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Societe

Cinq ans après, tuer Mouammar Kadhafi était une erreur

Publié le :

Le pays est toujours plongé dans le chaos, cinq ans après la chute de l'ex-dictateur libyen le 20 octobre 2011.
Cet article est paru sur Slate.fr le 24 octobre 2011. Nous le republions ce 20 octobre à l'occasion des cinq ans de la mort de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi
                                 
Cédant à un sentiment d’écrasante impuissance et de vague absurdité, j’ai emprunté un iPad jeudi après-midi pour envoyer mon tout premier message avec cet outil. Il était adressé à l’un des ces distingués Français qui ont demandé le plus activement à la communauté internationale de déloger Mouammar Kadhafi de sa position de crapaud obscène dans laquelle, pendant plus de quarante ans, il s’est étalé sur la vie du peuple libyen. Je vous en prie, ai-je écrit, intercédez auprès de vos amis du Conseil National de Transition, ainsi qu’auprès du quelconque tribunal révolutionnaire qui sera constitué, pour faire cesser le meurtre de la famille Kadhafi et assurer un passage en douceur au banc des accusés de la Haye à ceux qui sont déjà inculpés de crimes contre l’humanité.
Une élimination implicitement souhaitée
Plutôt simple? Cela fait un moment que la Cour pénale internationale de La Haye a annoncé qu’elle était prête à se charger des affaires de la Libye. Mais aujourd'hui Mouammar Kadhafi est mort, ainsi, paraît-il, que l’un de ses fils, Mouatassim [information confirmée depuis la rédaction de cet article, ndt], et pas un mot sur la légalité ou la décence de toute cette affaire n’a encore été proféré. Aucun porte-parole libyen n’a même fait allusion au tribunal dans les annonces de la fin répugnante du dictateur.
Le président des États-Unis a tenu un discours qui laissait entendre que l’éventualité d’un acte d’accusation n’avait même jamais été évoquée. Et il a été en cela parfaitement suivi par sa secrétaire d’État, de retour d’un déplacement en Libye, qui s’est contentée de quelques joyeuses saillies, remarquant notamment que la transition serait facilitée si Kadhafi venait à mourir. Le Premier Ministre britannique David Cameron, qui a pourtant trouvé le temps de mentionner les victimes internationales des années de terreur de Kadhafi, a lui aussi omis de mentionner la possibilité d’un procès.
Cet accord tacite, entre autres, me convainc qu’aucune sorte de consigne générale n’a jamais été donnée aux forces qui resserraient leur étau sur Kadhafi dans sa ville natale de Syrte. Aucune instruction du genre: tuez-le si c’est absolument nécessaire, mais essayez de l’arrêter et envoyez-le (avec d’autres nommément cités, que ce soit des membres de sa famille ou pas) aux Pays-Bas. En tout cas, il semble certain que si un ordre de ce style a été formulé, il ne l’a pas été très fermement.
Entre désir de vengeance et reconstruction saine
Alors que s’achève un régime obscène, qui a notamment montré qu’il préférait détruire la société et l’État plutôt que de renoncer au pouvoir, il est très naturel que le peuple aspire à une sorte d’exorcisme. Il est satisfaisant de voir le cadavre du monstre et de s’assurer qu’il ne pourra pas revenir. Il est également rassurant de savoir qu’il n’existe pas de chef de file haineux vers lequel un quelconque genre de résistance «loup-garou» pourrait converger pour perpétuer souffrances et atrocités. Mais lorsqu'il a été tué, Kadhafi était blessé et hors d’état de nuire, et à la tête d’un petit groupe de racailles terrifiées.
Il était incapable de résister d’une quelconque façon. Et tous les résultats positifs que j’ai évoqués ci-dessus auraient pu être obtenus en s’employant tout simplement à l’envoyer à l’hôpital, puis en prison et de là à l’aéroport. En effet, un petit séjour de Kadhafi sur le banc des accusés aurait sûrement beaucoup contribué à renforcer l’impact positif, car les illusions des pauvres âmes égarées qui lui faisaient encore confiance n’auraient pas survécu à l’étalage, même pour quelques heures, des divagations du fou devant la cour.
Et voilà donc que naît la nouvelle Libye, dont la venue au monde est marquée par un lynchage sordide. Les correspondants des médias n’ont pas caché un certain enthousiasme pour l’esprit de tolérance générale montré par les rebelles à l’endroit des fidèles de Kadhafi et de leurs biens. Ce qui rend encore plus regrettable que ce principe n’ait pu être honoré au moment où il aurait été le plus crucial. Alors que j’écris ces lignes,Saïf-al-Islam Kadhafi, l’un des fils de Mouammar, serait encore en liberté. Cela serait une véritable honte s’il était également tué sans autre forme de procès, ou si au moins le CNT et la communauté internationale ne rappellent pas à leurs soldats qu’il doit être légalement arrêté.
Ce qu'un jugement aurait pu apporter et éviter
Mon intention n’est pas de manifester une sympathie excessive à l’égard de Saïf ou d’autres personnes recherchées. Mais lui, tout particulièrement, est le dépositaire d’une somme énorme d’informations potentiellement utiles, sur la nature du régime déchu et peut-être même sur des cachettes recelant du matériel stratégique—sans parler des immenses sommes d’argent, propriété de plein droit du peuple libyen. Il serait criminel, dans tous les sens du terme, de participer à cette destruction de preuves. Et je me dois de préciser que l’utilité de Kadhafi-père dans le domaine encore sous-développé de l’étude de la mégalomanie n’avait pas de prix. Et pourtant, ses innombrables victimes n’auront pas d’autre satisfaction que de voir un personnage ensanglanté et divaguant, traité avec brutalité et en pleine panique, dont les souffrances ont été abrégées par un tir qui n’a absolument rien apporté à la sécurité du pays.
J’étais en Roumanie le jour où Nicolae et Elena Ceausescu ont été hâtivement exécutés, et à Mossoul la veille de celui où Oudaï et Qousaï Hussein ont été pris au piège, mitraillés et fatalement bombardés dans une maison sans issue. Dans les deux cas, le soulagement éprouvé par la population était palpable. Il ne fait aucun doute que l’élimination publique des vieux symboles de la torture et de la peur a un effet émancipateur, en tout cas à court terme.
Mais je dirais que ses bénéfices diminuent rapidement, ce qui est devenu évident en Irak quand les acolytes peu raffinés de Moqtada al-Sadr ont été chargés de conduire l'exécution de Saddam Hussein. Les cicatrices sectaires de cet épisode aussi sordide que bâclé sont encore apparentes, et je serais fort surpris que le même genre de ressentiment ne soit pas né chez de nombreux Libyens jeudi dernier. Il est trop tard pour réparer. Mais il serait honteux que la famille Kadhafi continue d’être décimée, et insultant que l’assignation à La Haye reste ignorée.
Par Christopher Hitchens
 



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