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Politique

Algerie : Impasses, menaces et issues

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La marche du 22 février a brisé le mur de la peur et mis un terme à la résignation. Elle a été suivie par d’autres vendredis avec la participation de toutes les catégories sociales, syndicales, partisanes, associatives, corporatistes et sociétés civiles. C’est salutaire.
Cet impressionnant mouvement est une révolte pacifique et austère contre le système. Des décennies de blocages, de manque flagrant de progrès politique et social et de refus d’accès au statut de citoyen par une gouvernance des plus absurdes et des plus figées. Une gouvernance qui a fabriqué et installé des réseaux d’obédience et d’allégeance qui disputent aux Algériens leur sécurité, leurs droits et leurs libertés au quotidien et empêche l’édification de l’Etat national de droit.
Des gouvernants successifs se sont contentés de se maintenir au sommet de la pyramide et exercer des pouvoirs faits de brutalités, de violations des lois et des droits, et la transgression des règles élémentaires de l’éthique. Ils ont laissé s’ériger la prébende, le passe-droit et la répression comme seuls instruments de gestion du pays et de contrôle de la société dans toutes leurs dimensions et leurs composantes.
L’absence de capacités en leadership et en gouvernance politique ne relève pas d’une simple idéologie mais de faiblesses sociales et organisationnelles. Ces faiblesses sont dues à une mécanique sociologique ahurie qui refuse la constitution de toute force politique et sociale, empêche toute propension à l’adhésion et à l’engagement, et prive la société entière de toute capacité organique, organisationnelle et institutionnelle.
Par le hirak, les Algériens ont exprimé un refus sans ambiguïté de ce système de cooptation, de non-droit, de corruption et de brutalité. Cela est clair. Ce système de fausse gouvernance et de vraie omnipotence puise richesses et potentialités du pays et réduit à néant un projet national pour lequel tous les constituants algériens avaient contribué au prix fort par leur sang et leurs souffrances pendant la guerre et en privations durant la période post-libération.
Ce mouvement qui a investi toutes nos villes et tous nos villages a mis à nu des ambiguïtés graves et offert dans le même temps à l’armée et aux partis des possibilités certaines. Ce mouvement du peuple attend d’eux des perspectives prometteuses avant qu’il ne s’estompe ou sombre dans des violences primaires.
Une mobilisation populaire, quelles que soient sa dimension et sa profondeur, ne donnera pas facilement de prolongements humains, politiques et institutionnels, même à travers des instances transitoires ou des conférences nationales. Cela reste de la responsabilité et du devoir de l’armée et de toutes les élites nationales !
Un multipartisme de façade et de connivence ne structure jamais un débat national ni un ordonnancement des rapports sociaux et politiques. Il ne permet pas non plus de gouverner et d’obtenir adhésions et soutiens réels. De même, il n’améliore en rien le fonctionnement de la gouvernance, il ne renforce ni la place de l’opposition ni offre d’alternatives. Pire, il ne fait que se nourrir de fiction électorale, organique et organisationnelle. Ces fictions ôtent toute espèce de représentativité, de représentation et privent toute politique de tout contenu et de toute possibilité de mise en œuvre.
Aujourd’hui, comme hier, nos élites gouvernantes n’ont pas encore été en mesure de maîtriser et de faire aboutir un processus d’édification de l’Etat national ni ont été capables d’imaginer et de mettre en place des instruments et mécanismes légaux d’une gouvernance résiliente et légitime. Ces échecs sont à l’origine de beaucoup de nos revers, gâchis, retards et impasses. Ils constituent, à eux seuls, de redoutables menaces sur nos minces et précieux acquis de liberté et de souveraineté arrachés au prix du sang d’innombrables martyrs et d’immenses sacrifices.
C’est pourquoi les contributions et suggestions avancées et proposées par nos politiques, penseurs, experts et exégètes sont dignes d’intérêt mais restent sans effet. Elles calent toutes, par-delà les avantages et les limites intrinsèques de chacune, par l’absence cruelle de cette puissante mécanique qui gouvernerait l’élaboration d’une solution, sa mise en œuvre et le contrôle de son exécution jusqu’à son aboutissement final. Elles calent aussi par l’absence de détermination au préalable d’un schéma final. C’est le schéma final qui indique le modèle, détermine les processus et définit les champs et les temps.
