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Politique

L’Equation Soro ou l’avenir incertain du rebelle en chef (2e partie)

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Dans la 1ère partie de notre chronique, nous avons évoqué le premier péché originel de Soro, celui de vouloir s’imposer comme le successeur naturel à Alassane Ouattara, en tout cas le plus légitime, au motif que c’est lui qui aurait installé le président Ouattara au pouvoir. 
Le second péché originel de Soro c’est celui de n’avoir pas pris, tout de suite, toute sa place au sein du RDR. Plutôt que d’intégrer la direction du parti et de peser sur les orientations et les décisions, il y a envoyé ses lieutenants qui n’ont pas brillé par leur participation dans la réflexion stratégique, ou par leur capacité de mobilisation sur le terrain. En quelques mots, Soro et ses hommes n’ont pas su se rendre indispensables aux dirigeants du RDR et au parti, qui ne redoutent donc pas leur départ. Ils se sont endormis sur leur aura supposé ou réel, fondé sur leur bilan d’ex-combattants, et sur une certaine obligation de reconnaissance de la part de leur formation politique et des militants. Grave erreur, car le RDR a un fétiche : Alassane Ouattara. Et lorsque qu’on tombe en disgrâce aux yeux de cette autorité tutélaire, paternelle pour certains, la perte de confiance de la majorité des militants est quasi-automatique. Guillaume Soro ne le sait que trop bien. Il a vu comment l’ombre de Ouattara a toujours plané sur la rébellion qu'il a dirigé. Tous les commandants rebelles qui ont tenté de s’éloigner de cette ombre protectrice réelle ou supposée d’Alassane Ouattara, ont été voués aux gémonies par les autres chefs rebelles et même par les hommes de rang. La candidature d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle n’était-elle pas une des revendications non-négociable, avec la reconnaissance de la pleine citoyenneté des Ivoiriens du nord ? 
Correspondant de la BBC à Johannesburg, j’ai eu, avec mon ami et confrère Bruno Minas, un long entretien avec Soro et les commandants de zone Wattao et Tuo Fozié, dans les jardins du palais présidentiel sud-africain, puis ailleurs dans la soirée. Ils étaient en Afrique du Sud pour des négociations inter-ivoiriennes à Pretoria. Ma conclusion à l’issue de ce long entretien sans protocole : Alassane Ouattara est l’élément fédérateur de la rébellion. Si Ouattara n’avait pas été là, il n’y aurait pas eu une, mais plusieurs micro-rébellions dans le nord de la Côte d’Ivoire, et Soro n’aurait vraisemblablement dirigé qu’une fraction de ces rebelles.
Guillaume Soro est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le président de l’Assemblée Nationale semble partagé entre plusieurs choix : Rester dans sa famille politique (RDR futur RHDP) ou claquer la porte et s’allier avec tous les opposants (anciens ou nouveaux) au régime d’Alassane Ouattara. Quoi qu’il fasse, il est désormais admis, pour tout observateur averti, que Guillaume Soro ne sera pas président de la république en 2020, et cela pour plusieurs raisons.
Alliance Soro-Bédié-FPI 
Cette alliance s’annonce déjà comme une véritable foire à la duperie, tant les futurs probables alliés n’ont pas eu le temps de se fréquenter assez, mais surtout de se pardonner mutuellement les ressentiments qu’ils ont eu à nourrir les uns envers les autres. Certains tempèrent cette crainte en invoquant le cas du RHDP qui s’était construit au départ autour de trois ex-ennemis jurés (Bédié-Ouattara-pro-Guéi). Mais on n’oublie de rappeler que la concrétisation en 2010 de cette alliance, avec le report des voix de Bédié et des autres candidats de la coalition en faveur d’Alassane Ouattara, a été l’aboutissement d’un long compagnonnage, le RHDP ayant été créé en 2005. 
Les responsables et militants du RHDP ont donc eu cinq ans pour se fréquenter et tisser des liens forts, alors que l’alliance Soro-Bédié-FPI souffrirait inévitable des suspicions qui règnent encore entre ses principaux acteurs, malgré les apparences. Les trois « partenaires annoncés », s’épient mutuellement, chacun cherchant à découvrir les intentions cachées de l’autre. La réalité c’est qu’aucune des parties n’est dupe et nous sommes là en présence de ce qu’on pourrait qualifier d’alliance contre-nature, une sorte de relation incestueuse. Qu’ont en commun Soro, Bédié et Gbagbo, tant sur le plan idéologique que sociologique ? Rien, sinon très peu de choses. 
