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Economie

Les bases de la transformation technologique en Afrique

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Introduction
Madame la Secrétaire exécutive, je vous remercie de vos aimables paroles. Je suis honorée d’être reçue par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Je tiens en outre à remercier le gouvernement éthiopien de m’accueillir à Addis-Abeba.
Cette visite se déroule remarquablement bien. Hier matin, j’ai eu l’occasion de parcourir la zone industrielle Est.
Il est fascinant de constater à quel point la réussite des technologies, quelles qu’elles soient, passe par l’implication de l’État et par de solides partenariats avec le secteur privé. Il y a un rapport direct entre l’innovation et les infrastructures routières, l’éducation et la santé.
Cette visite me rappelle avec force que l’innovation technologique doit s’appuyer sur des bases solides pour s’épanouir.
Et c’est de cela que je souhaiterais vous entretenir aujourd’hui : l’impact de la technologie dans les pays africains et les nouvelles perspectives qu’elle ouvre pour la génération à venir.
Pourquoi mentionner la génération montante?
Parce que des bouleversements démographiques sans précédent nous amènent tous à penser aux jeunes et à évaluer les conséquences de ce changement. Nous vivons un moment décisif où les jeunes peuvent prendre leur destinée en main.
Les jeunes Africains constituent déjà 75 % de la population en âge de travailler[1]. À l’horizon 2030, plus de la moitié des nouveaux travailleurs qui rejoindront la population active mondiale seront originaires d’Afrique [2].
En adoptant la bonne stratégie, le dividende démographique peut conduire à la prospérité. Cette incroyable poussée démographique peut être mise au service d’un cercle vertueux de croissance et de développement économique.
À l’évidence, la technologie ne livre pas toutes les solutions. En fait, elle soulève souvent de nouvelles interrogations, ne serait-ce qu’à l’égard de l’impact de l’automatisation.
Mais il est certain que la technologie est un élément important de l’avenir.
Or, en étant ici, à la CEA, il est impossible de ne pas songer à l’avenir de l’Afrique.
Le célèbre artiste Afewerk Tekle a créé les superbes vitraux de ce siège de la CEA. Sa création en trois œuvres est intitulée «l’Afrique d’autrefois», «l’Afrique d’autrefois et d’aujourd’hui» et «l’Afrique d’aujourd’hui et de demain».
La technologie façonne d’ores et déjà «l’Afrique d’aujourd’hui». Et grâce à des investissements avisés, elle peut devenir un outil puissant pour construire des économies plus solides dans «l’Afrique de demain».
Perspectives
Commençons, si vous le voulez bien, par un bref aperçu du contexte économique dans lequel s’inscriront les nouvelles technologies et les innovations propres à l’Afrique.
Au plan mondial, le soleil brille à travers les nuages : la plupart des pays connaissent leur croissance la plus forte depuis la crise financière. Les projections du FMI donnent la croissance en hausse à 3,6 % en 2017 et 3,7 % en 2018.
S’agissant de l’Afrique, la reprise s’affermit dans de nombreux pays. Nous prévoyons 2,9 % de croissance en 2017 et 3,5 % en 2018 et 2019.
Ces grands chiffres masquent toutefois de fortes disparités entre pays. Si près d’un tiers des nations ont un taux de croissance proche de 5 %, d’autres — en particulier les pays exportateurs de produits de base — sont en repli, en raison de la chute des cours des matières premières.
Quinze pays du continent devraient enregistrer une baisse de leur PIB par habitant cette année. Ces pays représentent 40 % de la population.
En outre, même si le soleil brille, certains signes préoccupants assombrissent l’horizon, et comme je le disais dernièrement, c’est quand il fait beau qu’il faut réparer la toiture . L’un de ces signes est le gonflement de la dette publique, qui atteint 50 % du PIB dans près de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne. C’est là un gros nuage menaçant.
Que pouvons-nous faire pour pérenniser la croissance et la rendre plus forte et plus inclusive, de sorte qu’elle profite à l’ensemble des populations africaines et rehausse leur niveau de vie?
