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Parlez-vous le camerounais?

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Au Cameroun, pays majoritairement francophone, la langue française s’est enrichie des couleurs et des sonorités locales, pour devenir un idiome que, parfois, seuls les initiés peuvent comprendre et parler. Petit lexique pour éviter les quiproquos.
 
La moiteur qui fouette le visage lorsque vous atterrissez à l’aéroport international de Yaoundé, la capitale du Cameroun, en dit long sur le choc thermique qui vous accompagnera pendant votre séjour.
 
En cette période de juillet-août, la saison des pluies est à son apogée, mais il fait une chaleur intenable dans les couloirs qui mènent aux formalités de police. Et vous transpirez à grosses gouttes malgré votre belle tenue d’été, qui d’ailleurs vous attirera, une fois sorti de l’aérogare, des commentaires envieux de jeunes filles venues accueillir quelque parent ou ami:
 
«Le mbenguiste là est chaud hein!», entendrez-vous par exemple. Mais n’y voyez aucune allusion à la chaleur tropicale de Yaoundé, comprenez-y plutôt que les jeunes filles admirent votre style vestimentaire de mbenguiste, c’est-à-dire de mec vivant en Mbèng (terme générique pour parler de la France ou de l’Europe).
 
Ce petit compliment —oui, c’en est un— ne manquera d’ailleurs pas de vous faire plaisir après les tracasseries que vous aurez dû surmonter depuis votre arrivée. Il vous fera oublier le parcours du combattant que représentent les formalités d’entrée dans le pays, pour un touriste français d’origine camerounaise qui aura eu le malheur de ne pas se munir d’un visa au départ de Paris.
Il faut «bien» parler
 
    «N’est-ce pas c’est vous? Vous avez le bordeaux, non? Mais si tu n’as pas le visa, tu n’entres pas», vous dira vertement l’agent de la Police des frontières, pour expliquer que votre bordeaux (le passeport de l’Union européenne) n’est pas un sésame.
 
Pourtant, il est bien prévu sous certaines conditions de payer son visa sur place, à l’aéroport. Les justifications selon lesquelles vous avez dû prendre l’avion illico presto pour des raisons professionnelles n’y feront rien.
 
«Est-ce que je parle avec l’eau dans la bouche?», répondra la policière, avachie derrière son comptoir. Une manière de dire qu’elle ne le répétera pas deux fois. Mais en de pareilles négociations ardues, ne vous tapez pas le corps (ne vous tracassez pas): «Le Cameroun, c’est le Cameroun», rien ne s’y fait comme ailleurs et vous finirez bien par vous entendre.
 
De fait, au bout d’une bonne grosse heure, lasse de vous voir sous son nez, elle finira par vous lâcher:
    «On fait comment alors? Parle bien!»
 
Cette question et cette injonction ne veulent dire ni que votre interlocuteur ne sait pas quoi faire ni que vous vous exprimez mal. «Bien parler» au Cameroun signifie tout simplement que votre interlocuteur vous demande un bakchich.
 
Et de manière générale, lorsque vous arrivez de Mbèng, tout le monde considère que vous êtes «en haut», c’est-à-dire que vous êtes une personne comblée, heureuse et sans aucun souci matériel. On peut aussi pensez que vous êtes «lourd». N’y voyez rien d’insultant ni de péjoratif. C’est que pour les Camerounais, quand on vit chez les Wat (les blancs), on a forcément beaucoup d’argent.
 
Ce malentendu peut d’ailleurs vite vous faire passer pour un Bamenda —du nom de cette ville du Nord-Ouest anglophone dont les ressortissants, réputés pour leur naïveté, se font souvent avoir par les autres Camerounais. Vous pouvez même être pris pour un gibier, c’est-à-dire vous faire «frapper» (ou fey, c’est la même chose), par un chauffeur de taxi qui cherchera à vous escroquer en vous faisant payer le double ou le triple d’une course de l’aéroport pour le centre-ville, qui ne coûte pourtant en moyenne que 5.000 francs CFA (7,62 euros).
Je te verse où?
 
Après avoir compris que vous n’êtes pas un mboutoukou, en gros qu’on ne vous la fait pas, le taximan va «attacher la bouche» (faire une moue boudeuse) pendant tout le trajet, avant de demander: «Je te verse là?».
 
