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Economie

Céline Carrère : "La francophonie, cette force de frappe économique"

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Annoncée comme le nouveau cheval de bataille de l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie, la francophonie économique peine à se concrétiser sur le terrain. Remis en août 2014 au président François Hollande, le rapport de Jacques Attali mettait l'accent sur la vitalité du continent africain, dont 30 pays sont francophones. Les chiffres sont là : en 2050, 700 millions de personnes devraient être francophones, dont 85 % devraient vivre en Afrique. Dès 2012, à Kinshasa, puis en 2014 à Dakar, les chefs d'État et de gouvernement ont validé la stratégie de la francophonie numérique puis son versant économique. Objectif : dynamiser l'économie dans cet espace. Jacques Attali lançait alors l'idée de la création d'un espace économique intégré à l'image du Commonwealth anglophone. Avant d'en arriver là, les pays francophones qui souhaiteraient être membre de cette union doivent accepter l'unification de leurs politiques économiques et l'ouverture de leurs marchés. Un pari loin d'être gagné, si on tient compte des disparités de richesses qui existent entre les pays francophones, notamment ceux qui sont africains. Dans deux mois se tiendra le 16e Sommet de la francophonie à Madagascar sur le thème « Croissance partagée et développement ». Où en est la francophonie dans la concrétisation de ces stratégies à l'aune des crises politiques et du ralentissement économique ? Céline Carrère, co-auteur d'un rapport sur le poids économique de la langue française dans le monde, paru en 2013* en collaboration avec Maria Masood, avait étayé par des chiffres précis le rapport Attali sur la francophonie économique et le rapport de l'OIF paru en 2014 sur la langue française dans le monde. Elle répond aux questions du Point Afrique.
Rappel des chiffres :
230 millions : le français est la sixième langue la plus parlée dans le monde sur les cinq continents.
13 % de la population mondiale.
85 % devraient vivre en Afrique et plus de 90 % devraient avoir entre 15 et 30 ans.
20 % : Les échanges commerciaux francophones pèsent pour 20 % dans le commerce mondial et chaque pays membre échange un quart de sa production avec ses partenaires francophones.
15 % : c'est le pourcentage des investissements réalisés par les pays francophones, soit un quart des investissements mondiaux.
11 % des terres agricoles mondiales se trouvent dans des pays francophones
Le Point Afrique : Où en est la création d'une Union économique francophone, telle que préconisée par le rapport Attali ? Est-ce toujours d'actualité ?
Céline Carrère : le rapport évoquait en effet plusieurs pistes concrètes afin de construire cette Union francophone, mais je ne pense pas que la mise en place d'un marché unique francophone soit à l'ordre du jour. Et je ne suis pas convaincue que cela serait souhaitable. Une nouvelle union, c'est rajouter un accord sur des accords existants dont on mesure déjà la difficile mise en œuvre. Aujourd'hui, faire collaborer l'UEMOA, la Cemac et l'Union européenne, par exemple, n'est pas chose facile. On le voit avec les négociations qui ont porté sur les accords de partenariat économique (APE). On a déjà du mal à négocier ces accords et ce sont pourtant des pays avec lesquels la France a une histoire économique forte. Il serait peut-être plus opportun de renforcer les collaborations déjà en place.
L'Afrique francophone avec ses différentes crises politiques et le ralentissement économique a-t-elle encore un poids ?
Les pays africains francophones représentent effectivement un énorme marché qui devrait croître rapidement ces prochaines années. Le dynamisme démographique de l'espace francophone évoqué précédemment se situe en grande partie dans ces pays  :85 % des francophones seront en Afrique en 2050. Et, si l'on regarde les derniers chiffres des « perspectives économiques mondiales » (Banque mondiale 2016), on observe que, pour la deuxième année consécutive, l'Afrique francophone subsaharienne a enregistré les meilleures performances économiques du continent. Cet espace enregistre une croissance annuelle moyenne de 5,1 % sur la période 2012-2015, contre 3,7 % pour l'Afrique anglophone subsaharienne. La France et les autres pays francophones pourraient alors largement bénéficier de cette forte croissance économique et démographique à condition, bien sûr, de pouvoir faire face à la concurrence grandissante de l'anglais dans la région.