Il y a quelques jours, au Bénin, j’ai expliqué en quoi la diversification économique faisait partie de la solution et pourquoi il est essentiel de trouver le juste équilibre entre investissement et viabilité de la dette.
Il n’y a pas de solution unique, et chaque pays devra trouver la formule la plus appropriée.
Mais là encore, il est possible d’accélérer le développement économique et social en exploitant les promesses de la technologie.
L’environnement approprié pour l’innovation technologique
Trop souvent, nous voyons l’aboutissement de l’innovation. Un drone qui livre des médicaments en pleine campagne au Rwanda, ce qui coûte moins cher, mais surtout permet de sauver des vies humaines. Ou bien encore un réseau social d’agriculteurs en Ouganda qui crée un forum en ligne pour partager des informations sur les cultures.
Il est facile d’oublier les conditions qui ont fait naître l’innovation et ont contribué à la nourrir.
Songeons à l’intégration financière, où les nouveautés technologiques ont permis d’élargir l’accès au crédit dans l’ensemble de l’Afrique.
Les services bancaires en sont un des meilleurs exemples. En 2015, près de 35 % des adultes d’Afrique subsaharienne disposaient d’un compte bancaire électronique accessible par téléphone mobile, soit le pourcentage le plus élevé au monde[3].
Si le Kenya est un champion de la banque électronique, d’autres pays lui ont emboîté le pas, dont la Côte d’Ivoire, l’Ouganda, la Somalie, la Tanzanie, le Zimbabwe et beaucoup d’autres. Dans ces pays, il est désormais plus courant d’avoir un compte électronique mobile qu’un compte en banque classique[4].
Quel est l’avantage de la banque portable? Elle peut être toute la différence entre l’approbation ou le rejet d’un emprunt. Elle peut aussi faire qu’une personne qui a perdu son emploi puisse s’en sortir plus facilement, car ses proches et sa famille pourront lui envoyer de l’argent plus vite.
Bref, cela peut être décisif et vous permettre d’aller de l’avant, au lieu de rester sur la touche.
À mesure que plus de citoyens ont accès au crédit et se constituent une sécurité économique de base, les possibilités se multiplient, les aspirations grandissent et les perspectives d’avenir deviennent palpables. À cela s’ajoute l’atout du climat de confiance. La banque mobile peut aider à s’affranchir des intermédiaires et à renforcer, pour l’ensemble de la société, la confiance dans l’avenir.
Il en va de même pour les investissements en infrastructures.
 
L’obstacle majeur à l’essor de l’industrie manufacturière en Afrique est sans doute l’absence d’un approvisionnement électrique fiable et suffisant.
Des centaines de millions de personnes en Afrique vivent sans électricité jour après jour[5].
L’énergie solaire change la donne. Ces dernières années, des dizaines de milliers de personnes au Ghana et en Tanzanie ont été «raccordées» grâce aux nouvelles entreprises du secteur de l’énergie solaire. Une compagnie kenyane, M-kopa, vend des panneaux solaires aux habitants des campagnes moyennant un faible dépôt initial, suivi de virements par téléphone étalés sur une année.
Ce système a permis d’amener l’électricité à plus d’un demi-million de foyers, désenclavant les zones isolées tout en faisant crédit à ceux qui en ont le plus besoin.
L’investissement en énergie est une priorité dans l’ensemble de l’Afrique.
Au Burkina Faso, en Zambie et au Bénin, de nouvelles centrales solaires sont déjà en train d’être mises au point.
Le Maroc a mis en chantier une centrale solaire qui sera bientôt une des plus grandes au monde.
Ces projets vont permettre à l’Afrique de combler son déficit infrastructurel, les besoins étant estimés à plus de 90 milliards de dollars par an[6]. Et c’est lorsque les secteurs public et privé coopèrent qu’ils ont le plus de chances d’aboutir.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le FMI soutient le Pacte pour l’Afrique, projet conjoint du G-20 et, jusqu’à présent, de sept pays africains qui vise à stimuler les investissements privés et à créer des emplois.
