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Reportage/ Réouverture des maquis : On boit et danse à nouveau collés les uns aux autres

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Les Abidjanais ont retrouvé les maquis et caves dès l’annonce de la levée de la décision de fermeture de ces espaces de loisir. C’est ce qu’il nous a été donné de constater, le samedi 16 mai 2020, dans les points chauds traditionnels des quartiers Blockauss et Riviera 2, dans la commune de Cocody.
A l’espace gastronomique de Blockhauss où nous mettons les pieds peu après 23H, l’atmosphère contraste avec le silence de cimetière qui régnait à notre passage sur le site il y a un mois. D’ordinaire grouillant de monde, cet espace de loisir était tristement muet depuis la mi-mars : les maquis ayant baissé rideau, les baffles qui crachaient des décibels ayant été contraints de se taire. 
 
Blockhauss : Un client s’en remet à Dieu
Mais hier, samedi, changement de décor : l’entrée principale a retrouvé son animation habituelle. Les décibels sont de retour. Les clients aussi, naturellement. Retour quelque peu timide, à en croire les habitués des lieux. Pourtant, il y a du beau monde dans l’enceinte de l’espace gastronomique. Certains maquis comptent jusqu’à 100 à 200 personnes. Ça danse et boit sur des airs en vogue. On sent sur les visages, comme une envie de s’éclater, d’expurger la frustration d’avoir été privé par le confinement, du plaisir que procurent les maquis.
Autour de certaines tables, plusieurs jeunes gens et jeunes filles, assis au mépris de la distanciation physique. On danse et parle fiévreusement. Pourtant, tous ces noceurs ne portent de cache-nez. Evidemment. « Je ne crains pas de venir ici. Je me dis que c’est Dieu qui décide de tout. S’il est écrit que tu vas mourir de cette pandémie, tu en mourras. Il y a eu ébola, on l’a surmonté, donc je n’ai pas peur », lance Everson, attablé avec huit autres personnes qu’il dit être ses amis.
En l’absence du gérant, c’est son adjoint, Tehua Olivier, qui nous explique que les clients sont peu disciplinés. « Ceux qui sont venus dans la journée, respectaient la distance d’un mètre. Mais ce soir-là, on n’arrive pas à maîtriser les clientsC’est vrai qu’ils sont plus nombreux ce soir », fait-il savoir en indiquant qu’ils sont heureux de retrouver le maquis. Interrogé sur les autres mesures d’hygiène, il soutient que le maquis a installé des seaux d’eau pour le lavage des mains, mais ils ont été rangés, la nuit tombée. 
Il se réjouit de la décision de réouverture malgré un début timide, qu’il met sur le compte du carême musulman. « Pendant la fermeture, nous avons beaucoup perdu. Nous avons épuisé toutes nos économies. C’était vraiment difficile », confie-t-il. Dans un autre maquis mitoyen, Kader, le maître des lieux, est du même avis s’agissant des déboires vécus par les promoteurs de maquis durant ces deux mois de fermeture. «Ce furent des moments très difficiles. Le maquis m’aidait à gérer beaucoup de situations, même si ce n’est pas ma principale source de revenus. Mais, du fait de la fermeture, j’étais incapable de faire face à certaines préoccupations », avoue-t-il.
Lui aussi se félicite donc de la réouverture des maquis. A l’en croire, les clients aussi sont bien heureux d’avoir « repris du service ». « Je note qu’il y a plus de monde aujourd’hui que d’habitude. Je pense que les gens étaient fatigués de rester à la maison, donc ils sont venus se lâcher. Le confinement était très stressant. On a compris qu’on peut vivre avec le coronavirus mais en respectant les mesures barrières », renchérit-il. Il avoue, toutefois que les clients sont peu portés à respecter la distanciation physique. « Il ne faut pas se voiler la face. Les gens éprouvent le besoin de se parler. Et vu que la musique est forte, ils sont obligés de se rapprocher », avance le jeune promoteur de maquis.
Quand nous quittons l’espace gastronomique de Blockauss, il est minuit passé d’une vingtaine de minutes : des noceurs sont encore attablés dans des maquis. Une heure plus tôt, nous étions au « carrefour garage » à la Riviera 2, pour prendre le pouls de l’ambiance dans cet autre point chaud de Cocody.
 