Il pourrait être également judicieux de dynamiser l'espace francophone africain en y intégrant des pays dits « francophiles » et à fort potentiel de croissance, comme le suggère Attali, tels que le Nigeria ou encore le Ghana.
La francophonie est-elle encore l'un des meilleurs atouts de la France ?
Il est évident que partager une même langue avec de nombreux pays facilite grandement les relations économiques avec ces pays au niveau tant des flux commerciaux que des flux d'investissement ou encore des échanges de travailleurs. Prenons par exemple le cas du commerce. Dans une étude récente*, nous avons mis en évidence que le partage de la langue française permettait d'augmenter de 22 % le commerce de marchandises entre une trentaine de pays francophones. Ce qui accroît de 6 % en moyenne la richesse par habitant de ces pays. C'est loin d'être négligeable. De plus, nous avons observé qu'après la crise financière de 2008 les flux commerciaux ont fortement diminué, mais ils semblent avoir mieux résisté entre pays francophones. Autrement dit, en plus de liens commerciaux privilégiés, la francophonie apporterait une certaine stabilité, atout important dans un contexte de crise internationale.
Est-ce qu'il ne manque pas un peu de soft power pour que la France conquière plus de régions francophones ?
Consolider l'existant est déjà difficile et coûteux ! Et quels seraient les bénéfices économiques attendus de « plus de régions francophones » ? Bien sûr, promouvoir le français contribue au rayonnement international de la langue française et de sa culture. Ce seul aspect pourrait justifier un effort supplémentaire en « soft power ». Et les résultats évoqués précédemment démontrent également l'existence de retombées positives du développement du français sur l'économie. Mais il faut néanmoins nuancer les bénéfices attendus d'une expansion de l'espace francophone. Cela impliquerait évidemment un accroissement de la proportion de locuteurs étrangers parlant le français, mais cela ne devrait pas affecter dans le court terme la proportion de locuteurs ayant le français comme langue natale ou langue officielle. Or, comme discuté dans le livre, le partage d'une langue parlée-non natale représente un peu moins du tiers de l'effet économique total du partage d'une langue commune. Le lien économique serait donc beaucoup moins important que celui existant actuellement entre les pays francophones. Et cela aurait un coût important. Vous devez alors mettre en balance une politique de promotion du français à l'étranger ou une politique d'amélioration de l'apprentissage des langues en France qui permettrait de développer de nouvelles relations commerciales avec des territoires émergents…
La francophonie reste donc un puissant relais de croissance durable...
Si l'on définit comme francophones les pays qui ont comme langue officielle le français et les pays dont au moins 20 % parlent le français, la francophonie économique représente une trentaine de pays, soit environ 6,5 % de la population mondiale. C'est aussi 8 % du PIB mondial et 12 % des exportations mondiales. Et 11 % des terres agricoles mondiales, 6 % des réserves mondiales de ressources énergétiques et 14 % des investissements directs étrangers entrants. Bref, c'est un espace économiquement important et qui, de plus, devrait évoluer de manière significative ces prochaines années. Certains pays francophones connaissent de forts taux de croissance de leur PIB par tête. Et à cela s'ajoutent des projections démographiques impressionnantes! L'espace francophone devrait passer à plus de 8 % de la population mondiale d'ici à 2050. Sachant qu'en plus le français est considéré comme la 3e langue des affaires dans le monde - après l'anglais et le chinois - et serait la 2e langue la plus apprise (OIF 2014), le partage de la langue française peut représenter un atout économique non négligeable dans les années à venir pour les pays francophones.
Avez-vous des craintes par rapport aux débats sur le franc CFA et la monnaie unique dans l'espace Cedeao ? Ces éléments peuvent-ils nuire aux efforts de la France pour rassembler une vaste union francophone ?
Les débats sur le franc CFA existent depuis sa création, tout comme ceux sur l'euro. Ils illustrent à la fois l'ambition et la difficulté de créer un espace monétaire partagé.



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