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Côte-d’Ivoire: De la dernière mutinerie à la livraison de soul 2 soul à la vindicte populaire (1 partie)

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C’est la mort dans l’âme qu’il nous est donné d’observer, que la dernière mutinerie de « l’armée Ivoirienne » a mise en évidence  7 réalités :
 
  1. L’existence d’une « armée » parallèle, constituée des démobilisés
  2. L’intégration de mercenaires dans les Forces Armées de la République
  3. L’impuissance de la hiérarchie militaire et du Pouvoir Politique
  4. L’échec patent des processus successifs de DDR
  5. La récupération politique du mouvement
  6. L’absence d’un État de droit
  7.  L’institutionnalisation de l’impunité
 
Nous examinerons ces différents points, non pas pour accabler le Pouvoir ou critiquer une situation de fait, ce n’est pas exactement ce qui nous intéresse aujourd’hui,  mais pour tenter de tirer les enseignements de cette douloureuse expérience et, proposer des pistes de réflexion permettant de contribuer, un tant soit peu, au traitement extrêmement délicat de cette crise larvée à rebonds multiples et aux contours multidimensionnels. Le sujet est éminemment sensible et difficile à traiter au regard du secret-défense, de la raison d’État, de l’absence d’une information totalement exacte et complète. C’est un domaine politique qui comporte des tabous, or  « la notion de tabou peut porter soit sur le caractère caché des faits, soit sur l’absence de reconnaissance publique » (Denis Rolland) de certains éléments de ceux-ci.
 
1 – De l’existence d’une structure armée informelle.
 
Si la constitution d’une ou plusieurs associations d’anciens combattants est parfaitement possible, suivant les procédures légales régissant le secteur associatif, il n’est pas possible en revanche de tolérer dans une République, que des personnes privées puissent mettre en œuvre des armes dans le but de faire aboutir leurs intérêts.  Une telle structure ne peut agir, à plus forte raison, discuter avec le pouvoir et des Institutions de la République, sans existence légale préalable. C’est prendre en compte des pratiques illégales, pire c’est institutionnaliser « une armée parallèle » et illégale, au côté d’une armée légale. La confusion a atteint un degré tel, que le collectif des démobilisés est assimilé, à tort, dans l’opinion publique à l’armée républicaine. Il a été difficile durant la dernière mutinerie de faire clairement la distinction entre les mouvements revendicatifs de l’une et de l’autre, même s’ils présentent une identité dans leurs prétentions. Par ailleurs, il n’est pas avisé de faire intervenir le religieux, dans le champ de la sphère publique, c’est l’affaire de l’État. Cette intrusion dans le conflit, pointe un aveu d’impuissance de la part de ce dernier. Par ailleurs, elle se prête à des interprétations diverses, dont certaines connotations ne sont pas des plus heureuses pour la cohésion sociale, en soulignant la caractéristique ethnique et religieuse de la protestation. Au surplus, il existe à cet effet, des Institutions Républicaines de régulation et de médiation (Le Grand médiateur de la République et le Collège des Rois et des Chefs), autrement il faut s’interroger sur l’utilité de leur rôle et la pertinence de leur existence.
 
Conclusion : Je recommande vivement aux anciens combattants qui ont été démobilisés dans des conditions qu’ils avaient jugées initialement pleinement satisfaisantes (formation qualifiante et prime de reconversion), de se constituer légalement dans la défense de leurs intérêts, selon qu’ils aviseront, en se conformant aux règles de droit en la matière. J’invite  corrélativement le Gouvernement à les aider à s’organiser suivant cette modalité avant de discuter avec eux, et de prendre en considération leurs doléances. Celui-ci doit se montrer très ferme sur le principe de la légalité de leur existence, et exiger le dépôt total et complet des armes en leur possession, fusse-t-il au besoin par la force.  Il ne faut pas sortir du cadre du droit, le faire est non seulement une complaisance coupable, mais c’est mettre en péril les fondations mêmes de la République. Il ne faut pas encourager cette structure informelle en l’état, et il faut réussir à opérer une césure, entre  cet embryon d’une future rébellion armée et l’armée elle-même, entre lesquelles il existe des liens, qu’il convient de dissoudre dès à présent.
 