Riviera 2 : Ça boit de moins en moins dans le verre
Dès que nous mettons pied à terre, notre regard est attiré par un groupe de clients d’une vingtaine de personnes, assis à l’entrée d’un maquis, les uns à côté des autres autour de plusieurs tables collées. Ça papote chaudement. Plus loin, l’un des célèbres maquis de cet espace de loisir crache des sons en vogue. Assis aussi bien à l’intérieur qu’à la terrasse, des clients sifflent des bouteilles de bière. Ici aussi, ils sont nombreux à être collés les uns aux autres. Certains dansent, d’autres reprennent en chœur des refrains connus.
« On sensibilise les clients sur les mesures barrières. On essaie de voir s’ils ne sont pas trop rapprochés, mais comme ils sont têtus, chacun en fait à sa tête », nous fait savoir Boris alias l’Italien, le manager du maquis. Selon lui, les habitués des lieux appelaient régulièrement pour dire qu’ils sont fatigués d’être confinés et souhaitent venir s’éclater. Il estime donc que les clients, autant que les promoteurs et travailleurs de maquis, ont tout a gagné avec cette reprise des activités. « Pendant la fermeture, c’était la galère. Nos patrons ne nous payaient plus. On a subi une grosse perte. C’était dur », se rappelle-t-il.
Tenante de maquis dans les environs, Stéphanie Gneba relève que la crise sanitaire semble avoir changé certaines habitudes des clients. « Certains de nos clients ont peur, vu que les cas de contamination ne cessent d’augmenter. On a l’impression que ceux-là ont commencé à s’habituer à consommer leur boisson à la maison, comme il le faisaient pendant toute la durée du confinement », souligne-t-elle. Et de poursuivre : «  J’observe que d’autres ne veulent plus boire dans les verres et préfèrent le faire au goulot pour, disent-ils, minimiser les risques de contamination. En tout cas, c’est ce que je leur conseillerai ». Elle aussi note que ce n’est pas toujours facile de faire respecter la distanciation physique aux clients.
Juste à un pas de nous, Serge, un client d’un certain âge, est en train de finir sa bière. « La réouverture des maquis est une libération », se félicite-t-il, avant de se prononcer sur le respect des mesures barrières. « Quand vous regardez ce monde, qui respecte la distance d’un mètre ? A la limite, on s’en fout de ceux qui veulent nous imposer ces règles, comme ils s’en foutent de nous. Ils nous ont imposé le confinement sans accompagnement. Donc, qu’on meure ou vive, ce n’est pas leur problème, alors on s’en fout des mesures barrières ! », fulmine-t-il.
Dans le maquis en face, Sandrine, la maîtresse des lieux, dit avoir noté, elle aussi, que sur 10 clients, 8 refusent de boire dans les verres. D’ailleurs, trois jeunes assis autour d’une table préfèrent porter directement leurs bouteilles à la bouche. « On se dit que pour des raisons d’hygiène, il est préférable de boire directement », nous fait savoir Kouakou, l’un des trois jeunes, parmi lesquels une jeune fille. Au dire de la tenancière du maquis, certains clients vont jusqu’à sentir si les verres ont été lavés avec de la javel avant de les utiliser ou non.
« Les clients et nous sommes heureux de retrouver nos anciennes habitudes. Mais, ce début est plutôt bizarre », chipote Sandrine, pour qui la reprise s’annonce pénible, vu les préjudices subis du fait des deux mois de fermeture. « Les deux mois de fermeture ont été très difficiles. J’ai dû utiliser mes économies pour subvenir à mes besoins et me soigner. Je suis endettée. Pourtant, on ne peut que compter sur nous-mêmes pour redémarrer nos activités. J’entends que le gouvernement pourrait nous aider mais je ne vois rien venir encore », lance la jeune dame au moment où nous prenons congé d’elle. Il est près de 23h.
Assane Niada 
 
 
 
 



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