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Culture

Mouna N’diaye , membre du jury du 72e festival de Cannes: Flash-back sur un séjour mémorable sur la croisette

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Comédienne de la troupe Ymako Teatri en Côte d’Ivoire, entre autres, où elle s’est formée sur les planches, elle a fourbi ses armes aux côtés de l’immense Sotigui Kouyaté, de vénérable mémoire, avant de consolider son talent dans de nombreuses autres structures artistiques en Afrique et en Europe. Son image reste collée au visuel du cinquantenaire et de la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Lauréate de plusieurs prix remportés ici et ailleurs, dont celui de la meilleure interprétation féminine au FESPACO 2015 avec « L’œil du cyclone », l’ancienne pensionnaire de l’Institut d’études théâtrales de la Sorbonne nouvelle Paris III, où elle a obtenu un diplôme spécialisé, a fait récemment partie du jury de la 72e édition du festival de Cannes.
 
Persévérante et rigoureuse, Maïmouna N’Diaye, plus connue sous le nom d’artiste de Mouna, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, nous a accordé un entretien le jeudi 13 juin 2019 à Ouagadougou. L’actrice-auteure-réalisatrice, native de Paris en France, nous parle, entre autres sujets, de sa participation à ce grand rendez-vous du 7e Art en mai dernier sur la Croisette.
 
 
 
 
Outre la comédienne qu’on connaît, qui est véritablement Mouna N’Diaye ?
 
 
 
Mouna N’Diaye est une citoyenne panafricaine de père sénégalais et de mère nigériane, qui a choisi de poser ses valises au Burkina Faso où le peuple l’a adoptée. Elle est fière et heureuse d’avoir porté haut et loin cette année les couleurs du Burkina Faso, de l’Afrique en général et des femmes qui se battent dans le métier du cinéma en particulier, au célèbre festival de Cannes.
 
 
 
D’un père d’origine sénégalaise, d’une mère d’origine nigériane, aujourd’hui établie au Burkina Faso. De quelle nationalité se réclame finalement Mouna ?
 
 
 
 
J’aime dire à chaque occasion que je suis panafricaine. Ce métissage pour moi est une chance énorme d’appartenir à plusieurs cultures, de les comprendre et de pouvoir les défendre toutes. Par rapport au métier d’artiste et de réalisatrice que j’exerce, c’est très important. C’est vraiment une chance, une grande richesse que je possède.
 
 
 
Vous êtes lauréate de nombreux prix dont celui de la meilleure interprétation féminine dans «L’œil du cyclone» du réalisateur Sékou Touré. Qu’est-ce que ces différentes distinctions vous ont apporté depuis lors ?
 
 
 
Au FESPACO 2015 «L’œil du cyclone» était en compétition et il a obtenu l’Etalon de bronze et moi le prix de la meilleure interprétation féminine. C’était une grande et agréable surprise de remporter ce prix au Burkina Faso avec un film burkinabè. Depuis 2015, ce film n’a pas arrêté de faire le tour du monde. Le FESPACO a été une chance pour ce film parce qu’à tous les festivals où il a été présenté il a raflé des prix. Il a eu en tout 80 prix, et personnellement j’en ai eu une douzaine à peu près. C’est une fierté, mais cela vous met aussi la pression parce que si vos talents ont été reconnus jusqu’à un certain niveau, vous ne devez plus aller en deçà. Cela vous oblige à être toujours au minimum au même niveau de jeu que dans le film pour lequel le prix vous a été accordé. On redouble de travail, on se remet en question, on va voir ce que les autres font et on souhaite qu’il y ait de plus en plus de soutiens pour pouvoir faire des films qui soient reconnus à l’international.  
 
 
 
Vous avez déjà été membre de jury dans plusieurs festivals ici et là. Comment avez-vous été coptée ?
 
 
 
L’œil du cyclone a été au festival de Khouribga au Maroc où j’ai obtenu un prix. Il a ensuite été en Tunisie aux Journées cinématographiques de Carthage où j’ai encore obtenu un prix. Après c’était au Cameroun avec une autre distinction. L’année d’après, tous ces festivals m’ont demandé si j’accepterais de faire partie de leurs jurys respectifs. C’est donc comme cela que je me suis entraînée avant d’aller au festival de film de Cannes. 
 
 
 
Justement, l’aventure s’est poursuivie récemment avec le 72e festival  du film de Cannes qui vous a accueillie comme membre du jury, Pouvez-vous nous expliquer comment cela est arrivé ?
 
 
 
Pour Cannes, il faut signaler qu’il y a au départ une association dans laquelle les mêmes personnes s’occupent des trophées francophones. Il s’agit des trophées concernant tous les films francophones du monde entier. En 2016, j’ai eu l’immense plaisir d’obtenir celui de la meilleure actrice. Je pense qu’ils ont suivi ma carrière de loin, tout ce que je faisais, en regardant les interviews et en voyant un peu le parcours que j’ai eu depuis l’obtention du trophée en 2016, et ils m’ont proposé cette année d’être dans le grand jury de Cannes. Il y a deux ans j’avais été contactée pour être dans le jury d’un certain regard à Cannes. Malheureusement j’étais prise pour une pièce de théâtre et je n’ai pas pu y aller. Deux ans après, ils m’ont recontactée et cette fois je n’ai pas hésité, j’ai sauté sur l’occasion.
 
 
 
Quel sentiment éprouvez-vous d’avoir été membre du jury de ce prestigieux festival ?
 
