publicité

Societe

Pourquoi une politique économique efficace doit-elle s’accompagner d’un débat démocratique ?

Publié le :

L’importance du débat démocratique public dans la problématique du développement est une question fondamentale dans nos jeunes démocraties africaines confrontées à l’urgence de la modernisation économique. Relativement à cette fin qui semble plutôt en appeler à l’action efficace qu’à la parole, discussions et controverses ne sont-elles pas une perte de temps ? Le bon sens ne conseille-t-il pas de s’en remettre au savoir-faire et à l’expertise  d’un gouvernement de technocrates plus qualifiés pour mener à bon port  le train du développement dans une économie mondialisée et complexe ? Au lieu d’impliquer le peuple, le débat démocratique ne doit-il pas se limiter aux querelles des experts et aux controverses des scientifiques du développement ? Ne faut-il pas suivre Joseph Schumpeter lorsqu’il définit la démocratie comme libre choix d’une  équipe de gouvernement d’experts chargés de décider pour le peuple  et de trouver des solutions rationnelles à ses problèmes ?
L’histoire nous oblige à révoquer cette conception oligarchique de la démocratie. Elle fut celle des régimes autocratiques. Ces régimes échouèrent à produire le développement endogène en raison de la déficience de la représentativité sociale de l’Etat, et de la confiscation de la parole politique par ce dernier. Le sous-développement fut la conséquence de l’indifférence des acteurs politiques aux demandes des acteurs sociaux, de la négation de la controverse et du débat publics, de l’absence de contrôle de l’Etat par la société, autant dire de la démocratie.
Le développement semble au contraire procéder du débat public, de la représentativité sociale des acteurs politiques et de la limitation du pouvoir par les droits fondamentaux individuels et collectifs qui permettent de transformer l’Etat en serviteur du bien commun. L’histoire montre que les dictatures, les autocraties et les démocraties purement électoralistes qui continuent de soumettre la société à l’Etat génèrent toujours nécessairement du sous-développement. Elles réussissent, au mieux, à produire  de la croissance sans développement tandis que les démocraties substantielles qui soumettent l’Etat aux demandes de la société produisent, quant à elles, de la croissance et du développement endogène.
Il semble donc que le débat public, la contestation, l’interpellation du pouvoir, la liberté de parole,  la défense corporatiste des intérêts soient les conditions de possibilité du développement endogène. Celui-ci semble procéder de la gestion politique du conflit social, de la synergie qui s’établit entre l’Etat et la société à travers un système politique autonome permettant d’arbitrer impartialement le conflit social, d’harmoniser les intérêts particuliers et l’intérêt général. Il provient de la capacité de l’Etat démocratique à réaliser l’intégration des acteurs sociaux et des acteurs économiques. Le développement endogène semble être la conséquence du débat public et de la critique qui permettent d’utiliser socialement la modernisation économique.
Le mystère du mal développement, de la croissance paradoxale de la pauvreté dans les nouvelles démocraties africaines à forte croissance économique, s’expliquerait donc par la nature purement électoraliste de ces démocraties, par l’inefficience et par la déficience du débat public citoyen qui ne parvient pas à régenter les choix politiques et économiques de l’Etat. Il provient du déséquilibre entre les composantes du développement, entre l’investissement et la redistribution, de l’absence de médiation entre les acteurs sociaux et les opérateurs économiques et l’Etat. Il est la conséquence de la rupture entre les forces de la particularité et le pouvoir de la généralité. Le sous-développement est causé par la crise du débat démocratique.
Le développement endogène n’est pas seulement qu’une politique économique efficace. C’est aussi un ensemble de rapports sociaux. « Le développement se définit comme gestion politique des tensions sociales entre l’investissement économique et la participation sociale » souligne Alain Touraine. « Il n’y a pas de développement sans gestion ouverte des tensions entre investissement et répartition » car ces deux composantes du développement endogènes sont à la fois complémentaires et contradictoires. Accorder un privilège excessif à l’investissement pour favoriser l’accumulation du capital et soutenir la croissance peut ouvrir la porte à la spéculation au détriment du développement, tandis qu’une priorité excessive accordée à la redistribution peut affaiblir l’investissement. Il n’existe cependant aucune règle technique permettant de combiner proportionnellement ces deux exigences. La décision qui permet d’équilibrer ces composantes est toujours politique. Et elle est légitimée par l’ouverture et la publicité du processus politique qui doit la produire.
Le développement endogène apparait donc comme étant la conséquence du débat démocratique qui permet d’intégrer les acteurs sociaux et économiques du développement, de réaliser la médiation entre ceux-ci et l’Etat. Il procède de la complémentarité entre une politique économique efficace et la vivacité du débat démocratique qui anime l’espace public. Cet espace public démocratique, est toutefois l’antithèse d’une tribune démagogique et populiste d’imprécations qui instrumentalisent politiquement les conflits sociaux et en appellent à l’insurrection. Le forum du débat démocratique, c’est précisément l’ensemble constitué par les médias, par les initiatives critiques des intellectuels, par les « institutions démocratiques et les mécanismes de prises de décisions reconnues comme légitimes » qui permettent d’articuler la société avec l’Etat, d’accorder les forces de la particularité avec le pouvoir de la généralité. Le forum du débat démocratique est la médiation institutionnelle qui permet d’utiliser socialement la modernisation économique et de produire, par ce fait, le développement endogène.
Dr Alexis Dieth
Professeur de philosophie



publicité

FIL INFO

18 avril 2024

Nord-Kivu : trois personnes déplacées tuées en une semaine dans le Nyiragongo

18 avril 2024

Bénin: le président Patrice Talon choisit le patron des renseignements comme envoyé spécial en Haïti

18 avril 2024

Foire commerciale intra-africaine 2025 : L'Algérie signe l'accord d'accueil

18 avril 2024

Sénégal.Secteurs public et parapublic : Des appels à candidatures bientôt lancés pour certaines hautes fonctions

18 avril 2024

Vote samedi à la Chambre américaine des représentants sur l’aide à l’Ukraine et Israël



Fanico

Lamine KANE. 13 février 2024
Conte des faits renversants
Valer St Clair 9 février 2024
CAN : Non aux courses d'autorités sur la pelouse !
Dr. Yalamoussa Coulibaly 6 février 2024
Diversité de noms chez les Sénoufo
Emmanuel Koffi 17 janvier 2024
Lettre ouverte au Premier Ministre Robert Beugré Mambé

publicité