A moins de considérer que ces contributions, suggestions et revendications ne serviraient qu’à jeter dans la confusion toute perspective nouvelle et éloigneraient toute chance de faire repartir le projet Algérie. Comme si les trois décennies de violence, d’absence de gouvernance et d’administration légales et légitimes, de mystifications et de promesses creuses n’ont pas été suffisamment éloquentes.
Des institutions et des hommes peuvent pâtir d’un déficit de détermination ou être frappés d’incrédibilité et de défiance ou d’un manque d’expertise. Mais il ne faut nullement prétexter l’impuissance à agir, l’absence de vrai projet ou de réponse tangible.
Le hirak du 22 février a déjà disqualifié les fausses réalités d’un pluralisme fictif et fait découvrir d’incroyables handicaps et de grands vides politiques. Il a en même temps provoqué de vraies opportunités et de réelles chances pour notre pays.
C’est pourquoi il serait exagéré de croire que la démission de Bouteflika, la désignation du chef de l’Etat intérimaire, l’organisation d’une présidentielle vont colmater toutes les failles, faire disparaître tous les griefs, soigner tous les stigmates et concrétiser toutes les espérances. Cela risque de nous faire perdre de vue des leçons précieuses de l’histoire de notre jeune gouvernance à l’algérienne qui nous a conduit là où nous sommes aujourd’hui et nous faire oublier de ruineux gaspillages, en temps, en ressources humaines et financières.
Le hirak pacifique, qui fascine déjà, a produit des acquis appréciables. Il a empêché une confrontation sanglante entre clans par l’intermédiaire des réseaux d’allégeance et d’obédience. Par son ampleur unitaire, le mouvement a évité à l’armée d’intervenir et de garder sa cohésion intacte. Ensuite avec l’évolution de la situation au sein du sérail, l’armée a pris naturellement et formellement position avec le peuple.
Ce qui lui permet de ne pas être en contradiction avec son statut d’armée nationale et de ne pas être une cible fragile à détruire par d’autres puissances étatiques étrangères, particulièrement méditerranéennes ou de l’OTAN, à l’instar de celles de l’Irak, de la Libye et de la Syrie.
Car, l’ordre mondial et ses puissances étatiques ne s’accommodent jamais de la présence d’une armée puissante qui échappe à des contrôles constitutionnels, institutionnels et des lois d’un contrôle rigoureux en termes de fonctionnement, d’emploi et d’utilisation. Encore moins si elle est mise au service ou à la disposition d’un omnipotent pour servir d’outil de gouvernement et de répression ou d’instrument de pression et de chantage aux voisinages.
 
Seules des armées nationales soumises à contrôle institutionnel et constitutionnel et assujetties à l’obligation de l’Etat et à son contrôle ont un droit d’exister et d’établir des relations internationales et être intégrées dans le système mondial de paix, de maintien de l’ordre et de stabilisation régionale.
Il faut considérer que le commandement en rejoignant le peuple dans ses revendications légitimes a su sauvegarder le statut national de l’armée. Il lui reste à contribuer au parachèvement de l’édification de l’Etat national par la mise en place d’une Constitution et d’institutions de vrais pouvoirs d’autorisations, de régulations, d’habilitations et de contrôles. Cela mettra l’armée définitivement à l’abri des conflits politiques partisans, permettra de servir de base politique au gouvernement ou d’être un outil entre les mains d’un omnipotent.
Il serait fâcheux de croire que l’édification de l’Etat ne servira qu’à abriter l’armée nationale et la préserver de toute turpitude. Cette édification servira aussi à ancrer la démocratie et la faire fonctionner, ouvrir le gouvernement à la compétition et à l’alternance sans remise en cause des fondements de l’Etat et du rôle de l’armée, ni perturber le système de défense et de sécurité nationales, ni remettre en cause ou négliger nos devoirs et engagements internationaux.
Ce serait une ineptie de croire qu’une démocratie fonctionnelle puisse exister et gouverner sans l’édification et la consolidation de l’Etat national. C’est l’existence de l’Etat et de sa continuité qui a exigé et engendré des mécanismes démocratiques de la gouvernance, la représentation politique, la protection des libertés et des droits, et l’exigence de contre-pouvoirs.