En matière d’emplois, ce sont souvent les éléments de base, notamment l’accès au crédit, de solides infrastructures, l’éducation et la formation, qui ouvrent la voie à encore plus d’innovations.
Lorsque ces éléments sont réunis, les perspectives peuvent s’ouvrir véritablement.
En octobre dernier, à l’occasion de notre Assemblée annuelle, j’ai eu le plaisir de rencontrer le directeur d’Andela, une entreprise qui voit dans l’Afrique «le plus vaste vivier de talents inexploité». Cette entreprise forme et déploie des travailleurs africains en aidant des sociétés américaines à combler leurs déficits de main-d’œuvre dans des emplois technologiques tels que la programmation.
Récemment, de jeunes entrepreneurs au Togo, appuyés par un centre d’innovation communautaire, ont mis au point la première imprimante tridimensionnelle entièrement fabriquée à partir de déchets électroniques. Ils avaient repéré la prolifération de dépotoirs remplis de téléphones et d’ordinateurs portables au rebut, provenant d’autres parties du monde. Ce problème leur a donné une idée.
Ils allaient utiliser ces déchets pour construire une machine puissante. Ils comptent maintenant équiper d’imprimantes 3D tous les établissements scolaires dans un rayon d’un kilomètre de leur laboratoire, avec l’espoir de stimuler l’imagination et l’intérêt durable des étudiants pour la technologie[7].
Tout cela aurait été impossible si ces jeunes inventeurs n’avaient pas disposé des compétences et des ressources nécessaires pour vivre leur passion.
C’est là que les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle décisif.
Il ne suffit pas de créer une fondation pour l’innovation, il faut aussi rationaliser la réglementation pour que tout le monde obéisse aux mêmes règles et que les entrepreneurs soient récompensés pour leur ingéniosité. Mais l’État peut faire plus.
De mon propre point de vue, après avoir passé vingt-cinq années de ma vie dans le secteur privé, j’ai vu comment les États peuvent veiller à assurer l’accès aux marchés et à promouvoir une plus grande concurrence. C’est ce qui nourrit l’innovation et la productivité.
Outre qu’ils peuvent faire plus pour encourager l’innovation, les pouvoirs publics peuvent en prendre l’initiative en accompagnant la recherche fondamentale.
Comment l’État peut tirer parti des outils numériques
Il ressort des analyses du FMI dont rend compte une publication récente intitulée Digital Revolutions in Public Finance que les pays en développement pourraient gagner près de 1 % de leur PIB en numérisant leurs systèmes de paiement. Le dividende pourrait être encore plus élevé dans certains pays d’Afrique[8].
Au Nigéria, par exemple, nous estimons que le passage au numérique pourrait permettre d’économiser de 5 à 9 milliards de dollars, soit environ 1,7 % du PIB[9].
Lorsque l’État met en valeur la technologie, il peut venir en aide à des millions de personnes. Prenons l’exemple de la Sierra Leone. Lors de l’épidémie du virus Ébola, certains urgentistes devaient abandonner leurs patients pendant plusieurs jours pour aller retirer leurs émoluments auprès d’un bureau régional.
Grâce à l’adoption d’un système de portefeuille électronique, l’État a pu sauver des vies et mieux affecter les ressources là où elles étaient le plus nécessaires.
Les possibilités ne se limitent pas aux salaires. Entre 2011 et 2014, le Ministère de l’éducation nationale de la Côte d’Ivoire a dématérialisé le paiement des frais de scolarité. Résultat : moins de frais impayés, moins de fraude et plus d’investissements dans le système scolaire.
Au Ghana, un programme pilote d’une nouvelle plateforme de «chaîne de blocs» baptisé bitland sert à enregistrer les transactions foncières [10]. À l’avenir, les contentieux de propriété foncière pourraient être réglés à l’amiable plus facilement et plus rapidement.
Il ne s’agit donc pas seulement de faire des économies, mais aussi d’instaurer plus de transparence et de promouvoir plus de responsabilisation, et en définitive d’améliorer les conditions de vie de tous les citoyens.
Nous voyons d’ores et déjà l’impact positif de la technologie dans les services publics, dans les transactions privées et dans notre vie quotidienne.
