Le 6 avril 1994, en fin de journée, le Président Juvénal Habyarimana rentre à Kigali à bord de son avion personnel, un Mystère Falcon fourni par la France et piloté par un équipage français. Il revient d'une rencontre régionale liée aux accords d'Arusha où il a accepté de mettre en place les institutions de transition sans que le parti extrémiste CDR y soit représentéAudition de M. Jean-Christophe Belliard, Mission d'information parlementaire, Tome III, Vol 2, p. 289.. Juste avant de décoller, il a proposé à son homologue burundais de l'accompagner, et de lui prêter son avion jusqu'à Bujumbura. D'après l'audition de François Léotard devant les députés français, le président Mobutu aurait dû se trouver à cette rencontre régionale, mais aurait refusé de venir au dernier moment. Outre les présidents rwandais et burundais, l'avion transportait des dignitaires du régime rwandais, dont le chef d'état-major des Forces armées rwandaises, le général Nsabimana. En phase d'atterrissage à Kigali, et, selon les versions, des roquettes, depuis le camp militaire de Kanombe, ou des missiles, depuis la colline de Masaka, sont tirés sur l'avion. L'avion est touché et s'écrase non loin de l'aéroport, en partie sur le terrain de la résidence présidentielle. Il n'y a aucun survivant. Des photos ont montré les corps des personnalités victimes de cet attentat dans la chapelle ardente improvisée dans le salon de la maison présidentielle, selon les témoignages de la famille présidentielle.
- PRUNIER Gérard, Rwanda : le génocide, Paris, Dagorno, 1999 (1 éd., 1997)
- BRAECKMAN Colette, Rwanda, histoire d'un génocide, Fayard, 1994. Enfin si ce ne sont pas des missiles, mais des roquettes qui ont été tirées comme les premières déclarations officielles l'ont affirmé, elles n'ont pu être tirées que du camp militaire de Kanombe occupé par les FAR. La haine anti-tutsi, amplifiée par la Radio des Mille Collines dans la période qui a précédé, suggère que le génocide avait été planifié et que les extrémistes hutu seraient les auteurs de l'attentat contre le président, qui aurait servi de détonateur. D'après le n° 97 de Raids (juin 1994), revue d'histoire militaire, les balises de la piste et les lumières de l'aéroport se sont éteintes quelques secondes avant le tir des missiles, et les deux projectiles ont été tirés depuis « le camp militaire de Kanombe » (lieu impliquant les forces rwandaises et non le FPR). Ils ajoutent : « À Kigali, avant même que l'avion présidentiel ne soit abattu, des barrages dirigés par des éléments de la garde présidentielles apparaissent aux points stratégiques. Vingt minutes après l'explosion de l'avion, l'endroit du point de chute est déjà bouclé par des hommes de la garde présidentielle. Radio des Mille Collines, la voix de l'aile dure du pouvoir rwandais, annonce que ce sont les casques bleus belges qui ont abattu l'avion ». Contre l'hypothèse qui accuserait des extrémistes hutus, on a fait valoir que ces extrémistes n'auraient pu tuer leurs chefs, et notamment le chef de l'État et le chef d'état-major des armées.
