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Politique

Côte d’Ivoire : Les ravages d’une conception surannée du pouvoir et de la lutte politique.

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En Côte d’Ivoire, le branle-bas de combat pour l’élection présidentielle de l’année 2020 a déjà sonné. Les troupes se rassemblent derrière leurs chefs respectifs en vue de prendre d’assaut le pouvoir d’Etat pour s’en partager les dépouilles. Le pouvoir d’Etat est, pour un grand nombre d’acteurs politiques ivoiriens en particulier et africains en général, une voie d’accès aux ressources, un mât de cocagne, un lieu de privilèges, un patrimoine personnel ou communautaire qui se conquiert par la force, le mensonge, la désinformation et la ruse. « De quoi a-t-on besoin lorsqu’on est politique ? De pouvoir, d’honneurs et d’argent», avouait récemment un ministre ivoirien interviewé par un célèbre journal panafricain sur la guerre de succession qui secoue actuellement la Côte d’Ivoire !
En conséquence de cette représentation surannée, cynique et fausse de la lutte politique en Afrique, chaque élection présidentielle enclenche, dans une forme de fatalité, une dynamique d’accaparement, de surenchère nationaliste, d’invectives personnelles, d’attaques ad-hominem, d’affrontements armés pour la prise et la confiscation du pouvoir. De ce point de vue, la situation ivoirienne ne déroge pas à la règle commune en Afrique comme vient d’en témoigner le récent cas Kenyan ou les cas plus anciens des deux  Congo, pour ne citer qu’eux. Cette situation déplorable n’est pas un destin. Elle relève d’une certaine conception surannée et brutale de la lutte politique qu’il est vital de révoquer.
 60 ans après l’Indépendance, la lutte politique est encore, à l’intérieur de la plupart des Etats de l’Afrique postcoloniale, interprétée en termes de mouvement de libération et de conquête du pouvoir d’Etat par des nationaux dominés et spoliés par des Etats étrangers et leurs agents locaux. L’élection présidentielle est interprétée en termes de prise et de confiscation du pouvoir par une communauté dominante ou dominée. Les adeptes de la seconde Indépendance considèrent que l’Afrique n’est jamais sortie de la situation coloniale. Ils en appellent, en conséquence, à un nouveau mouvement armé de libération anticolonialiste. Considérant la démocratie comme un camouflage politique de la domination capitaliste, ils en appellent à une révolution prolétarienne. Nostalgiques des royautés et des aristocraties guerrières précoloniales, les forces conservatrices interprètent, quant à elles, la lutte politique en termes de reconquête d’un trône perdu, de rétablissement du pouvoir des chefferies et des suzerainetés précoloniales.
L’élection présidentielle est donc, au sens propre du terme, un moment de guerre de libération ou de réaction conservatrice. Les électorats sont mobilisés par des thématiques nationalistes et identitaires. Le programme électoral est de rétablir la domination politique d’une communauté d’autochtones, de reconquérir l’Etat face à une domination étrangère. Dans le cadre de ce schéma mental, l’expression « conquête du pouvoir » est un mot valise qui sert à couvrir toutes les entreprises d’accaparement antidémocratiques.
Nous sommes donc entrés en Démocratie multi-partisane, avec les conceptions de la lutte politique et du pouvoir héritées des mouvements de libération nationale et des dictatures. Nous y avons transféré les méthodes impliquées  par ces conceptions. La vie politique est donc dans les démocraties africaines structurées par des conceptions antidémocratiques. Ces conceptions sont partagées en commun par les forces politiques et par les forces sociales. Elles confèrent nécessairement à la lutte politique un caractère infernal.
La problématique politique ivoirienne et africaine consiste donc à renouveler les conceptions du pouvoir et les objectifs de la lutte politique corrélativement au changement historique. Nous devons donc prendre acte de la fin de l’Afrique coloniale et des Etats coloniaux. Nous devons prendre acte de l’avènement de l’Afrique postcoloniale et des Etats endogènes dirigés par des nationaux qui sont, comme tels, entièrement responsables de la vie des cités et comptables devant les populations. La nouvelle problématique politique de l’Afrique postcoloniale est donc celle de la domination à combattre et de la liberté à conquérir à l’intérieur de nos Etats, face à nos pouvoirs politiques. La question n’est plus de savoir comment reconquérir l’Etat  et le pouvoir politique face à la domination et à la tutelle des Etats étrangers. La question politique centrale dans l’Afrique postcoloniale est de se demander comment exercer le pouvoir afin de défendre les droits fondamentaux des populations dans nos Etats et comment soumettre le pouvoir politique au contrôle du pouvoir social ?
La première question « Comment conquérir le pouvoir d’Etat ? » est la question des mouvements de libération anticolonialistes, qui se sont le plus souvent transformés en mouvement d’oppression et ont engendré des tyrannies et des dictatures parce qu’aussitôt le pouvoir conquis, ses détenteurs l’ont fétichisé et n’ont plus voulu l’abandonner. Ils ont ensuite allègrement piétiné les droits fondamentaux des populations en vue de le conserver. La seconde question « comment défendre les droits fondamentaux des populations dans nos Etats et comment exercer le pouvoir dans ce sens ? », est la question de la démocratie. Elle fait du pouvoir d’Etat le moyen du service des droits.
 Pour modifier qualitativement le cours de l’histoire en Afrique, il faudrait donc réorienter la lutte politique dans le sens de la revendication des droits personnels et collectifs face aux Etats et aux pouvoirs politiques locaux. Il faudrait diffuser massivement dans les sociétés africaines une culture démocratique de la lutte politique autocentrée qui est fondée sur la conscience des droits. Telle est la culture politique qu’appelle la nouvelle époque historique des Etats dans l’Afrique postcoloniale et post-guerre froide.
Dr Alexis Dieth
Professeur de Philosophie



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