Une absence d’issues, une difficulté d’agrégations et de convergences à la hauteur de la mobilisation unitaire des Algériens risquent de ternir encore plus l’image et la réputation de nos élites gouvernantes et de faire croire qu’elles n’arrivent pas à s’entendre sur un partage des pouvoirs, des privilèges ou pour des raisons chauvines. Alors qu’il sera question de résoudre comment seront gouvernés démocratiquement les Algériens, comment choisiront-ils leurs dirigeants, comment les contrôleront-ils et comment procéderont-ils pour les remplacer.
Sans une résolution de ces préalables, une course au pouvoir et aux postes risque de faire échouer toutes les bonnes volontés et gâcher toutes les opportunités. Il faut que les règles d’accès, d’exercice et de contrôle soient identifiées et affichées pour qu’elles soient respectées. C’est pourquoi il est urgent de commencer par identifier les rôles et les missions de l’Etat qui ne feront pas l’objet de disputes ni de compétitions à l’avenir.
Car, il s’agit de l’édification de l’Etat national démocratique de tous les constituants algériens qui imposera sa force légale et ses froids rapports légitimes à tous. Nous ne sommes pas là dans une illusion, ni une fiction, ni une creuse promesse. Il s’agit de suppléer à une incapacité à gérer le pays et à gouverner la nation. La première est structurelle et organisationnelle, la seconde est politique et institutionnelle.
Il faut trouver les voies et moyens pour rétablir la norme légale et instaurer la vérification et le contrôle. Pour pouvoir prétendre modifier et remplacer des pratiques et des habitudes en vigueur, il faut les identifier, les corriger et les imposer. L’opération de substitution de ces pratiques par des normes et des règles est plus importante et plus difficile mais plus efficace que le changement d’hommes. A la condition qu’elle se déroule sous l’œil vigilant d’une vraie justice, de militants du projet Algérie et de la démocratie, de la presse, de citoyens et de l’opinion.
Des habitudes et des pratiques de fraude enracinées constituent le soubassement du système algérien. La cooptation et la délégation de l’exercice du pouvoir lui permettent de s’adapter, survivre aux hommes et à ses crises de régénérescence. Les rouages des pouvoirs sont plus disciplinés vis-à-vis des réseaux d’allégeance et d’obédience. Ils ne changeront leurs habitudes que sous la contrainte de la loi et le contrôle de dûment représentants du peuple.
Une opération électorale, par exemple, ne débouchera pas sur des garanties de fidélité ni d’efficacité, tant que la norme légale de vérification et de contrôle n’oblige pas au respect des engagements avec l’aide de vrais contre-pouvoirs et de vraies voies de recours. Car, le système sera sensible plus facilement aux soutiens et approbations des réseaux qu’à des forces politiques fragilisées ou soumises à de fortes pressions ou des offres difficiles à refuser.
A vrai dire, la question est de savoir quel est l’effort à faire pour se libérer d’un système qui a stérilisé la gouvernance, dilapidé les ressources du pays, confisqué la liberté de la société et hypothéqué son devenir. Il n’est nullement question de pertes et de gains en pouvoir. Mais il serait primordial d’obtenir des tenants du système, de l’armée et des partis un accord, sur le schéma final de l’organisation de l’Etat et ses pouvoirs régaliens, la place de l’armée comme structure étatique de défense et de sécurité, la forme démocratique de gouvernement, de contrôle politique et institutionnel qui seront en œuvre à l’avenir.
Quels seraient les garanties et les engagements que le hirak et ses animateurs viseraient et accepteraient comme préalables pour se prémunir contre toutes sortes de subterfuges, manipulations et de tergiversations ?
Les semaines à venir seront critiques et décisives pour démontrer si les élites politiques seront capables d’aller de l’avant en mettant à l’abri l’Etat et l’armée par le développement de vrais instruments et mécanismes d’une démocratie gouvernante et d’un vrai contrôle par de vraies institutions et de vrais élus.
L’absence de vigilance et le manque de discernement ont été des failles à partir desquelles toutes les stratégies de déstabilisation, toutes les actions d’instrumentation et toutes les politiques de régression ont été charpentées et menées.
La question n’est pas de savoir qui détient aujourd’hui plus de capacité, suffisamment d’intelligibilité et de ressort pour sauver le pays et son armée, mais comment contribuer à canaliser cette vitalité et ce génie d’un peuple puissant par sa jeunesse et par son émigration, en Europe et par le monde, qui tient à faire aboutir son projet «Algérie» !



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