Responsabilités dans l'attentat
Les responsabilités dans l’attentat du 6 avril 1994 sont aujourd'hui encore mal établies. La provenance des missiles qui auraient détruit l'avion présidentiel est sujette à une controverse d'autant plus vive que cet événement met en cause, selon les hypothèses et leurs variantes, sept pays : la Belgique, le Burundi, les États-Unis, la France, l'Ouganda, le Rwanda (extrémistes Hutu ou FPR) ou le Zaïre. Plusieurs hypothèses ont été examinées par les parlements belges et français et par l'Organisation de l'unité africaine . Les deux plus plausibles accusent l’une les extrémistes hutus, inquiets de l’évolution des négociations avec le Front patriotique rwandais (FPR), et l’autre le FPR, adversaire politique et militaire du régime en place. Le point d'accord entre ces deux versions serait que des missiles auraient été tirés de la colline de Masaka, située à l'est de Kigali. Les habitants de cette colline ont été massacrés en grand nombre par la garde présidentielle rwandaise, dans les heures qui suivirent l'attentat. Mais selon des témoignages il y aurait eu aussi des tirs de roquettes tirés entre Masaka et l'aéroport sur l'avion, certains disent depuis le camp militaire de Konombe.Evénement du Jeudi du 1 décembre 1994, enquête de Jean-François Dupaquier Devant le sénat de Belgique, la personne mandatée par l'ONU pour conduire cette enquête, , déclarera n'avoir pu obtenir, ni de la France, ni des FAR (armée du gouvernement intérimaire qui menait le génocide), les éléments nécessaires à ce travail. D'autre part le capitaine français Paul Barril prétendit à la télévision française détenir la boîte noire de l'avion, dont le constructeur Dassault fit des déclarations contradictoires. D'après des témoins tels que le Général Roméo Dallaire et le rapport de la mission d'information parlementaire sur le Rwanda des députés français, des militaires français se sont rendus auprès des débris de l'appareil aussitôt après l'attentat, bien qu'officiellement seule la garde présidentielle y ait eu accès. La complexité juridique et politique de cette affaire exigeant de nommer une commission d'enquête, l'ONU, dont la France est un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, refusera « faute de budget ». La « boîte noire » de l'avion a fait l'objet d'un épisode médiatique rocambolesque en 2004. Le journaliste du journal français Le Monde Stephen Smith a en effet prétendu qu'elle se trouvait à l'ONU et qu'elle n'avait jamais été analysée, accréditant la thèse d'un complot de l'ONU pour enterrer l'enquête. Cependant, une fois l'objet produit par l'organisation internationale, une expertise révéla qu'il ne pouvait pas s'agir de la boîte noire de l'avion d'Habyarimana. Plus largement, il est possible de se demander en quoi le fait de disposer de la "boîte noire" (qui comprend deux enregistreurs, celui des conversations du cockpit, et celui des données du vol) pourrait permettre d'identifier les personnes ayant tiré les missiles sur l'avion. Une enquête a dû être ouverte en France par le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, quatre ans après les faits, à la suite de la plainte déposée par la famille des personnels français pilotant l'avion. Il a recommandé des poursuites devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda contre le président rwandais Paul Kagame pour "participation présumée" à l'attentat contre son prédécesseur Juvénal Habyarimana et a également requis 9 mandats d'arrêts internationaux contre des personnes proches du Président Kagame. Abdoul Ruzibiza, principal témoin de l'enquête française, dont le témoignage fut révélé par le journal Le Monde en mars 2004, a relancé la polémique entre la France et le Rwanda en octobre 2005 en publiant un livre, Rwanda - L'histoire secrète, dans lequel il affirme être témoin de cet attentat en tant qu'officier du FPR. Son témoignage est une des principales sources de la thèse qui accuse le FPR d'être l'auteur de l'attentat.Différentes hypothèses
Ces hypothèses sont énumérées dans l'ordre où elles sont apparues chronologiquementHypothèse de soldats belges
