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Pourquoi les commentaires des pages Facebook sont-ils encore nuls ?

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La plupart des sites de médias ont fait le ménage, mais les discours haineux continuent de pulluler sur les pages Facebook. Le réseau social, en quête de respectabilité, promet de veiller au grain........ sans réellement convaincre.

  • Prenons un exemple, tiens, pourquoi pas Libération. Ce 22 août, nous publiions un article à propos de ce «logiciel espion vendu pour "savoir si son fils est gay"». La chose fait l’objet d’une publication sur Facebook. Aussitôt, un commentaire apparaît : «C’est un bon logiciel, j’approuve. Au moins l’on a le temps de le recadrer… [son fils, ndlr].» S’ensuit une cinquantaine de commentaires dont voici quelques extraits parmi les plus doux : «Homophobe !» «Regarder deux filles ensemble moi ça m’excite !» «L’homme et la femme ==> reproduction humaine» «Si tu couches pas avec une femme que restera-t-il de ton passage sur terre si ce n’est cette bien triste cause qui est la vôtre ?»… Et cette remarque lucide : «J’en ai marre de gaspiller mon temps à discuter avec des tarés» (mais en développant tout de même un argumentaire pour répondre auxdits «tarés»). Et nous vous épargnons les commentaires sur le moindre article traitant du terrorisme, du voile ou du conflit israélo-palestinien. Sur les pages Facebook des médias, le phénomène est répandu : les commentaires restent des déversoirs de stupidités, des plus innocentes aux plus insultantes.
Pourtant, l’affaire est entendue depuis des années. Au milieu des années 2000, les sites d’info affichaient tous une volonté d’ouvrir aux commentaires tous leurs articles, incitant les internautes à donner leur avis, les valorisant, même. Dix ans après, la marche arrière a été totale. Dans les rédactions, le constat est simple : beaucoup des commentaires sont hors sujet, une part encore plus grande représente un flot d’insultes. Il faut dire que depuis, une nouvelle forme de militants est apparue sur le web : les trolls, dont l’unique but est de pourrir les forums avec les propos les plus limites, voire carrément nazis. «C’est un jeu auquel j’aime jouer parfois. Il s’appelle : "combien de commentaires internet dois-je lire avant de perdre foi en l’humanité ?"»écrivait l’analyste Adam Felder dans The Atlantic en 2014«Trop souvent, la réponse est : un», observait-il. Et d’asséner : «De The Atlantic à Yahoo et Youtube, les commentaires en ligne sont souvent ignorants, racistes, sexistes, menaçants ou simplement inutiles.»

«Bullshit»

Les stratégies pour contrer cette logorrhée de baratin (les Anglais disent«bullshit») ont été nombreuses. Par exemple, beaucoup de journaux ont limité la possibilité de commenter aux seules personnes abonnées (comme au Monde) ou qui ont au moins un compte (comme à Libération). Sur le site de la radio-télévision norvégienne, il faut désormais prouver qu’on a bien lu l’article en répondant à un quiz avant d’apposer son commentaire. Récemment, l’hebdo belge Le Vif/L’Expressa simplement fermé la possibilité de répondre à un article. Il faut dire que sur leurs sites, les médias sont responsables de ce que les gens écrivent. En 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné un site estonien pour ne pas avoir modéré des commentaires injurieux.
Bon, mais sur Facebook ? Le réseau social, accusé de former des bulles de filtre, de propager les fake news, et même d’avoir fait élire Donald Trump, a promis de se refaire une respectabilité. 3 000 nouveaux modérateurs ont ainsi été recrutés au printemps, pour venir en renfort des 4 500 existants. Ils doivent «examiner les millions de signalements que nous recevons chaque semaine», annonce Facebook à Libération. D’autre part, le réseau social cherche à faire émerger un «contre-discours» en valorisant des commentaires positifs. «Comme cela a été démontré par de nombreux experts, supprimer des contenus n’est pas la seule manière d’agir», explique-on encore chez Facebook. Du coup, la firme accompagne des associations (la Licra, le CRIF, e-Enfance) qui souhaitent se former à répondre «efficacement aux propos haineux en ligne».
 
Il faut rappeler que chaque commentaire Facebook est sous la propre responsabilité pénale de son auteur, et pas du tout sous celle du média qui a proposé une publication. Ici, les messages sont modérés a posteriori : tout un chacun qui juge un commentaire offensant peut le masquer, le signaler aux modérateurs ou bloquer l’utilisateur (ou même faire les trois). Force est de constater que cela ne fonctionne pas : le réseau social reste un refuge pour les trolls de tous les bords, comme on a pu par exemple le voir à l’occasion de la campagne présidentielle française. La responsabilisation des utilisateurs Facebook, en les obligeant par exemple à utiliser leurs vrais noms et en les incitant à faire eux-mêmes le nettoyage, n’a pas fait barrage au baratin.
«Il est facile de penser que les entreprises du numérique veulent seulement afficher leur volonté de faire quelque chose, tout en limitant leur responsabilité dans la résolution systématique du problème des discours incitant à la haine sur leurs plates-formes», pose David Glance dans la tribune citée plus haut. Selon le spécialiste, les efforts de Facebook ne seraient qu’un affichage, notamment pour respecter la canonique liberté d’expression en cours aux Etats-Unis, mais est-ce tout ? Est-ce que le «bullshit» ne ferait pas aussi partie du modèle du réseau social ?

Le troll «nourrit le système»

On peut en effet partir du principe que le but des commentaires sur Facebook est de ne pas apporter de la plus-value d’un point de vue du contenu, mais de créer de la conversation. Un mauvais commentaire est inutile sur un site de média (et donc négatif). Mais il est au contraire l’occasion d’une discussion sur Facebook (et donc positif). Le réseau social a un «modèle économique et même éditorial qui n’est pas en adéquation avec celui des médias», explique la chercheuse Nathalie Cheynel, professeure en journalisme numérique à l’Académie du journalisme et des médias de l’université de Neuchâtel, en Suisse. «Ce modèle repose sur la gratuité, la collecte des datas et le flux, ce qu’ils appellent l’engagement : le nombre de likes, de commentaires, etc. Le troll vaut la même chose qu’un commentaire intéressant, voire plus parce que ça va créer plus d’activité. Ça nourrit le système.» Il y aurait donc un malentendu à attendre des commentaires Facebook qu’ils apportent quelque chose au débat. Il faudrait davantage les voir comme si un bistrotier, juste pour que ses clients s’échauffent plus longtemps dans son estaminet, lançait à la volée : «Et vous alors, le conflit israélo-palestinien, vous en pensez quoi ?»
Le problème ne serait donc pas les commentaires eux-mêmes, mais que les médias ont laissé à Facebook le soin d’héberger la masse des messages. Nathalie Cheynel plaide au contraire pour un nouvel investissement des médias dans ces forums. «On touche là au cœur du lien entre journalistes et lecteurs», justifie-t-elle. Concrètement, que les journalistes passent du temps à répondre aux usagers de Facebook, valorisent leurs meilleures réponses… «Il y a un nouveau modèle à recréer, avec un investissement plus fort des journalistes, à condition de croire à ce modèle, de croire qu’il puisse y avoir une plus-value dans les commentaires, y passer du temps. C’est un travail d’éducation, de pédagogie et de très longue haleine. Certains pensent peut-être que c’est utopique, mais moi j’y crois beaucoup.» Et vous, vous en pensez quoi ? (Merci de rester polis dans vos commentaires).
Guillaume Lecaplain

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