plus des champs de riz et de fonio, la femme Toura et Yacouba de Biankouma, dans un passé récent, possédaient toujours une parcelle voisine où, elle pouvait semer des grains de coton. Une culture empruntée au peuple voisin du nord. « L'une des missions secrètes de la femme au foyer est de donner une belle image de son homme, afin qu’il fasse plutôt envie », confient des fileuses, grands-mères pour certaines et arrières grands -mères pour d'autres, rencontrées à Gan. Localité située à 9km de la sous- préfecture de Biankouma.
Un produit prisé par les touristes
Si, un jour de passage à Lagos au Nigeria, à Paris en France ou à New York aux États-Unis, vous découvrez des hommes vêtus de Gbahou , ne soyez pas surpris. Ce costume traditionnel Yacouba est aujourd'hui très prisé des touristes. Notamment des touristes européens, américains et africains. Et de plus en plus des touristes nationaux. Ceux-ci les achètent en souvenir de leur passage dans l'ouest montagneux de la Cote d'ivoire. Où simplement pour les offrir à un ami ou à un parent proche. Du coup, la vente du costume traditionnel Yacouba connait un réel essor à Man, chef- lieu de la région du Tonkpi. A l'entrée du grand marché de la ville, plusieurs magasins spécialisés dans la vente de ces vêtements ont ouvert leurs portes. Ils ne désemplissent jamais. Et on y trouve exposés des boubous pour toutes les bourses. Les prix unitaires vont de 7500 F cfa à 150.000 F cfa. Selon les motifs imprimés sur la face ventrale ou pectorale, la taille et le type de cotonnade. Du fait de la rentabilité de ce commerce, de nombreux jeunes ont fait de la vente du Gbahou leur activité économique dominante. Doua Théodore un ancien couturier reconverti, est de ceux- là. Nous l'avons rencontré dans l'enceinte de sa boutique. Pour lui, le commerce des costumes traditionnels Yacouba nourrit simplement son homme. "Couturier que j’étais, je me suis reconverti en commençant de boubous Yacouba depuis 1998. De la pratique de cette activité, je retire une réelle satisfaction. Avant la crise du 19septembre 2002, la plupart de mes clients étaient des touristes européens et américains. Aujourd'hui la tendance est africaine. Avec beaucoup de nationaux. Des Ivoiriens qui viennent du nord, du Sud, du centre et même de plus en plus, des contrées de Man. Je vends sur commande dans la plupart des cas. De la pratique de cette activité, j'ai construit ma maison d'habitation. Je subviens depuis une vingtaine d'années aux besoins de ma famille sans problème », révèle Doua Théodore, le sourire en coin.
Honoré Droh. Correspondant Régional
Publié le :
5 juillet 2020Par:
MOISE DION