Une fois de plus, comparons avec le RHDP, pour éviter de nous limiter à des affirmations sans fondement analytique. Les trois principales formations du RHDP sont nées de scissions au sein du PDCI. C’est donc dire qu’il s’agissait dès le départ d’une alliance entre personnalités qui se connaissaient déjà et qui avait une longue histoire commune de militantisme et même d’affinités idéologiques. Or Soro n’a jamais été militant du PDCI qu’il a combattu comme syndicaliste étudiant. Il n’a pas plus su créer une vraie amitié avec le PDCI dans le cadre du RHDP, puisqu’il a, dès le départ, torpillé ce regroupement politique dans lequel il ne se voyait pas un avenir présidentiel en 2020. Et pour ce qui est de sa relation avec le FPI, même s’il a un moment flirté avec ce parti, notamment dans le cadre de certaines convergences d’objectifs entre syndicats et oppositions, il n’a jamais été un véritable partenaire du parti de gbagbo. 
Dans ce contexte, il est donc exclu que Bédié et le FPI choisisse Soro comme leur candidat. Tout au plus le regroupement qu’annonce Bédié (Soro-Bédié-FPI) serait un accord de désistement au 2e tour en faveur du candidat qualifié de la coalition. Dans ce schéma, Soro qui part sans parti politique bien implanté, comme l’ont démontré les dernières élections locales où la quasi-totalité des candidats qu’il a soutenu ont été laminés, ne peut espérer se qualifier au 2e tour. Il lui reste donc l’option de convaincre Bédié de le prendre comme colistier, candidat à la vice-présidence de la république. Le PDCI aura besoin de beaucoup d’argent pour les campagnes et Bédié n’est pas connu pour sa facilité à investir son propre argent dans les activités politiques. Or Soro en a apparemment beaucoup, et quelques soutiens (le sulfureux Theodorin, fils du dictateur Obiang Nguema de Guinée-Equatorial et d’autres) ne manqueraient pas de lui témoigner de leur générosité. Mais une fois de plus, en se basant sur le seul élément scientifique irréfutable dont nous disposons, les résultats des récentes élections locales, l’addition des résultats des trois futurs partenaires les laisse encore loin derrière la force d’entrainement qu’est le RHDP d’Alassane Ouattara. Surtout si l’on sait que la recomposition de la classe politique à laquelle l’on assiste en ce moment, avec la probable émergence de deux grands blocs politiques, rend envisageable, voire probable, une victoire dès le 1er tour. 
L’autre option qui s’offre à Soro c’est celle de se présenter en candidat indépendant. ll s’appuierait dans ce cas sur ses soutiens au sein du RDR d’Alassane Ouattara, et sur ses ex-camarades de la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire). Mais il faut bien constater que Soro se révèle de plus en plus n’être qu’un épiphénomène au sein du RDR. Pour ce qui est de ses anciens amis de la FESCI, ils sont plus mus par une recherche d’argent facile que par une adhésion quelconque aux idées et/ou à idéologie politiques qu’incarneraient Guillaume Soro. Par ailleurs, même dans les écoles et universités, les fescistes n’ont jamais obtenu des « soutiens » que par l’intimidation et rarement par l’adhésion. Or leur mentor (gbagbo) n’étant plus au pouvoir, la fesci ne peut obliger personne à voter pour un candidat. 
Il y a enfin, pour Guillaume Soro, le choix de rester dans le RDR, mais cela signifierait qu’il renonce à être candidat en 2020. Le problème que cela pose pour M. Soro, c’est qu’il est monté si haut qu’il ne peut que descendre. Autrement dire, qu’y a t-il d’autre à offrir à Soro par le RDR qui ne lui semblerait pas être une sorte de relégation sociale ? Ministre ? Il l’a déjà été. Premier Ministre ? Ça aussi il l’a fait. La présidence du SENAT ? C’est moins prestigieux que la présidence de l’Assemblée Nationale qu’il a déjà occupée. Alors il reste la vice-présidence et la présidence de la république. Or, Soro Guillaume est encore loin dans l’ordre de succession naturel et objectif. Et pour ce qui est de la vice-présidence de la république, le manque d’humilité qui a ruiné son capital-sympathie auprès du président Ouattara a laissé de très mauvais souvenirs et ne plaide pas en sa faveur. 



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