Cette démarche peut contribuer à réduire la corruption, à accroître les recettes et à produire des investissements dans les domaines de la santé et de l’éducation, ce qui signifie que les outils numériques peuvent être un facteur décisif pour réaliser les objectifs de développement durables à l’horizon 2030. La voix du FMI accompagnera ce processus.
Le FMI s’est engagé à œuvrer avec tous les pays membres africains et ses partenaires régionaux et internationaux pour atteindre ces objectifs et pour contribuer à réaliser les ambitions économiques de l’ensemble du continent.
Pour y parvenir, nous devrons faire preuve d’un peu de créativité.
Que fait le FMI pour aider ses pays membres à exploiter les solutions technologiques?
Prenons un exemple pour montrer à quel point la créativité peut être déterminante. L’an dernier, le FMI a organisé à Dakar avec le Ministère des finances du Sénégal un «hackathon» en vue de définir des pistes pour améliorer le système de recouvrement des impôts. Cent jeunes chefs d’entreprise ont apporté leurs idées.
Les propositions gagnantes ont montré à quel point l’adoption résolue de la technologie par les pouvoirs publics est riche de promesses. Qu’il s’agisse d’une application qui permet aux citoyens de remplir leurs déclarations d’impôt sans avoir accès à Internet, d’un logiciel qui fait l’économie de milliers de pages de documentation, ou bien encore d’un site qui facilite l’accès de chaque contribuable à son dossier fiscal.
C’est un simple exemple de la façon dont nous aidons nos pays membres à améliorer leur situation économique et à renforcer leurs institutions.
De fait, en 2016, l’Afrique subsaharienne a été le plus gros bénéficiaire de nos efforts de développement des capacités. Lorsque nous voyons que quelque chose produit des résultats, nous pouvons contribuer à promouvoir des pratiques exemplaires et encourager le partage de connaissances entre pays et entre continents.
Nos six centres de développement des capacités implantés en Afrique nous permettent d’intervenir rapidement pour répondre à l’évolution des besoins de nos pays membres.
Nous continuons d’ailleurs de proposer des solutions novatrices grâce à nos cours en ligne gratuits, suivis par près de 30.000 personnes, beaucoup d’entre elles ici en Afrique. Ces cours préparent les fonctionnaires des différents pays à la gestion des finances publiques, à l’analyse de viabilité de la dette et à bien d’autres domaines.
Tous ces programmes n’ont pas une dimension technologique, mais chaque initiative vise à renforcer les fondements économiques de nos pays membres. Lorsque les bases sont solides, les technologies et les autres innovations peuvent s’épanouir.
Conclusion
 
Permettez-moi en conclusion de citer les propos pleins de sagesse d’une dirigeante politique et amie, admirée en Afrique et dans le reste du monde; j’ai nommé la Présidente Ellen Johnson Sirleaf.
«Vos rêves doivent toujours être plus forts que votre capacité à les atteindre. S’ils ne vous créent aucune appréhension, c’est qu’ils ne sont pas assez ambitieux.»
Lorsque je voyage en Afrique, je n’ai jamais à craindre que les rêves de la génération montante manquent d’ambition.
La seule question consiste à savoir comment aider à créer l’environnement propice pour qu’ils puissent devenir réalité.
La diversification de l’économie est un des moyens d’y parvenir. La mise en valeur de la technologie en est un autre.
Nous pouvons y arriver et le chemin est tracé : c’est celui de la coopération.
La coopération entre les secteurs public et privé, la coopération entre les peuples et la coopération entre institutions multilatérales comme le FMI et la CEA.
Le FMI se réjouit de pouvoir continuer d’être votre partenaire dans cette entreprise.
Je vous remercie de votre attention.
 
[1] Population âgée de 15 à 24 ans.
[4] Ibid.
[5] Agence internationale de l’énergie, Africa Energy Outlook .
[6] Banque africaine de développement, 2010, Infrastructure Deficit and Opportunities for Africa .
[9] Ibid.
[10] Au Ghana, environ 90 % des biens fonciers agricoles ne sont pas enregistrés.



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