En le disant, sans vouloir en faire une référence, il me revient en mémoire une anecdote. Le Président Houphouet-Boigny, avait opposé en 1986 à notre démarche, visant à obtenir de lui, la libéralisation de son régime et de la pensée, un préalable impératif, au motif qu’il nous revenait de « commencer par le commencement », car, selon lui, nous étions dans un État organisé qui avait ses règles, ses structures et ses procédures. Nous avons dû reprendre notre initiative, et suivre toutes les étapes et échelons de la pyramide, malgré les nombreux obstacles, résistances, oppositions, pièges et menaces du système, pour faire aboutir notre démarche, être reçus et entendus. 
 
Le Président Houphouet-Boigny ne nous a pas mis en prison pour autant, malgré la volonté de le faire, maint fois manifestée par ses collaborateurs, parce que précisément le Droit nous avait protégé, si l’on excepte la distance politique et géographique. Je retiens de cette difficile expérience, qu’il est de l’intérêt des démobilisés (se protéger contre des représailles ouvertes ou dissimulées) et de l’État (respect de son autorité et de son organisation) de se conformer aux règles et procédures prévues par le Droit, dans le traitement du conflit qui les oppose.
 
2 – Du maintien de « mercenaires » au sein des Forces Armées Régulières.
 
L’État a la responsabilité de l’ordre public. Or, il est clairement démontré que celui-ci est impuissant, lorsque les Forces Armées d’un pays troublent à la fois cet ordre public et l’ordre constitutionnel. Dès lors, il faut en tirer la conséquence, que l’Armée doit être bâtie avec un soin qualitatif particulier, pour qu’elle soit véritablement à la hauteur des enjeux de sa mission ; pour qu’elle soit neutre, disciplinée, performante, loyale et fidèle à la République.
 
Ainsi, ne devrait pouvoir rentrer dans l’Armée que des personnes aptes à recevoir une formation adéquate, qui les prédispose à la discipline militaire et républicaine. Des personnes qui ont à cœur de préserver les intérêts supérieurs de la Nation (intégrité du territoire national, libre exercice de la souveraineté du peuple, obéissance à l’autorité autorité de l’État, subordination au Civil pour l’utilisation des armes, protection des richesses économiques, des institutions et de la population). Dès lors, de telles personnes doivent faire l’objet d’une enquête de moralité,  et justifier d’un certain niveau de formation, garantissant leur capacité à appréhender correctement le sens de leur mission, notamment dans ses aspects de contribution à la sécurisation, à la paix, et au Droit.
 
Lorsque Monsieur Jean Konan Banny était Ministre de la Défense sous le régime Houphouet-Boigny, constatant que l’armée était le plus souvent, la voie indiquée à ceux qui avaient échoué (études, emploi, difficultés de tout ordre) comme bouée de sauvetage, il s’insurgea  contre ces mœurs, en déclarant que l’Armée n’est pas un dépotoir. Malheureusement, nous avons renoué avec cette pratique détestable, qui consiste à vouloir caser dans l’armée ceux des nôtres qui sont dans la difficulté (sous-scolarisation, chômage, emploi précaire), parfois en les faisant venir directement du village, cette attitude du RDR et  des « pontes » du régime actuel, a définitivement parasité le processus DDR. Nous y reviendrons.
 
Or, non seulement, il n’a pas été aménagé au sortir de la démobilisation, une structure de transition réellement suffisante  (Centre spécial de Formation aux métiers des armes, avec un cycle de 5 années pour les personnes n’ayant pas le niveau collège) avant d’être reversés dans les différents corps armés (Armée, police, douanes, centres pénitenciers), mais encore ces derniers n’ont fait l’objet d’aucune enquête de moralité et n’ont subi aucune évaluation sélective sévère. Ce n’est certainement pas la faute du dernier Responsable du DDR, mais bien du RDR qui a constamment interféré et parasité les différents processus, en voulant les contrôler de l’extérieur et de l’intérieur, pour y loger les siens, bien souvent et hélas, au détriment des véritables ex-combattants. Ensuite, cette situation est imputable à la défaillance de l’encadrement militaire, qui n’a pas su prendre le relai du DDR dans les différentes unités d’affectation (structure d’accueil, accompagnement, tutorat, formation). Enfin, c’est la faute de l’État qui dès le premier mouvement revendicatif n’a su, ni  négocier, ni se montrer ferme. On a préféré faire dans la facilité (calmer le jeu) et la théâtralisation  (« griotique »), au lieu d’aller au fonds du problème à travers une analyse prospective sérieuse. Ainsi, il a accepté et fait des promesses sans exiger et obtenir des contreparties.  Dès lors, les accords étaient déséquilibrés (panique, précipitation, dissimulation et faire–valoir politiques ? )
 
