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Societe

Bibi, ou l’utilité d’une différence d’âge inversée

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Malgré le classicisme de la répartition des rôles, les Macron forment un couple inédit et stimulant qui doit permettre d’autres transgressions.

Il faut bien admettre que c’est l’arrivée de Marine Le Pen à l’Elysée qui aurait constitué la vraie avancée égalitaire dans cette compétition pour la prééminence des sexes qui sévit de plus en plus ardemment. Une femme élue roi, voilà qui n’aurait pu que ravir le féminisme identitaire. J’ai bien écrit «roi» et non «reine» tant, en France, la fonction suprême ne s’est jamais conjuguée au féminin, ni d’ailleurs au neutre intersexe.
A défaut de MLP, fille perdue et retrouvée du roi Lear éborgné, la France a rendez-vous avec l’épouse du jeune président qu’elle vient de se donner, par hasard et par extraordinaire, par défaut mais aussi par goût d’un chamboule-tout générationnel. Emmanuel Macron ne vient pas piétiner en solitaire les graviers de la cour carré du Faubourg-Saint-Honoré. Il foulera le tapis rouge au bras de Brigitte, son épouse. Cela n’aurait rien de nouveau ni de remarquable s’il n’avait 39 ans, et elle, 64.
Il faut se féliciter de cet atypisme qui culbute la norme barbon-lolita. Les Macron sont l’inverse des Trump où l’homme de pouvoir d’âge canonique exhibe en trophée une baby doll à ses côtés. Il faut applaudir à cet élargissement de perspectives qui met en lumière des unions à front renversé et des possibilités autres, comme il serait intéressant d’avoir à l’Elysée, avant que le palais soit désaffecté, des mariés gays, un veuf joyeux, une célibattante ou pourquoi pas un trio heureux de l’être.
Mais il faut aussi savoir raison garder, car chez les Macron, la transgression réelle reste modérée. Elle est sentimentale avant d’être politique, privée avant d’être publique. Aussi novice soit-il, l’homme reste aux manettes. Aussi mature soit-elle, la femme est dans l’accompagnement, le soutien, le second plan.
On peut parier que Brigitte M. sera confinée au liant affectif, à la parade sociale et au caritatif déploratif, et il est probable que cela lui conviendra tout à fait. On ne la sent pas partie pour donner du fil idéologique à retordre à son conjoint comme le fit Danielle Mitterrand, jouant les Antigone et les rappelleuses à l’ordre des promesses oubliées. Reconnaissons que la dissociation physique facilite la contestation, quand la fusion main dans la main empoigne l’adhésion.
J’entends bien que le duo tout frais élu apprécie peu de se voir réduit à une typologie sociologique. Ils estiment que l’âge ne fait rien à l’affaire, et que les lois de l’attraction sont impénétrables entre deux astres aussi brillants et singuliers qu’eux. Mais la sanctification par les urnes vaut prescription ou, à tout le moins, surexposition du particularisme.
Ce qui tombe à pic c’est que, sans le revendiquer exagérément, Brigitte M., sept fois grand-mère, se trouve habillée en sexa super-sexy. En chopant du blanc-bec et en vivant une idylle romanesque de longue durée, elle venge les malheurs des victimes de l’amour mou comme les fatigues des délaissés en préretraite passionnelle. Dans une société où le besoin de consolation est difficile à rassasier, l’enseignante ultralettrée fait office d’âme sœur en réussite estampillée Nous deuxpour ses coéquipières dans la panade. Elle est, à la fois, fontaine de jouvence et matcheuse Tinder, éternité transhumaniste et joueuse sur tous les tableaux.
A 64 ans, elle est la doyenne des débutantes élyséennes, devançant même Yvonne de Gaulle. Mais elle est aussi perçue comme la contemporaine de Sophie Trudeau, car la battle Justin - Emmanuel pour le titre de Mister Univers la met à niveau et la revigore d’autant.
On la fantasme copine de Jackie Kennedy pour son allant et son classicisme de bonne famille dévoyé, et c’est sans doute parce qu’il y a du JFK chez EM, le zézaiement et le profil à la Lucky Luke en plus.
Si Bibi emprunte son sobriquet à Bardot, elle ose la silhouette, la frange et le minois pékinois de Mireille Darc. Tout ça pourrait faire revivre une blondeur ancienne, sinon antique, de celle qui promène sa délicate neurasthénie sous les châtaigniers de Roland-Garros, de celle qui renvoie à Claude Pompidou. Mais ça cligne aussi du cil à l’attention de Lily-Rose Depp quand la théâtreuse du Touquet se recolore raccord avec les mèches de l’angelot qui lui tient lieu d’époux et, à nous, de néo-daddy de la nation.
Parmi les souhaits de bienvenue aux occupants de la maison France, osons un vœu impie. Il serait bon que, de temps à autre, B. rappelle à E. combien leur amour affolait les bonnes mœurs et craquelait la surface des macarons à la rose, et combien c’était difficile et jouissif à la fois. Puisse-t-elle prêcher à son accordeur de contradictions et à son arrangeur d’agressivités la tolérance envers les déviants, le courage en matière de réformes sociétales et l’autorité compréhensive. Ce qui prouvera que dans ce couple hors d’âge, le plus jeune n’est pas toujours celui qu’on croit.
Luc Le Vaillant


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