De la visibilité, et donc des financements : c'est ce qu'attend la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de Côte d'Ivoire, Ramata Ly-Bakayoko, de la création d'un Conseil africain de la recherche sur le modèle de l’ERC (lire sur AEF). Ce modèle "nous permettrait de faire un bond en avant", explique-t-elle dans une interview à AEF, le 11 décembre 2017, à l’issue une d’un séminaire en marge du One Planet Summit, à Paris. La ministre signale ainsi que le Cames (Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur), qui regroupe 19 pays, a déjà identifié 12 programmes thématiques de recherche, et plaide pour que ces programmes "bénéficient d'un soutien financier". Les participants au séminaire signent par ailleurs une déclaration visant à renforcer la recherche et l'innovation pour mobiliser les financements en faveur du climat et du développement.
AEF : Qu’attendez-vous de la création d’un Conseil africain de la recherche ?
Ramata Ly-Bakayoko : Nos États sont engagés au niveau de la recherche. Nos universités aussi, qui font des efforts pour trouver des fonds de recherche et compléter les budgets de l’État. Pour que nos recherches aient un réel impact sur la société, il est important que le financement soit mieux ciblé vers les problématiques d’environnement, de changement climatique, de sécurité alimentaire, de ressources en eau. Nous sommes déjà organisés au sein du Cames (Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur), fort de 19 pays et de plusieurs universités. Nous avons dans ce cadre 12 programmes thématiques de recherche sur l’agriculture, la santé, les technologies, le changement climatique. Il est important que ces programmes bénéficient d’un soutien financier pour répondre aux attentes. C’est la raison pour laquelle nous pensons que le modèle de l’ERC nous permettrait de faire un bond en avant.
AEF : Sur quel plan ?
Ramata Ly-Bakayoko : Il s’agit de privilégier l’excellence scientifique et l’innovation. Les pairs vont évaluer les programmes de recherche et donner les financements pour permettre aux équipes de recherche de mener leurs travaux. De la même manière que l’Union européenne, nous pensons que l’Union africaine, qui a déjà des programmes, pourrait rassembler ceux-ci de façon cohérente au sein d’un Conseil africain de recherche.
AEF : Avez-vous déjà des partenaires ?
Ramata Ly-Bakayoko : Ce séminaire de haut niveau m’a permis de prendre des contacts. Mais nous avons déjà l’appui de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), dont la division de la recherche et de l’enseignement nous a envoyé un message pour nous signifier son intérêt.
La déclaration du 11 décembre 2017
"Climat et développement : pour mobiliser les financements, renforçons la recherche et l’innovation !" Tel est le sens de la déclaration signée par les participants au séminaire de haut niveau organisé le 11 décembre 2017 en marge du One Planet Summit, à Paris (1).
Le texte appelle à "investir dans une nouvelle forme de prospérité, à la fois résiliente et décarbonée, et plus juste, [ce qui] nécessite d’investir dans la connaissance, pour mieux comprendre quels sont les facteurs à modifier par rapport aux modèles de développement actuels, au Nord comme au Sud, et ainsi savoir vers quoi diriger les financements de manière efficace et pertinente".
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AEF : De quels financements disposez-vous ?
Ramata Ly-Bakayoko : Nous n’avons pas de financements pour le moment mais nous pensons que nous allons en obtenir. Si nous sommes organisés, si nous avons une visibilité, avec des programmes de recherche et des indicateurs bien précis à atteindre, cela va intéresser l’aide au développement, le secteur privé.
Je vais donner un exemple : à l’université Houphouët-Boigny, nous avons mis en place depuis quatre ans un projet scientifique et d’innovation qui abrite des unités de recherche en biopesticides et en phytomédicaments, ainsi qu’un centre d’excellence sur le changement climatique et l’agriculture durable de la Banque mondiale, un centre d’incubation pour accompagner les projets en innovation des étudiants et des innovateurs qui veulent monter des start-up. Ce pôle a été monté par la volonté de la présidence de l’université – j’en étais présidente à l’époque.
Après avoir ainsi démontré notre capacité à faire une unité de production de phytomédicaments et une unité de biopesticides, nous avons gagné l’appui de la Banque mondiale, du Cirad et de l’IRD. Si nous demandons que ce Conseil africain de la recherche prenne en compte les thématiques de recherche du Cames, déjà très avancées, cela permettra de capter des financements.
AEF : La ministre française de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, a déclaré être prête à s’associer à la réflexion sur le Conseil. Qu’attendez-vous d’elle ?
Ramata Ly-Bakayoko : Nous attendons d’être mis en connexion, en rapport avec l’ERC pour nous accompagner dans la mise en œuvre. Bien sûr, nous avons notre environnement et nos spécificités mais nous ne réinventons pas la roue. Ils ont déjà beaucoup d’années d’expérience. Cela nous permettrait d’éviter leurs erreurs et d’aller plus vite.
(1) Cette déclaration est le résultat des travaux d’un séminaire de haut niveau organisé par l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), sous les auspices du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en partenariat avec le Cirad, l’IRD et la Fondation pour les études et recherches sur le développement international dans le cadre de l’Initiative pour le développement et la gouvernance mondiale.