Luigi Ventura, l’« ambassadeur » du pape à Paris, est visé par une enquête pour « agression sexuelle ». Mais en tant que diplomate, peut-il être interrogé ?
Le nonce apostolique en France, l’« ambassadeur » du pape à Paris, est visé par une enquête pour « agression sexuelle ». Selon les informations du Monde, Mgr Luigi Ventura est soupçonné d’attouchements sur un jeune cadre de la Mairie de Paris, qui l’accueillait lors d’une cérémonie à l’hôtel de ville.
En tant que diplomate, le nonce apostolique est protégé par un statut particulier : l’immunité diplomatique. En clair, il ne peut être traité comme un justiciable ordinaire. Un principe qui remonte au moins à l’Antiquité, mais qui n’a été codifié dans le droit international qu’au début des années 1960 avec la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961) et la Convention sur les relations consulaires (1963).
Si ce statut leur offre des droits importants, les diplomates ont aussi des devoirs, prévient ainsi le Quai d’Orsay :
« En cas de défaillance grave ou répétée, le Protocole [service qui accueille les ambassadeurs étrangers] sera amené à prendre diverses mesures, de la simple mise en garde à la déclaration “persona non grata”. »
Un diplomate peut-il être interrogé ou mis en examen ?
La Convention de Vienne garantit l’inviolabilité du personnel diplomatique, de leur famille et de tous les agents administratifs ou techniques d’une ambassade. Ce statut vise à permettre au représentant d’un Etat d’exercer sa mission sans subir de pression de la part des autorités du pays où il est envoyé.
Mais les diplomates ne sont pas pour autant tous logés à la même enseigne :
L’ambassadeur – et donc le nonce apostolique – ne peut être ni arrêté ni détenu. Il ne peut pas faire l’objet d’investigations sans que le pays qui l’envoie n’ait levé son immunité ;
les agents diplomatiques et leurs familles ne peuvent ni être arrêtés ni détenus. Ils ne peuvent pas faire l’objet d’investigations sans l’autorisation de l’ambassadeur (ou du « chef de mission diplomatique ») ;
les personnels administratifs et techniques ne peuvent être arrêtés ou détenus ni faire l’objet d’investigations sans autorisation de l’ambassadeur ;
les fonctionnaires consulaires et leurs familles peuvent être arrêtés ou détenus, mais seulement en cas de crime grave. Les investigations administratives sont possibles.
Comment l’immunité peut-elle être levée ?
Une immunité peut être levée, mais c’est au bon vouloir du pays d’envoi, qui peut accepter ou non une demande du pays d’accueil. Cette procédure est rare et n’est enclenchée qu’en cas d’infraction grave. Dans le cas du nonce apostolique, ce serait donc à la France de demander à l’Etat du Vatican de lever l’immunité de son diplomate visé par une enquête pour agression sexuelle.
En 2013, après avoir été arrêté ivre au volant de son automobile, un diplomate suisse avait été relâché par la police française. Dans la foulée, le département fédéral des affaires étrangères suisse (DFAE) avait assuré être prêt à lever son immunité si la justice française en faisait la demande. Il avait finalement quitté son poste à l’automne suivant, mais « sans que cela ait de lien avec l’incident », avait expliqué le DFAE.
Un diplomate peut-il être expulsé ?
Le pays d’accueil d’un diplomate a toutefois la possibilité d’expulser un diplomate en le désignant « persona non grata » (« personne n’étant pas la bienvenue », en latin). Il est alors visé par une procédure d’expulsion, mais conserve son statut diplomatique. La décision d’expulsion doit être assumée par l’Etat d’envoi, qui est tenu de rappeler la personne jugée indésirable et de s’assurer que son départ du territoire est effectif. Si ce dernier refuse, l’Etat d’accueil peut refuser de reconnaître la personne concernée comme étant membre d’une mission diplomatique. Elle peut alors être expulsée comme n’importe quel citoyen étranger.
Dans l’affaire Skripal, du nom de cet ex-agent russe empoisonné, 116 diplomates russes ont été expulsés en mars 2018 des Etats-Unis et de seize Etats européens. Cette « réponse diplomatique » avait aussi été utilisée par le président François Mitterrand en 1983 pour expulser 47 ressortissants soviétiques.
Par Pierre Breteau