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Economie

Amendes judiciaires : L’épineux problème du recouvrement

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Le recouvrement des amendes judiciaires reste un véritable casse-tête pour le trésor public qui en a la charge. C’est qu’aucun moyen efficace n’existe en la possession de ce  grand service public pour assurer la collecte desdites amendes auprès de personnes pourtant condamnées à les payer. Ce qui représente un énorme manque à gagner pour les caisses de l’Etat, estimé à des milliards de Fcfa.
 
La contribution des amendes forfaitaires dans le financement du budget de l'État n'excède pas 1%, selon les statistiques de l'Agence comptable des créances contentieuses de la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (Dgtcp) .Une contre performance motivée par  le faible taux de recouvrement des amendes judiciaires.  « Lors d’une juridiction correctionnelle, le prévenu qui est condamné doit payer une amende à l’Etat. Pourquoi ? Parce que l’acte qu’il a posé a occasionné des troubles à l’ordre public. Cela n’a rien à voir avec les réparations civiles données à la victime », explique l’huissier de justice Me Aiti . Par exemple pour un individu qui extorque près de 15.000.000 Fcfa, en cas de dommage il devrait non seulement rembourser ce montant, mais aussi payer une amende pour dysfonctionnement régulier dans le fonctionnement de l’Etat.  Mais, de nos jours « les amendes judiciaires ne sont plus recouvrées depuis un moment », déplore un avocat à la Cour, rencontré dans les couloirs du Tribunal de première instance du Plateau. En effet, « sur un montant d'un peu plus de 5 milliards de francs CFA d’amendes infligées à l’issue des  condamnations prononcées de 2012 à 2016, seulement 24,6 millions de francs CFA d'amendes judiciaires, ont été recouvrées, soit un taux de 0,97% », révèle le chef  du service recouvrement des pénalités et amendes à l'Agence comptable des créances contentieuses, Kéita Koriah, au cours d’un atelier tenu sur les amendes judiciaires à Abengourou.
L’appareil judiciaire ivoirien, par le bais du directeur des Affaires civiles et pénales du ministère de la Justice et des droits de l'Homme d’alors, Daniogo N'Golo, avait attiré l’attention sur le manque à gagner de 13 milliards Fcfa découvert au niveau des amendes judiciaires. Une révélation faite lors  d’un séminaire tenu avec les acteurs du monde judiciaire, autour du thème « les enjeux de la responsabilisation des acteurs judiciaires face au défi d'un meilleur recouvrement des amendes judiciaires »,  en juillet 2018.
Face à ce gap, qui constitue un énorme manque à gagner pour l’économie  ivoirienne, le directeur des Affaires civiles et pénales avait invité la direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dgtpc)  à plus de collaboration. « Il est impérieux, face à l'amenuisement des financements extérieurs, de renforcer la mobilisation des ressources intérieures pour le financement du Pnd », avait pour sa part relevé  le Fondé de pouvoirs, Michael Doh Oulay, représentant le Trésorier général d'Abengourou.
Mais en fait, qui est exactement chargé de recouvrer les mandes infligées par les juridictions compétentes en la matière ? «L’amende est formulée après décision de justice et c’est l’huissier qui est chargé de signifier cette amende. Quand la décision est inattaquable ou devient définitive, c’est le greffier en chef qui est chargé d’acheminer cette décision vers le Trésor, qui va par la suite procéder au recouvrement », explique Me Aiti huissier de justice. A l’en croire, c’est le Trésor public qui est investi du pouvoir de procéder au recouvrement des amendes judiciaires et non le régisseur .de prison, contrairement à ce l’on pourrait croire. Le régisseur est plutôt chargé de garder un prévenu dans ses geôles, en cas de condamnation. En outre, « dans notre fonction il n’ya aucun texte qui nous donne le droit de procéder au recouvrement des amendes. Mais depuis l’année 2018, la nouvelle loi nous attribue le titre de commissaire de justice au lieu d’huissier de justice. Et  notre rôle a été étendu  à certaines  tâches jusque là exécutées par des agents de l’Etat. Aujourd’hui les ventes aux enchères relèvent de notre juridiction, ce qui n’était pas le cas auparavant », clarifie Me Diomandé, huissier de justice.
Le montant des amendes varie selon l’affaire. Mais, il est toujours inferieur à la réparation civile.  Par exemple, dans l’article 183 du Code pénal de 2018, ceux qui participent à une manifestation non déclarée ou interdite sont punis de l'emprisonnement  de six mois à deux ans et d'une amende de  100.000 Fcfa  à 1.000.000 Fcfa. Dans l’article 200 nouveau dudit code (loi N2008-222 du 4/08/2008), quiconque se rend coupable de racisme, de xénophobie, de tribalisme ou de discrimination raciale ou religieuse est puni d’un emprisonnement de cinq  à dix ans et d’une amende de 500.000 Fcfa à 5.000.000 Fcfa.
Après avoir purgé une peine de cinq ans à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan(Maca), pour une affaire de drogue, Ouattara Almamy, révèle qu’on lui avait infligé une amende de 100.000F Fcfa, mais il n’a rien payé à sa sortie. « Il ya un officier de police judiciaire qui m’a contacté par le biais d’un agent du Trésor. Mais, je n’ai plus eu de leur nouvelle », confie-t-il, avec une certaine  fierté..
 Un appel avait été lancé  en 2018, à l’endroit du Trésor public, afin qu’il déploie plus d’efforts et d’engagement pour le recouvrement. des amendes infligées aux personnes condamnées par une juridiction donnée. Pour le monde judiciaire, la procédure de dommage à l’Etat a toujours été respectée. Conscient de l’enjeu de ces créances, la Dgtcp s’est fixé un taux de recouvrement de 10% comme objectif pour 2020 contre 3% précédemment.
 