Nous avons déjà dit précédemment, que tout combattant qui est inspiré par la seule considération du gain, en dehors de toute valeur à défendre, de tout idéal de société à promouvoir, ou encore de toute conviction  politique ou de tout appel de conscience, est en réalité un mercenaire, peu importe qu’il soit un national ou pas (Cf. Convention de Genève), un soldat ou pas, car il sert un homme, un parti politique, un Gouvernement, moyennant une rémunération ou une récompense en nature.  Il n’exerce que par rapport à cet intérêt personnel et matériel. Cette attitude n’a plus aucun rapport avec la République. Ils sont au service d’un homme, d’un parti politique, et d’un régime, pour de l’argent. C’est l’occasion pour l’État, d’exiger d’eux, leur départ de l’Armée en contrepartie du paiement de leurs primes pour solde de tout compte et de la récupération de leurs armes. Les promesses qui leur ont été faites par l’État doivent être honorées, quelles que soient les difficultés budgétaires, il s’agit du respect de la parole de l’État.
 
Ensuite, une enquête parlementaire doit être ouverte pour déterminer dans quelles conditions ces promesses ont été faites, par qui et sur quel fondement légal. D’ores et déjà, il sera observé que les démobilisés réclament également les mêmes avantages, au motif qu’ils ont participé au même combat, ce qui tendrait à légitimer cette prétention de leur part. Dès lors, il est évident que cette prime qualifiée abusivement « d’écomog » n’est pas légale. Il n’y a jamais eu à ma connaissance d’intervention officielle des forces régionales ou africaines dans le conflit post-électoral ivoirien,  sur la base de résolutions ou d’accords.  Les accords de OUAUGA ne pouvaient pas prévoir une prime de guerre qui n’avait pas eu lieu. Ils pouvaient prévoir au plus une indemnité de démobilisation, par ailleurs entièrement versée aux démobilisés. Dès lors, si une telle promesse a été effectivement faite (son paiement partiel emporte reconnaissance) pendant la crise post-électorale aux combattants défendant la cause du candidat OUATTARA, qu’ils soient des éléments nouveaux ou des éléments appartenant à l’origine aux anciennes Forces Nouvelles, par des personnes individuelles (personnalités politiques) ou morales (partis politiques) privées, elle ne saurait nullement engager l’État. Aussi, son paiement par ce dernier serait parfaitement illégal, et s’assimilerait à un abus de pouvoir et de biens publics.  Enfin, le Gouvernement doit s’expliquer devant l’opinion publique et la représentation nationale (contrôle  de l’action gouvernementale). Justifier de la bonne utilisation des fonds publics, c’est satisfaire à un droit démocratique (respect de la souveraineté du peuple). L’État est comptable de son action, il ne peut dire ou penser qu’il n’a de comptes à rendre à personne, dans un État démocratique. Par ailleurs, cette démarche spontanée aura le mérite d’anticiper sur de futurs mouvements revendicatifs, de la part d’autres corps processionnels, qui pourraient être tentés, à partir de ce cas d’espèce, d’exiger à leur tour, le paiement immédiat et intégral de leurs créances. S’il n’arrivait pas à dissiper la suspicion qui pèse sur lui et à lever toutes les zones d’ombre qui entourent cette affaire, une enquête parlementaire devient nécessaire (proposition des Présidents Mamadou Koulibaly et Guillaume Soro au tard, selon la presse), à moins que la Justice décide d’ouvrir une information judiciaire (indépendance de la Justice). Le Gouvernement aurait tort d’entretenir l’opacité et une forme d’arrogance  dans cette affaire, plutôt que d’expliquer et de convaincre, du bien fondé de sa décision. Il pourrait  en payer le prix dans les urnes dans l’avenir.
 
