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Politique et ethnicisme en Afrique : cas de la Côte d’Ivoire

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Une des grandes différences entre la pratique de la politique en Occident et celle en vigueur en Afrique, est la nomenclature de l’électorat. Dans l’aire civilisationnelle occidentale (qui regroupe l’Europe, l’Amérique, le Canada, et une partie de la Russie), ce sont les individualités, les groupes d’opinions et les puissances financières qui font la décision dans le débat politique. Et les élections (communales ou municipales, régionales, législatives, présidentielle, sénatoriale, etc.) représentent l’issue du débat. Le « vox populi » qui fait le bonheur des urnes, sanctionne le tout par la désignation du chef élu. Mais cette masse électorale aura été fortement influencée par les facteurs que j’ai cités : leaders d’opinions (artistes, penseurs, journalistes, hommes d’affaires, Imams, prêtres ou pasteurs et autres hommes de religion appelés pompeusement et par abus de langage « hommes de Dieu »), etc.
Tout se passe ainsi du fait de la place, forte, qu’occupe l’individu dans les cultures occidentales. En Occident, des siècles de combat libertaires ont contribué à soustraire l’individu du poids de la communauté, mettant ainsi ce dernier à l’abri des pesanteurs de la censure sociale quotidienne. Dans ces conditions réellement favorables à l’épanouissement de la personnalité profonde, l’individu peut faire prévaloir son moi, dans une exaltation de sa liberté. La majorité, décrétée par la loi juridique, a affranchi l’individu occidental de tout acte de pression arbitraire et familiale, en l’autorisant à prendre en charge son destin dès l’âge de 18 ans. Il aura, auparavant, intériorisé, dès l’enfance, le droit de contredire ; mieux, de contester, d’exercer et d’éprouver la réalité de son existence en donnant, en toute liberté, son point de vue sur les questions qui interpellent son environnement familial, et social. C’est à ce prix que se construit la personnalité de l’homme occidental.
Produit d’une culture qui proclame le droit de l’individu à la différence, concept et valeur qui fondent la démocratie, l’individu votant, en Occident, est une personne qui a vraiment DONNÉ sa voix pour exprimer un choix, le sien. Et l’ensemble de ces individus libres, qui partagent une même opinion, finit par constituer un ou des groupes d’opinion dont le vote détermine l’issue des élections. Ici, l’acte de voter revient effectivement à faire une option, faire valoir une idée, une conception de la vie, que le candidat élu se chargera de matérialiser. En Occident, on vote pour des idées ; et le candidat n’est que l’exécutant virtuel de ces idées.
Tout autrement se présentent l’électorat et, conséquemment, les élections, en Afrique, d’une manière générale. Le groupe d’opinion (entendu dans son sens commun de ‘‘ensemble de personnes unies par une communauté de pensées et de vues sur la cité’’) n’existe en réalité pas, en Afrique. En lieu et place, il existe des groupes de pression et de décision : ce sont les ethnies. L’appartenance ethnique ou tribale du candidat importe plus que les idées qu’il professe. Le votant africain donne sa voix au « frère », au parent, et non à un candidat porteur d’une idéologie. Ce n’est pas une tare, c’est une approche du fait électoral dictée par le conditionnement culturel de l’individu africain.
L’individu africain est une personne encore fortement liée à la famille et à la tribu par des liens affectifs, religieux, spirituels, mystiques même, qui constituent une sorte de pacte indestructible (ou difficilement destructible) entre lui et les siens (parents géniteurs, oncles, tantes, cousines et cousins, familles alliées), et surtout les morts, ces Ancêtres lointains, partis dans l’au-delà, mais qui sont toujours là, parmi nous, car chez nous, « les morts ne sont pas morts. » Ils ne le sont même jamais !
Comparé à ‘‘l’individu occidental’’, être vraiment singulier, l’individu africain est un être pluriel, collectif. Il synthétise et porte sur lui les aspirations de sa communauté villageoise, tribale, au mieux, ethnique. Et le candidat issu d’une communauté particulière, n’en est pas qu’un simple membre : il est surtout un produit de cette communauté qui attend donc de lui, retombées et autres grâces, dès qu’il sera élu. Et les chefs d’Etat, ou tout autre élu, en Afrique, ne dérogent pas à ces attentes qui sont devenues la règle. Observez comment se répartissent les militants et autres supporteurs des chefs politiques en Côte d’Ivoire (par exemple), et vous constaterez la ‘‘constante ethnique’’ dans le système de pensée et d’agir politique des Ivoiriens.
Les figures fortes du parti du candidat sont issues de son groupe ethnique. Dès qu’il est élu, les figures fortes de l’Etat deviennent (forcément) celles de sa tribu. Il y a de cela une dizaine ou une quinzaine d’années, les jeunesses des trois principales forces politiques du pays que sont le Pdci-Rda, le Fpi et le Rdr étaient représentées par des jeunes gens issus des tribus respectives des leaders de ces partis : Konan Kouakou Bertin (KKB), Charles Blé Goudé, et Karamoko Yayoro (1) sont les ‘‘petits’’ de Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara. Ce sont des choix tribalo-ethniques indiscutables.
Ne cédons cependant pas à la tentation classique et largement partagée, mais commode et facile, de dénoncer cette pratique. Le plus important est de chercher à savoir la cause (ou les raisons) de cet état de faits. Celles-ci se trouvent dans l’histoire des chefs de ces partis, et la représentation que nos populations se font du factum politique.
 
 
Note. 1 - Karamoko Yayoro est gouro (je crois) ; mais on devine que le rapprochement avec le Rdr a dû être favorisé par le patronyme Karamoko, indice d’une appartenance religieuse (musulmane) qui fait partie des fondements identitaires du Rdr.



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