Créer une entreprise c’est aller à l’aventure ; cette aventure peut être au départ personnelle, mais elle ne peut tarder à devenir collective. Par esprit d’ingéniosité on sera seul à réfléchir, à chercher les moyens pour créer son entreprise. Quel que soit le dévouement et le courage on ne peut pas être à la fois technicien, administrateur des ressources financières et humaines. Il ne faut pas avoir une vision étriquée. On fera donc appel à des collaborateurs. Des salariés qu’il faut les intéresser au succès de l’entreprise en partageant avec eux le fruit de l’effort collectif.
Ici je m’adresse aux jeunes entrepreneurs ivoiriens. Une entreprise se crée avec un capital humain (sa force et celle des autres) et financier. Même avec un quotient intellectuel supérieur à la moyenne, on ne peut pas monter une affaire sans apport financier (emprunts, fonds propres) et avec le concours des spécialistes. La survie de l’entreprise dépend du marché qu’on convoite c’est-à-dire l’espace pour écouler la production pour une entreprise industrielle et le champ de service pour une entreprise de services. Si on tient une comptabilité on se rend compte que le chiffre d’affaires ne peut pas couvrir les charges d’exploitation : les frais de personnel, l’électricité et eau, les charges financières, fournitures de bureau, etc., si on ajoute la dépréciation des biens (amortissement). Il ne faut pas s’attendre à un bénéfice comptable (recettes supérieures aux charges plus impôts) dès les premières années d’exercice. Espérer faire de bénéfice à la fin du premier exercice est utopique, ce n’est pas possible. On ne dispose pas suffisamment de fonds de commerce pour exercer pleinement. Il ne faut pas confondre recettes et bénéfice. Il faut déduire de la recette du jour la part du capital nominal, les charges quotidiennes pour parler de marge hors amortissement.
Ce qu’il ne faut pas faire : se lancer dans l’inconnu pensant que les connaissances théoriques seules suffisent sans préalables : sans étude de marché, sans états financiers prévisionnels pour connaitre la faisabilité et la profitabilité du projet qu’on veut monter. Aujourd’hui il existe des bureaux d’étude et de cabinets spécialisés qui peuvent apporter leur expertise. On ne triche pas en affaires ; c’est une jungle où on ne fait pas de cadeau. Chaque matin qu’on se réveille, on doit se dire qu’on va au combat pour vaincre, en oubliant qu’on n’est pas seul dans la spécialité.
La contribution des PME et PMI (Petites et Moyennes Entreprises, Petites et Moyennes Industries) au Produit Intérieur Brut national (PIB) est si importante que nos pays encouragent leur création, ce n’est pas pour cela qu’il faut y sauter à pieds joints.
Il y a trop d’échecs pour les ivoiriens quand il s’agit de créer et de faire prospérer les affaires ; on n’est pas patient. On accuse le manque de confiance des banques et de l’Etat pour ne pas leur accorder de crédit et leur attribuer de marché. Où se situe la responsabilité dans cette méfiance ? Quand les avances sur travaux sont utilisées pour financer autre chose avec pour corollaire travaux abandonnés ou mal exécutés. Parfois, l’entreprise a une existence informelle ; elle mette la charrue avant le bœuf, c’est-à-dire elle attend l’acquisition d’un marché hypothétique avant de s’organiser : pas de siège, pas la moindre surface financière pour le démarrage. Avec des amis on s’attèle à avoir les documents d’existence juridique. L’exemple des travaux attribués aux entreprises ivoiriennes qui peinent à respecter le délai de livraison sont légion.
Au départ on va faire miroiter aux futurs employés un avenir radieux en leur promettant des rémunérations substantielles ; peu de temps après, les promesses ne seront pas tenues, on oublie qu’on travaille avec des collaborateurs, que la survie de la société dépend d’eux. Le fondateur vient prendre les recettes du jour à la fin de la journée pour le « compte de l’exploitant » pour ses dépenses personnelles : billets d’avion, achat de château en Espagne, deuxième bureau, etc... Le personnel reçoit un salaire de misère, il n’a pas de repos, ni de congés, il n’est pas déclaré, il travaille au noir. L’engouement que ce personnel avait au départ s’émousse ; les affaires périclitent et c’est la fermeture de la boîte. D’autres ont eu la chance d’être désignés de représenter en Côte d’Ivoire la firme européenne où ils ont eu à prouver leur compétence ; voulant s’enrichir vite comme » tout bon ivoirien » ils font la caisse de la société un tiroir sans fonds, ils se voient fermer le robinet par la maison mère pour mauvaise gestion. Ils ont tué la poule aux œufs d’or.
Les porteurs de capitaux (actionnaires) comme le capital humain s’investissent pour tirer profit de leur effort : les dividendes pour le porteur de part et le salaire pour l’employé. Nul de ces agents économiques ne souhaite prêter à fonds perdu. Il aime spéculer à la hausse.
N’goran Brou
Cadre comptable et financier à la retraite
Publié le :
6 juillet 2018Par:
Forestier de Lahou