Conclusion : a) – L’État doit payer les primes et avantages en nature promis pour solde de tout compte, et exiger en contrepartie le départ de l’armée des éléments qui en bénéficient, pour qu’ils se consacrent désormais à leurs affaires privées avec ce qu’ils auront reçus.  B) – L’État doit impérativement s’expliquer sur ses engagements devant la représentation nationale et l’opinion publique. À défaut de convaincre une enquête doit être ouverte. C) – Il faut revoir la dotation d’armes, elle ne doit plus être personnelle et systématique. Il convient de n’en fournir qu’à l’occasion des missions commandées.
 
3 -  Des faiblesses de la hiérarchie militaire et du Pouvoir
 
À des degrés différents,  aucune armée n’est dans l’absolu, totalement épargnée par des mouvements de révoltes internes. Ceux-ci restent le plus souvent contenus par le commandement, et,  habituellement,  jamais ils ne s’élèvent contre l’autorité de l’État et ne prennent tout le pays en otage, sauf encore en Afrique. Nous avions déjà souligné dans un article précédent, la faiblesse du renseignement militaire, le manque d’anticipation, de réactivité et d’engagement de l’encadrement militaire. Faut-il penser que le contexte militaire (l’état lamentable des conditions de vie et des équipements, la division de l’armée en catégories de privilégiés et de non privilégiés, le phénomène de fraternisation entre soldats ayant combattus du même bord politique ou ayant partagés la même expérience au front, la fuite des informations secrètes lors des opérations, l’absence de forces d’intervention pouvant jouer un rôle dissuasif) favorise cette insubordination ?
 
De prime abord, la désobéissance est la conséquence de l’impunité (absence de sanction des principaux instigateurs et meneurs de la fronde), nous reviendrons sur cet aspect plus tard. Ensuite, ces mouvements de révolte interviennent en réaction au manque de communication du Gouvernement. Quand un employeur pour une raison ou une autre, ne peut pas honorer ses engagements en temps et en heure, il doit prendre les devant pour s’excuser, expliquer les raisons de son retard et rassurer. À défaut, il donne le sentiment de mépriser son personnel et, parfois de vouloir « le rouler dans la farine  » (lassitude d’une attente qui se prolonge indéfiniment, sans aucune information). Enfin, la chaîne de commandement ne doit pas agir dans le seul souci d’être accepté et épargné par les mutins (égo, carriérisme). C’est une démission, un manque de loyauté et d’autorité réelle (faux respect). Elle doit pouvoir tenir ses troupes. C’est son obligation et son rôle. Son opposition aux mutineries est jusqu’à présent trop timide et  complaisante, elle n’est pas loin de la complicité passive. La hiérarchie n’est pas un organe de médiation, même si elle use du dialogue, entre autres méthodes,  pour parvenir à ses fins.
 
Conclusion : A) - Le commandement doit s’impliquer davantage dans la répression de la désobéissance, et user de tous les moyens à sa disposition pour l’étouffer dans l’œuf. B)- L’État ne doit pas jouer l’horloge, attendre le pourrissement des situations pour réagir. Il doit prendre les devants lorsqu’il n’est pas en mesure de remplir ses obligations. Gouverner c’est prévoir et savoir anticiper. C) – L’État a l’obligation d’honorer les termes de ses engagements. Il doit payer sans attendre les mutins de l’armée régulière pour solde de tout compte et les radier en même temps des effectifs, pour faute lourde (rupture de la confiance, péril de l’institution, trahison de la République, inexécution de la clause contractuelle de l’engagement militaire). D) L’État devra rendre compte à la Nation des circonstances dans lesquelles ces engagements ont été pris et dans quel but. Faute de le faire de manière satisfaisante, une enquête parlementaire ou judiciaire devra être ouverte pour situer les responsabilités. E) J’invite mes frères militaires, conformément à leur engagement et à leur obligation professionnelle à réserver leur fidélité et leur solidarité à la Nation et à la République, et non à leurs frères d’armes, même si cela leur paraît difficile au niveau des sentiments. Ils doivent les surpasser pour accomplir leur devoir. F) – L’institution doit accroitre la formation en son sein (formation continue), notamment en direction des nouvelles recrues issues des processus DDR, pour compléter leur formation initiale, qui reste insuffisante à l’évidence.
 
SOUMAREY  Pierre
 



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