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RDC : l'assassinat des deux experts de l'ONU confirme la dérive du pays

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La découverte des corps de Zaida Catalán et Michael Sharp, ainsi que de leur interprète Betu Tshintela, disparus le 12 mars alors qu'ils enquêtaient sur des fosses communes dans la province du Kasaï en République démocratique du Congo, sonne comme un avertissement.

«Le corps de la femme a été décapité, celui de l’homme est entier», a précisé Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, juste après la découverte mardi des corps des deux experts de l’ONU, la Suédoise Zaida Catalán, 37 ans, et l’Américain Michael Sharp, 34 ans, ainsi que de leur interprète congolais Betu Tshintela. Tous trois avaient disparu le 12 mars, en compagnie de trois conducteurs de motos taxis (qui pour l’instant n’ont pas été retrouvés) alors qu’ils se trouvaient sur une route de forêt du Kasaï, vaste province au sud d’un pays gigantesque, la république démocratique du Congo (RDC).
Jusqu’à récemment, cette région semblait épargnée par les violences et les conflits qui ont émaillé l’histoire de la RDC ces vingt dernières années. Mais désormais, il va bien falloir placer le Kasaï sur la carte des régions troublées du monde : l’assassinat inédit de deux Occidentaux, dont l’un décapité, sans qu’on sache encore si cet acte barbare a occasionné la mort ou l’a suivi, ne fait que renforcer l’impression de péril dans un pays, grand comme l’Europe de l’Ouest, qui semble en passe de sombrer tout entier dans le chaos et n’a de «démocratique» que le nom.

Un défi supplémentaire pour l’ONU

Zaida Catalán et Michael Sharp travaillaient pour l’ONU, très impliquée dans le destin de la RDC depuis 1999, quand a été mise en place la Monusco, la plus coûteuse mission onusienne de la planète (près de 930 millions d’euros par an et 19 000 soldats ou policiers déployés). Avec des résultats pourtant plutôt mitigés, l'avenir de la Monusco était justement au menu d'une séance de l'ONU ce mercredi à New York. Ce débat sur son renouvellement a depuis été reportée à jeudi ou vendredi, alors que le pouvoir à Kinshasa plaide pour une diminution des contingents présents dans le pays. A l’heure du bilan, l’assassinat des deux experts sonne surtout comme un défi supplémentaire pour l’ONU  dont les troupes sont souvent accusées de passivité face aux massacres récurrents qui endeuillent le pays.
Michael Sharp et Zaida Catalán «ont perdu la vie en essayant de comprendre les causes du conflit et de l’insécurité en RDC, afin d’aider à ramener la paix dans ce pays», a aussitôt déclaré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un communiqué.
Les deux experts assassinés ne faisaient pas partie de ces contingents de Casques bleus, cibles de toutes les critiques. Ils enquêtaient en toute indépendance au sein des «groupes d’experts» mis en place en 2004 pour répertorier les innombrables atteintes aux droits de l’homme et les exactions contre les civils, pris en étau entre des milices et guérillas diverses et les troupes des forces armées congolaises, FARDC, souvent tout autant redoutées que les bandes armées.

Fosses communes

Depuis juin, le Kasaï est entré à son tour dans cette danse mortifère. C’est à cette date qu’un chef traditionnel local, Kamuina Nsapu, décide de lever une milice pour combattre les représentants de l’Etat et les institutions, accusés de prédation massive sur la population locale.
A la mi-août, Kamuina Nsapu est tué lors d’une opération de l’armée. Mais loin de calmer le jeu, sa mort enclenche un nouveau cycle de violences lorsque ses héritiers reprennent le flambeau. Depuis la mort du chef traditionnel, 400 personnes ont ainsi perdu la vie au Kasaï central et plus de 200 000 autres ont dû quitter leurs maisons.
 
En février, une vidéo amateur montrant des soldats de l’armée tirant sur une foule désarmée avait suscité une certaine émotion. Après avoir contesté la réalité de ces images, le gouvernement avait brusquement fait machine arrière et nommé une commission d’enquête locale. Sept militaires ont été arrêtés le 18 mars. Mais les autorités, qui contestent souvent le travail des experts de l’ONU, ont toujours refusé la mise en place d’une commission d’enquête internationale pour investiguer dans le Kasaï.
Lors de la découverte des premières fosses communes, Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, estimera que les miliciens de Kamuina Nsapu y avaient enterré leurs propres combattants et niera toute responsabilité des forces armées, en interrogeant : «Pourquoi les soldats cacheraient-ils la vérité ?». 

«Forces négatives»

La vérité, c'est justement ce que recherchait les deux experts de l'ONU qui se déplaçaient toujours sans prévenir les autorités locales. Arrivés cinq jours avant leur disparition à Kananga, capitale de la province, Michael Sharp et Zaida Catalán devaient vraisemblablement penser que leur statut d’experts de l’ONU valait immunité et les protégerait, lorsqu’ils ont décidé de partir, en motos taxis par la piste, pour enquêter sur des rumeurs de charniers, qui auraient été découverts quelques jours plus tôt.
C’est précisément en route vers le sud de la province, en allant vers la localité de Tshimbulu, où depuis leur disparition au mois huit fosses communes ont été découvertes, que les deux experts et leurs comparses congolais ont soudain disparu. Dès l’annonce de ces disparitions, le gouvernement du président Joseph Kabila a immédiatement mis en cause «des forces négatives», expression qui en RDC désigne toutes les guérillas et milices opposées au pouvoir central.
Lequel se retrouve aujourd’hui contesté de toutes parts. Et d’abord à Kinshasa, la capitale, où la veille de la découverte des corps, lundi, les évêques de la Conférence épiscopale ont jeté l’éponge face à l’impossibilité d’arriver à un accord négocié entre l’opposition et la majorité présidentielle, qui s’accroche au pouvoir après avoir annulé les élections prévues en décembre. Mais les atermoiements d’une opposition divisée, surtout depuis le décès à Bruxelles le 1er février, de son chef historique, Etienne Tshisekedi, ne font que renforcer l’impasse politique, alors que les troubles dans les provinces, au Kasaï mais aussi dans l’Est, prennent une tournure inquiétante.

«Répression en cours»

Vendredi, au moment même où des guerriers traditionnels Maï Maï incendiaient des maisons dans la région de Beni, à l’est du pays, les corps de 39 policiers décapités étaient retrouvés au Kasaï. Selon les autorités, ils auraient été attaqués par les miliciens de Kamuina Nsapu qui n’auraient épargné que six d’entre eux : ceux qui parlaient la langue locale. Le porte-parole du gouvernement a quelque peu brutalement annoncé mardi qu’«une répression [était] en cours» en réagissant pour la première fois à ces décapitations massives. Le même jours des tirs auraient été entendus à Kananga, mais on ne sait toujours pas si la décapitation de Zaida Catalán est censée «signer» le crime en l’attribuant au groupe Kamuina Nsapu, ou s’il s’agit d’une mise en scène. 
Maria Malagardis



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