                                      Un devoir civique pourtant
 
 Tout cela met  à nu, l’insuffisance que connait le  recouvrement de ces amendes. La raison ? « L’ignorance, le manque de suivi et de rigueur dans l’application des lois, surtout que lorsqu’un condamné est libéré, la compassion  et le désir de donner une nouvelle chance à ce dernier font que la volonté d’imposer le recouvrement se dissipe », fait remarquer Me Tokpa huissier de justice.  
 
                
 
Contrairement à Me Tokpa, Hadja Sangaré assistante juridique évoque comme facteur explicatif du faible taux du recouvrement des amendes, la méconnaissance des textes par les agents commis à cette tâche. Pour ce faire, elle préconise « l’élaboration d’un répertoire de tous les textes relatifs au recouvrement des amendes et leur catégorisation ». Selon elle, les redevables au paiement de l’amende doivent aussi faire preuve de civisme fiscal, ce qui n’est malheureusement pas le cas. « En Europe, l’individu qui est amendé, n’attend pas d’être interpellé, il exerce son devoir fiscal. A défaut il ya un fichier d’identification pour le repérer », souligne-t-elle.
 
Pour une meilleure célérité,  la Chambre nationale des huissiers de justice de Côte d’Ivoire (Cnhj-CI), avait souhaité être impliquée dans le recouvrement des amendes judiciaires et forfaitaires,  suite à un atelier de réflexion organisé les 16 et 17 novembre à Yamoussoukro, par Usaid-Projustice. Même si  cette recommandation n’a pas encore été prise en compte par l’Etat, ladite Chambre se réjouit de la nouvelle attribution de ses membres. Lesquels sont dorénavant aussi appelés  Commissaire de justice. Ce qui leur permet de mener la même activité que les commissaires-priseurs.
Une chose est sûre, les acteurs de la chaîne de recouvrement souhaitent plus de sanctions contre les contrevenants eu égard à l’atelier organisé dans l’Indénié Djuablin en juillet 2018. « Ce serait aussi judicieux de préconiser la révision et l’harmonisation des textes afin de renforcer la clé de répartition et engager une quelconque poursuite », souligne le clerc Seydou. Coulibaly.
Issouf Kamagaté
 
 
La seule bonne volonté des agents recouvreurs ne suffira pas
Comment recouvrer les amendes infligées aux personnes condamnées par la loi, à l’issue des procès ? Voilà une problématique dont la résolution dépendra de biens de conditions à remplir. Il y a de prime abord, la capacité même des condamnés à le faire. En dehors d’une infime frange, nombre d’entre eux, sont pour des raisons économiques incapables de s’acquitter de cette obligation. De plus, il y a que même si l’on devait les poursuivre malgré tout, comment s’y prendrait –on, avec des personnes dont on ne peut localiser le domicile. Et cela, faute d’indications ou d’adresses précises les concernant.  Ce qui nous ramène à cet autre sujet relatif à l’absolue nécessité de l’adressage des rues et lieux d’habitation dans nos villes. Il a déjà fait l’objet de tentatives qui ont tout simplement tourné au fiasco. Et l’on en ait à le faire avec des méthodes   lamentablement archaïques, relevant d’un autre âge. Avec des descriptions qui s’apparentent par moment à de vrais énigmes. Outre les communes de Cocody, Treichville et les quartiers résidentiels de celle de Marcory, ainsi que certains quartiers de Koumassi, Yopougon, Attécoubé, Abobo, dont les habitations sont des opérations immobilières de la Sicogi pour la plupart, où peut- on facilement retrouver des personnes à travers des indications plus ou moins précises à Abidjan ? Idem dans les villes de l’arrière- pays qui vivent les mêmes réalités en la matière. Par ailleurs, il est indispensable de promouvoir le civisme fiscal, sans lequel le recouvrement des amendes judiciaires sera continuellement  difficile et compliqué pour les agents qui en ont la charge. Tant il est vrai que, les populations garderont la propension de toujours s’abstenir de donner des informations sur le domicile et la localisation d’un voisin, ou d’un quelconque individu, frappé par une décision de justice, quelle qu’elle soit. Une attitude qui s’explique  par de simples considérations culturelles. Qu’il va bien falloir s’employer à combattre.
Moussa Touré
 
 
 



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