Le bloc identitaire ivoirien appelle au boycott du référendum et manifeste pour « demander le retrait pur et simple de la nouvelle constitution » parce que l’éventuelle consécration de cette nouvelle constitution par le référendum légitimerait la République et la citoyenneté que la constitution du 1er Aout 2016 permet de récuser. Tel est le fond du problème. Le reste n’est que décorum destiné à faire diversion.
L’appel à la « marche du refus de l’humiliation du peuple » selon l’expression de Mr Mamadou Koulibaly, propriétaire du LIDER est, en réalité, une marche du refus de la République et de la citoyenneté par le bloc identitaire ivoirien qui a convoqué à cet effet le peuple ethnique. Cette manifestation, cet appel au boycott et même à l’empêchement du référendum, ne sont pas ceux d’une gauche républicaine soucieuse du respect de l’égalité démocratique et des intérêts du plus grand nombre. Le groupe partisan qui manifeste ce 20 Octobre 2016 est un groupe d’extrême droite dissimulé sous un manteau de gauche, un camouflage que trahit son discours et son parti-pris identitaire.
Les partisans ivoiriens d’une conception ethniciste de la nation, conception qui n’a rien à envier à celle des blocs identitaires d’autres pays du monde, proclament leur refus de la République et de l’égalité dans la rue ; à cette différence près que ces derniers le font à visage découvert alors que les partisans ivoiriens de la conception identitaire de la nation refusent la République, la démocratie, l’égalité et la liberté en se dissimulant derrière les slogans de République et de démocratie constitutionnelle, de liberté et d’égalité pour faire diversion.
Le jeudi 20 Octobre 2016, les diverses composantes du bloc identitaire ivoirien manifesteront donc pour appeler à rejeter le référendum qui doit restaurer légalement la République en Côte d’Ivoire après la période de son éclipse constitutionnelle. Comme en témoigne sa conception de la nation, ce bloc identitaire refuse, par principe, d’être partie prenante d’un corps politique hétérogène. Son souci politique majeur est de conserver ses acquis historiques, de préserver son trophée, la Constitution du 1er Août conquise dans sa lutte pour la reconfiguration communautaire de l’Etat ivoirien. D’où le caractère contradictoire de la demande d’une assemblée constituante puisque l’idée de fond est de la réclamer pour faire obstruction, par la voie des procédures, à la rédaction d’une constitution républicaine et pour imposer le maintien de la constitution du 1er Août.
Cette nuance qui n’échappe pas aux esprits avisés est d’importance. Il importe alors de faire émerger la contradiction intrinsèque de cette stratégie sournoise de guerre engagée contre la République et la citoyenneté en Côte d’Ivoire. La question de la séparation des pouvoirs et de la limitation du pouvoir par les droits fondamentaux est une problématique fondamentale des constitutions républicaines et des volontés constituantes animées par ce souci. Le débat constitutionnel portant sur ces questions, repose sur le consensus républicain et démocratique des constituants. Cette préoccupation axiologique ne saurait nullement être celle d’un bloc identitaire antirépublicain et anti-démocratique qui en appelle à une reconfiguration communautaire de la cité selon le principe de l’autochtonie.
Lorsqu’un bloc identitaire réclame une assemblée constituante impossible du fait de son parti-pris idéologique et de sa vision de la nation, il faut dévoiler ses contradictions. Lorsque ce bloc manifeste pour récuser un référendum convoqué par le Président de la République pour contourner les blocages qu’il s’ingénie à mettre en place afin de contrarier la restauration de la République, il faut dévoiler son imposture. Lorsqu’il détourne le débat sur les valeurs démocratiques et républicaines, qu’il rejette et qu’il a piétinées durant l’exercice du pouvoir entre 2000 et 2010, il faut faire ressortir la diversion et dénoncer ses mensonges et ses manoeuvres d’intoxication. Déconstruire les impostures démocratiques et républicaines qui permettent de camoufler les populismes identitaires et les diverses formes de dictatures, est un impératif démocratique parce que la démocratie est une lutte institutionnelle et intellectuelle contre tous les systèmes de dominations.
Dr Alexis Dieth
Professeur de Philosophie
