Ces temps-ci, la presse dans son ensemble fait état des dissensions qui existent entre le Ministre Mabri Toikeusse, et le Président de la République. Il est reproché au Ministre d’avoir ouvertement déclaré sa candidature à l’investiture du parti unifié pour la présidentielle de 2020. Or le Président de la République ne s’étant pas encore prononcé sur son « avenir », la question du candidat du parti n’est en principe pas à l’ordre du jour.
Pourtant Le Ministre Mabri Toikeusse mène une campagne ouverte. Des clubs de soutien fleurissent, ses équipes ratissent le terrain, même son épouse est mobilisée à travers des « œuvres caritatives ». A ceux qui lui reprochent de ne pas oeuvrer pour le parti unifié, l’homme au contraire présente sa candidature comme une « alternative consensuelle capable de rassembler tous les fils et filles d’Houphouët ».
Malgré cette attitude de défiance, aucune sanction jusque-là. Personne n’ose officiellement le désavouer. Aussi l’homme devient chaque jour plus audacieux dans ses déclarations, plus cohérent dans sa stratégie. Faut-il en rire ? Ou va-t-il surprendre en s’imposant finalement comme le « candidat du consensus » comme il se définit lui-même ?
Le parcours de l’homme
Mabri Toikeuse participe aux différents gouvernements depuis 2003. Il a successivement occupé les portefeuilles de la santé, des transports, de la coopération et de l’intégration africaine, du plan et du développement, des affaires étrangères, et aujourd’hui de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. D’où une vaste expérience. L’homme est médecin de formation.
Tout ne fut pas tranquille. Mis à la tête de l’UDPCI en 2005, il fit face à une multitude de crises entre cette date et 2010, soldée par le départ de la quasi-totalité des personnalités de premier plan vers la mouvance présidentielle de l’époque. Mabri Toikeuse croisa le fer avec Siki Blon Blaise, son doyen et mentor, la véritable tour de contrôle de la région. Leur rivalité court toujours.
En Novembre 2016, Mabri Toikeusse fut éjecté du gouvernement pour avoir maintenu aux législatives dans certaines circonscriptions, des candidats de son parti face à ceux de la coalition au pouvoir, dont il fait pourtant partie. Il occupait le portefeuille des affaires étrangères. Ce fut une autre traversée du désert.
Mais il fut de nouveau réintégré en Janvier 2018, en tant que Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. En Janvier 2019, il décida de « fondre » l’UDPCI dans le parti unifié, sans toutefois proclamer sa dissolution. Ce malentendu est toujours d’actualité. L’homme se défend pourtant de pratiquer un double jeu.
Le déclic
Le 16 Février 2019 dernier, fut organisée à Man un grand meeting de la jeunesse du « Grand Ouest » pour rendre hommage au Président du Conseil Régional du Tonkpi, le Ministre Mabri Toikeusse, pour « ses actions en faveur de la paix et du développement ». Ce fut un meeting géant où il n’était point question du parti unifié, ni du Président de la République, même si son nom fut mentionné de temps à autre. La cérémonie était centrée sur la personne du Ministre, que tous les orateurs encensaient, et présentaient comme le successeur du Président de la République.
Véritable démonstration de force, le meeting a montré qu’il avait toute une partie du pays derrière lui. La foule immense et compacte, consacrait sa victoire sur tous ceux et celles qui s’étaient opposés à son leadership dans la région. Ce rassemblement l’a indéniablement conforté dans sa décision de « jouer sa propre carte » en 2020.
Opiniâtre, entêté, fougueux et tenace, le Ministre Mabri Toikeusse a affronté bien des orages et a toujours gardé le cap. L’homme est intelligent, et ne se laisse jamais dicter sa conduite. On ne voit pas aujourd’hui ce qui pourrait l’amener à renoncer à l’objectif qu’il a en ligne de mire.
Une épine dans le pied du pouvoir
Bien entendu Mabri Toikeusse irrite au plus haut point le Président de la République et son cercle restreint. Déjà à la création du parti unifié en Janvier dernier, il clamait sans ambiguïté que l’UDPCI ne serait pas dissous, alors que l’entourage présidentiel insistait sur la « dissolution automatique » des partis qui composaient la plate-forme.
Le sanctionner en l’excluant du parti unifié, viderait un peu plus de sa substance, le concept même de parti unifié. Le départ de Mabri Toikeusse donc de l’UDPCI, après celui de l’ex-parti unique, sonnerait comme un échec du processus d’unification. L’opposition ne manquerait pas de le souligner et d’en faire un argument principal de campagne.
Il y a aussi peut être l’ arithmétique électorale. Une mise à l’écart brutale de Mabri Toikeuse aura un impact dissuasif sur l’électorat de l’Ouest montagneux envers le parti unifié. Ivoirediaspo.net
Publié le :
8 décembre 2019Par:
Forestier de Lahou