Cette accusation selon laquelle les soldats belges, qui avaient été affecté à la protection du Premier ministre Agathe Uwilingiyimana, auraient aidé le FPR à commettre l'attentat, fut lancée sur la radio des Mille Collines aussitôt après l'attentat. L'ambassade de France au Rwanda l'a aussi avancée dès le 6 avril 1994 selon des témoins. Elle déboucha sur l'assassinat de dix soldats belges le 7 avril 1994. Cette hypothèse a également été étudiée par les députés français qui ne l'ont pas retenue.Hypothèse d'un assassinat monté par des extrémistes hutus
Les éléments qui plaident pour cette hypothèse sont le coup d'État effectué de fait après l'attentat par le colonel Théoneste Bagosora, cerveau présumé du génocide selon l'accusation auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Elle a longtemps été jugée la plus probable, y compris par Filip Reytnjens qui s'en explique dans son livre REYNTJENS Filip, Rwanda - Trois jours qui ont fait basculer l'histoire - L'Harmattan, 1995. Le général Dallaire a constaté l'autorité de Bagosora sur la garde présidentielle rwandaise dès les premières heures qui ont suivi J'ai serré la main du diable - Libre Expression - 2003. Le 7 avril, la garde présidentielle a assassiné le premier ministre, Agathe Uwilingiyimana, les principaux opposants hutu et dix « casques bleus » belges. Ce dernier événement avait été annoncé trois mois plus tôt au général Dallaire Roméo Dallaire - J'ai serré la main du diable par un indicateur pour provoquer ce qui est effectivement arrivé : le retrait de 90 % des soldats de la Minuar entériné le 21 avril par le Conseil de sécurité de l'ONU. À partir du 8 avril, le Gouvernement intérimaire rwandais a été constitué sous l'autorité du Colonel Bagosora. Ancien subordonné du Chef d'État major tué également dans l'attentat le 6 avril, Théoneste Bagosora s'était opposé verbalement, quelques heures avant son assassinat, à ce qu'Agathe Uwilingiyimana effectue l'intérim , et devint de fait l'homme fort de Kigali pendant le génocide Roméo Dallaire ibid. Les autres éléments sont le désaccord profond et connu de Théoneste Bagosora et de la CDR, qui venait de perdre tout espoir de participer au « gouvernement de transition à base élargie » prévu par les accords d'Arusha et la crainte que le Rwanda soit « bradé au FPR » par Juvénal Habyarimana. Si selon les déclarations du colonel Luc Marchal à la commission d'enquête parlementaire du Sénat belge, puis au juge Bruguière, le FPR n'avait aucune difficulté majeure pour faire passer des armes à Kigali, Gérard Prunier et Collette Braeckman soulignent qu'il aurait été difficile au FPR d'accéder à la zone présumée du tir des missiles qui était sous protection de la garde présidentielle selon de nombreux témoignages rwandais et occidentaux- PRUNIER Gérard, Rwanda : le génocide, Paris, Dagorno, 1999 (1 éd., 1997)
- BRAECKMAN Colette, Rwanda, histoire d'un génocide, Fayard, 1994. Enfin si ce ne sont pas des missiles, mais des roquettes qui ont été tirées comme les premières déclarations officielles l'ont affirmé, elles n'ont pu être tirées que du camp militaire de Kanombe occupé par les FAR. La haine anti-tutsi, amplifiée par la Radio des Mille Collines dans la période qui a précédé, suggère que le génocide avait été planifié et que les extrémistes hutu seraient les auteurs de l'attentat contre le président, qui aurait servi de détonateur. D'après le n° 97 de Raids (juin 1994), revue d'histoire militaire, les balises de la piste et les lumières de l'aéroport se sont éteintes quelques secondes avant le tir des missiles, et les deux projectiles ont été tirés depuis « le camp militaire de Kanombe » (lieu impliquant les forces rwandaises et non le FPR). Ils ajoutent : « À Kigali, avant même que l'avion présidentiel ne soit abattu, des barrages dirigés par des éléments de la garde présidentielles apparaissent aux points stratégiques. Vingt minutes après l'explosion de l'avion, l'endroit du point de chute est déjà bouclé par des hommes de la garde présidentielle. Radio des Mille Collines, la voix de l'aile dure du pouvoir rwandais, annonce que ce sont les casques bleus belges qui ont abattu l'avion ». Contre l'hypothèse qui accuserait des extrémistes hutus, on a fait valoir que ces extrémistes n'auraient pu tuer leurs chefs, et notamment le chef de l'État et le chef d'état-major des armées.