Ne prenez pas peur, il n’est pas en train de vous demander si vous êtes d’accord pour qu’il vous éjecte du véhicule alors qu'il roule encore. Le chauffeur de taxi veut simplement s’assurer que vous êtes bien arrivé à destination. Il vous «versera» donc à votre hôtel, en vous faisant bien remarquer, encore énervé de n’avoir pas pu vous «frapper»:
 
    «Toi là, tu te crois trop hein.»
 
Traduisez: vous n’êtes qu’un fanfaron, un frimeur qui se prend pour un Wat, alors que vous êtes un Kamer (Camerounais ou d’origine camerounaise) comme lui. De la même façon, il aurait pu vous dire aussi que «vous aimez entendre» (c’est pareil que «se croire trop»). Tout ceci en pensant vous avoir «terminé», c’est-à-dire bien remis à votre place.
 
 
Mais comme vous êtes «une ampoule grillée qui ne craint pas le court-circuit», vous vous sentez prêt à affronter n’importe quelle situation et votre séjour au Cameroun peut se poursuivre.
 
Parce que, de toutes les façons, «ce n’est pas ça qu’on mange». En gros, vous vous en foutez. Vous apprendrez très vite aussi que vous auriez pu répondre au chauffeur de taxi en colère: «Je ne donne pas le lait». Cette expression est d’ailleurs l’une des plus utilisée ces dernières années.
C'est comment?
 
Comme dans tous les cas, «votre estomac lance des insultes» (vous commencez à avoir faim), vous allez assez rapidement «quitter derrière les problèmes» (éviter la dispute) et aller vous détendre à l’hôtel.
 
Avant de passer des coups de fil à de vieilles connaissances avec lesquelles, immanquablement, vous irez «commander un oiseau» (manger du poulet) dans un «circuit» ou «chantier», ce qu’on appelle aussi «maquis» en Côte d’Ivoire; ces restaurants souvent clandestins tenus par des particuliers.
 
Les retrouvailles avec ces amis camerounais peuvent d’ailleurs être tout un poème:
 
Oh! Mon joueur, c’est comment?, vous entendrez-vous dire en criant. «C’est comment» est systématiquement utilisé en guise de salutation, et «mon joueur» signifie que la personne a de l’estime pour vous ou quelque attente; la flatterie n’est jamais loin.
 
Je suis là!, pourriez-vous répondre, feignant de ne pas vous porter si bien que ça. Sait-on jamais, des fois qu’on penserait que vous êtes effectivement «en haut».
 
Laisse-nous ça! Nous ici, le dehors est dur. En gros, personne ne vous croit et vous ne pouvez pas être plus fauché que les gens là-bas. Forcément, puisque vous êtes un mbènguiste.
 
Et vu comme c’est parti, vous allez devoir «gérer» vos amis toute la soirée (leur payer des coups), puisque vous n’avez rien ramené dans votre valise pour leur cadeauter (offrir).
 
Ce qui ne les empêchera pas de vous «arrêter aux pieds», c’est-à dire de trouver que vos chaussures son jolies et que vous les leur laisserez avant de partir. D’ailleurs, vous pouvez être sûr que tout au long de votre séjour, aussi court soit-il, ce sera «ton pied, mon pied». Personne ne vous lâchera d’une semelle. Ils essaieront de vous «rythmer» (accompagner) partout où vous voudrez aller. Après tout, vous êtes leur «joueur».
On est ensemble!
 
Car au Cameroun, cela peut wanda (étonner) l’étranger qui débarque: «quelqu’un est toujours quelqu’un derrière quelqu’un». En gros, vous avez la quasi-obligation de faroter tous ceux qui sont autour de vous, un peu comme le capitaine des Lions indomptables Samuel Eto’o, qui distribue des billets de banque à tour de bras, où qu’il se trouve.
 
Et comme vous n’êtes ni un bao ni un capo (riche), vous vous contenterez simplement de les faire champicoter (boire du champagne) en boîte; ce qui leur donnera des «points» (les mettra en valeur) devant des «petites» (les filles), sur lesquelles ils auront «mis l’œil», entendez qui leur auront tapé dans l’oeil .
 
Car au Cameroun, la mignoncité (l’élégance) est un sport national, tout comme la sape sur les deux rives du fleuve Congo.
 
Mais comme votre séjour ne fait que commencer et qu’il se fait déjà bien tard, vous allez prendre congé de vos amis, histoire d’être en forme pour le lendemain. Et ceux-ci, oubliant un temps leur promesse de ne pas vous lâcher d’une semelle, vous répondront en guise d’aurevoir: «On est ensemble!»
 
Raoul Mbog



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