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Santé mondiale : le cancer est-il un domaine négligé ?

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Paul Farmer s’est récemment exprimé dans ces pages (a) sur l'ouvrage Essential Surgery, premier volume publié de la troisième édition du Disease Control Priorities (DCP3), dont huit autres tomes sont à venir. Ce livre sur la chirurgie mettait en lumière, selon lui, un aspect longtemps négligé dans la santé mondiale. Il expliquait ainsi les raisons de ce manque d’intérêt : « L’opinion qui prévalait était que la charge des affections chirurgicales était trop basse, les coûts chirurgicaux trop élevés et la prestation des soins trop compliquée ».
Remplacez le mot « chirurgie » par le mot « cancer » et vous avez le sujet du deuxième volume du DCP3 (a), dont on mesure alors tout l’enjeu. La désaffection à l’égard du cancer est en effet à la hauteur de celle qui frappe la chirurgie. Dans ce volume intitulé Cancer, les auteurs plaident pour un renforcement des actions de lutte contre le cancer, tant sur le plan des traitements et des soins palliatifs que de la prévention, même dans les pays les plus pauvres. Bien évidemment, la chirurgie est une composante clé dans le traitement du cancer. Le nombre de cancers soignés par la seule chirurgie dépasse celui des guérisons obtenus par n’importe quel autre moyen.

Prenez la charge que représente le cancer : alors qu’à l’échéance des objectifs du Millénaire pour le développement on est parvenu à réduire fortement la mortalité chez les enfants et que l’espérance de vie continue d’augmenter dans la plupart des pays, la population présentant un risque de développer un cancer augmente. Sur les huit millions de décès par an dus au cancer dans le monde, 5 millions surviennent déjà dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire (la plus grande partie dans ces derniers). Ce nombre est en augmentation, tout comme le nombre total de morts dues au cancer. On ne relève pas suffisamment le fait que les taux de mortalité par cancer en fonction de l’âge sont en baisse dans la plupart des pays, mais que les taux de mortalité dus aux autres causes principales, les maladies infectieuses et non transmissibles, baissent plus rapidement. 
 

 La part de la charge augmentant le plus rapidement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire concerne les types de cancer dus au tabac, qui sont aussi sans conteste les plus évitables parmi les cancers les plus fréquents. Parmi les autres cancers évitables arrivent juste derrière ceux pour lesquels on dispose d’un vaccin : le cancer du foie causé par le virus de l’hépatite B et le cancer du col de l’utérus causé par le papillomavirus humain. Cependant, au-delà de ces cas, les cancers devenant les plus fréquents sont, et de loin, non évitables au vu des connaissances et des traitements actuels : cancer du sein, cancer du côlon, cancer du pancréas, la plupart des leucémies et des lymphomes, mais aussi de nombreux autres cancers moins courants. Cependant, nombre d’entre eux sont parfaitement susceptibles d’être soignés, surtout s’ils sont diagnostiqués à un stade précoce (stade 1 et 2). S’ils ne sont pas traités, la plupart d’entre eux seront fatals.
 
Dans de nombreux cas de cancers fréquents (le cancer du sein en est un bon exemple), il faut mobiliser tout l’éventail des traitements existants : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie et hormonothérapie. Alors que de nombreux cancers de stade précoce peuvent être soignés par la seule chirurgie, pour d’autres il faut combiner différentes modalités. Ne commencer que par un traitement partiel peut même alors causer des dommages sans présenter d’avantage significatif.  
 
Mais l’une des difficultés majeures, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, réside dans le fait que de nombreux cas sont diagnostiqués tardivement, lorsqu’il n’est plus possible de les soigner même avec des traitements de pointe. Comment changer les choses ? Nous pensons qu’il faut enclencher un cercle vertueux : lorsque les gens commenceront à se soigner, le regard de la société vis à vis du cancer changera et ils seront plus enclins à aller faire des examens lorsqu’ils auront l’impression que quelque chose ne va pas, même s’il n’existe pas de programmes de dépistage à grande échelle. C’est sans doute un processus lent, mais bâtir des infrastructures, notamment les ressources humaines nécessaires à la lutte contre le cancer, prend également du temps. Plus ce processus sera rapidement mis en place, plus tôt son impact sur l’ensemble de la population se fera sentir.
 
Parmi les cancers les plus susceptibles d’être guéris, même s’ils ne sont pas les plus nombreux, on compte les cancers de l’enfant les plus fréquents, notamment les leucémies et les lymphomes, le rétinoblastome et la tumeur de Wilms entre autres. Guérir les enfants, efficacement et à un coût abordable, est évidemment une bonne chose qui permet en outre d’envoyer un message fort en faveur de la mise en place de ce cercle vertueux nécessaire au changement des mentalités.
 
Même à long terme, lorsque les traitements seront plus largement disponibles, le cancer restera, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, une cause de mortalité fréquente mais aussi douloureuse. Le volume du DCP3 consacré au cancer plaide, à nouveau, pour une extension rapide du soulagement de la douleur, notamment par les opioïdes, même dans les pays les plus pauvres. Le programme modèle lancé en Ouganda il y a une vingtaine d’années, de même qu’un petit nombre d’initiatives du même type, démontrent clairement qu’il est possible de soulager la douleur des patients atteints d’un cancer mortel à domicile, même dans les zones rurales d’Afrique et d’Asie.  
 
L’avant-propos de cet ouvrage a été écrit par le professeur Amartya Sen, qui lui-même a été atteint d’un cancer dans sa jeunesse. Il considère avoir eu beaucoup de chance de s’en sortir, comme quelques autres, étant donné l’époque et l’endroit où il se trouvait. Il termine ainsi son avant-propos :
 
« De l’analyse empirique présentée dans ce volume, on peut retenir les leçons suivantes : non seulement il est possible de changer les choses sur le plan de l’incidence, de la gestion et de la lutte contre le cancer, même dans les pays les plus pauvres du monde, mais on peut aussi y parvenir à un coût abordable et rentable. Pour cela, il faut avant tout remédier à ce qui fait le plus défaut : la compréhension de l’enjeu et la détermination.
En définitive, il s’agit d’un livre réjouissant sur un sujet éprouvant. Et c’est également une invitation pressante à agir. »
 



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