 
 
Le sentiment d’une énorme fierté, un honneur immense parce qu’il y a déjà eu des Africaines qui ont participé à des jurys du festival de Cannes, mais c’était des chanteuses. Or cette fois-ci, il s’agissait d’une femme réalisatrice, d’une femme qui est du domaine du cinéma et précisément du cinéma africain. C’était une grande responsabilité, un honneur immense pour moi de représenter le cinéma africain au sein d’un jury qui était très diversifié, puisque nous étions de sept nationalités différentes, et on a pu comparer nos différentes sensibilités et cultures pour pouvoir apprécier les films et en tirer le meilleur pour ce festival.  
 
 
 
N’aviez-vous pas la perception d’une lourde responsabilité sur vos épaules ?
 
 
 
C’est une énorme responsabilité ! Moi je vais juger Tarantinoqui est un aîné ? Je peux juger Pedro Almodovar que tout le monde connaît ? Non, je ne raisonne pas en termes de jugement. Je ne vois pas cela de cette façon. Je donne plutôt mon point de vue sur ce que j’ai ressenti en regardant leur film. Je ne peux pas juger ces grands réalisateurs. Je ne suis pas une critique de cinéma ni une journaliste. Je donne ma sensibilité, c’est-à-dire comment le film me touche. 
 
 
 
Quel accueil avez-vous reçu dans ce cercle très fermé des sommités du 7e Art ?
 
 
 
C’était un accueil familial. On a l’impression d’être à la maison. C’est marrant mais il y a une magie qui s’opère dans le cinéma. Que cela soit en Afrique ou dans le monde entier, cette magie est partout. Avec les huit autres membres du jury, dès le premier jour nous étions sur la même longueur d’ondes par rapport au travail qu’on avait à faire. Nous savions que nous avions à voir de grands films pour donner notre point de vue, et on s’est entendu dès le départ sur la manière de travailler. Nous étions vraiment une famille.
 
 
 
De tous les festivals auxquels vous avez participé en tant que juge, lequel a le plus retenu votre attention ?
 
 
 
Tous les festivals ont retenu mon attention parce que chacun a sa particularité. Que cela soit au Maroc, en Tunisie, au Congo-Brazzaville, au Sotigui awards ou au FESPACO, à Madagascar… toutes ces rencontres ont chacune sa particularité. Mais Cannes reste tout de même le plus grand festival au monde, et cela est extraordinaire de pouvoir monter ses marches, ses tapis rouges avec des photographes de part et d’autre. C’est vraiment fabuleux ! C’est une sacrée expérience.
 
 
 
Mouna la comédienne est-elle en train de céder la place à la critique cinématographique, à d’autres paliers du cinéma ?
 
 
 
Non cela n’a rien à voir. La critique cinématographique est journalistique. Mouna N’Diaye est juste en train d’évoluer, d’avancer. A Cannes il y a eu deux films d’origine africaine qui ont été primés. Si mon travail est reconnu à l’international, c’est tant mieux. C’est ce que tout le monde voudrait. C’est le travail d’une comédienne africaine avec des réalisateurs africains. Pourquoi alors ne pas travailler avec des réalisateurs internationaux que je ne connais pas encore ? J’ai travaillé avec des réalisateurs sénégalais, guinéens, burkinabè… Au-delà de tout cela, si je dois maintenant travailler avec des réalisateurs américains ou autres, ce serait une grande évolution. Que ceux-ci se disent qu’ils peuvent venir tourner en Afrique. On est au temps de la coproduction et il faut qu’on puisse vraiment le faire et chacun apprendra à connaître l’autre.
 
 
 
Quelle leçon retient-on d’une telle expérience vécue à une édition du festival de Cannes ?
 
 
 
Une belle leçon d’humilité. Une belle expérience humaine avec tous ces membres du jury de la 72e édition du festival du film de Cannes. L’humilité, l’humanisme et surtout l’occasion de laisser son imaginaire aller et apprécier des films de qualité.
 
 
 
Si vous deviez établir une comparaison entre le rendez-vous cinématographique de Cannes et ceux du continent, que diriez-vous ?
 
 
 
Il n’y a rien à comparer. On ne peut pas comparer un grand-père à son petit-fils. Le Festival de Cannes était à sa 72e édition et existe depuis 1949. Les autres festivals sont beaucoup plus jeunes. Si je prends le FESPACO, qui date de 1969, ce n’est pas comparable. On ne peut pas se permettre de comparer ces festivals. 
 
 
 
Quel message aux mécènes et autres partenaires du cinéma ?
 
 
 
Mon message est que nous soyons soutenus, que le cinéma soit soutenu. Il faut que les privés comprennent que le cinéma est une industrie dans laquelle ils peuvent bien investir. Ils ont tout à gagner en investissant dans le 7e Art, les acteurs et les réalisateurs. Cela vend une culture, un pays, un continent. C’est commercial, c’est cela l’industrie du cinéma.
 
 
 
Quels sont les projets immédiats de Mouna N’Diaye ?
 
 
 
Les projets, il y en a beaucoup, mais comme on est superstitieux dans notre milieu, on ne va pas tout dire (rires). Il y a des longs-métrages, des séries et des documentaires en préparation. Tout est dans la marmite posée sur le feu. Je suis contente de revenir à Ouagadougou et de pouvoir recommencer à travailler. Aux jeunes réalisateurs, je dirais de ne pas hésiter à s’approcher des anciens pour les interroger sur ce qu’ils ont fait. Nous sommes à l’heure du numérique et on a tendance à aller très vite. Mais il leur faut prendre le temps de rédiger leur scénario et d’avoir chaque fois recours aux devanciers, car ils ont toujours de bons conseils à partager.
 
 
 
Interview réalisée par 
D. Evariste Ouédraogo



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