M. Hollande a pris tout le monde de court en donnant sa décision dès le premier jour de l’ouverture des candidatures à la primaire de la gauche. Pour justifier sa décision, il a d’abord commencé par dresser un bilan très positif de son quinquennat, « revendiquant les avancées » qu’il estime avoir permises par sa politique en France. « Je porte un bilan et j’en assume toute la responsabilité. » « J’ai voulu que notre modèle social puisse être conservé », a-t-il ajouté.
Pendant les quelques minutes qu’a duré son discours, il a entretenu une dernière fois le doute sur sa décision finale. Il a notamment estimé avoir rempli son principal engagement, celui sur l’emploi – « depuis le début de l’année, le chômage diminue » – tout en concédant avoir remporté cette bataille trop tard. Il a aussi mis en avant la lutte contre le terrorisme : « Nous avons tenu bon, et j’ai pris les mesures nécessaires, sans jamais remettre en cause nos libertés. » Il s’est en revanche livré à un mea culpa sur la question de la déchéance de nationalité, qui devait lui permettre de préserver « la cohésion nationale », mais qui a surtout divisé son camp.
A ce stade de son allocution, tout laissait presque à penser qu’il avait décidé de se représenter. Comme si, une dernière fois, François Hollande avait décidé de profiter de son statut de maître du jeu. Mais, prenant acte de son incapacité à rassembler la gauche, il a fini par annoncer son renoncement. « Je ne peux me résoudre à la dispersion de la gauche, à son éclatement », a-t-il lancé. « Pour ma part, je ne suis animé que par l’intérêt supérieur du pays. Le pays, depuis plus de quatre ans et demi, je l’ai servi avec honnêteté (…). Aujourd’hui je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. »
Intentions présidentielles
Cette décision de François Hollande met fin à un feuilleton qui est monté en régime ces dernières semaines, mais qui en réalité dure depuis plusieurs mois. La candidature du chef de l’Etat n’était plus une évidence au sein de sa propre majorité. L’autorité du président avait été remise en cause à plusieurs reprises. L’année 2016 avait très mal commencé pour lui, avec l’épisode, donc, de la déchéance de nationalité, finalement abandonnée, et celui, catastrophique au sein de la gauche, de la loi travail.
François Hollande devait engager à la rentrée en septembre une nouvelle dynamique avec une série de discours marquants et de déplacements en France. Mais la sortie du livre de confessions Un président ne devrait pas dire ça…, des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, a marqué un coup d’arrêt. L’ouvrage a surtout provoqué une réaction de rejet au sein des troupes socialistes, qui n’ont pas compris les intentions présidentielles.
Le divorce semblait dès lors prononcé. La pression exercée par Manuel Valls ainsi que le « lâchage » opéré par certains de ses proches – Michel Sapin ou encore Jean-Yves Le Drian – a fait le reste. François Hollande a assuré à la fin de son discours qu’il achèverait bien son quinquennat : « Mon seul devoir est de diriger mon pays, en m’y consacrant pleinement. »
Jeudi, Arnaud Montebourg avait déclaré qu’une candidature de François Hollande qui ne passerait pas par la primaire ouverte du PS pour la présidentielle signifierait la fin de ce parti. Plusieurs autres personnalités proches de la gauche ont décidé de se lancer dans la course à l’Elysée sans passer par la primaire : Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, Sylvia Pinel. La « grande convention nationale de la Belle Alliance populaire » se déroule samedi après-midi à La Villette, à Paris. Le premier ministre, Manuel Valls, y interviendra.
Sur le papier, le but de cette réunion publique où 2 000 à 3 000 personnes sont attendues est de riposter collectivement au « programme conservateur » de la droite, une semaine après l’élection de François Fillon à la primaire, selon Rachid Temal, secrétaire national du PS à la Coordination et à l’Organisation. Mais l’on guettera surtout les moindres inflexions présidentielles dans le discours du premier ministre.
Si le week-end passé avait été marqué par une offensive de M. Valls, François Hollande avait voulu reprendre la main lundi lors d’un déjeuner sous haute tension entre les deux têtes de l’exécutif, au cours duquel « le président n’a jamais dit qu’il ne serait pas candidat », selon un proche de M. Hollande.
Les deux hommes ont ostensiblement mis en scène leur entente mercredi avec une poignée de mains en sortie de Conseil des ministres, sans faire oublier le climat délétère qui règne entre eux. Mais la crainte existait dans l’entourage du chef de l’Etat que Manuel Valls « saisisse l’occasion d’une salle en attente » samedi pour franchir une nouvelle fois la ligne jaune et faire un pas de plus vers une candidature.
Le premier ministre sera en tous cas bien encadré par des ministres fidèles au chef de l’Etat dépêchés sur place : Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Stéphane Le Foll, Emmanuelle Cosse et Jean-Vincent Placé défileront à la tribune. De son côté, le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a déminé le terrain : « L’objet, c’est le gauche-droite, et je crois que personne n’a intérêt et ne souhaitera s’en émanciper », a-t-il assuré.
La campagne pour la primaire de la gauche débute officiellement jeudi 1er décembre, mais les candidats ont jusqu’au 15 décembre pour se déclarer.
Coorganisé par le Parti socialiste (PS) et trois groupes écologistes progouvernementaux (L’Union des démocrates et des écologistes, le Front démocrate et le mouvement Ecologistes !), le scrutin aura lieu les 22 et 29 janvier.
Le 17 décembre, la Haute Autorité des primaires citoyennes annoncera la liste des candidats remplissant les conditions et ayant réuni les parrainages nécessaires à leur participation.
Après un quinquennat de tumulte, ce jeudi 1er décembre, François Hollande s’est enfin acheté quelques mois de sérénité.