Depuis quelques semaines, voire quelques mois déjà, l’actualité politique s’anime avec en point de mire l’échéance électorale présidentielle de 2020. De déclarations et tirs groupés en passant par des invectives, tant dans les journaux que sur les réseaux sociaux, le mercure sociopolitique est monté d’un important cran. Au point où d’aucuns s’attendaient, s’ils ne souhaitent pas, un clash dans la famille des Houphouëtistes. Car il ne se passait plus de jour sans qu’une nouvelle marche ne soit franchie dans cette escalade de la violence (heureusement encore) verbale, via les médias, entre les alliés d’hier, qui demeurent, jusqu’à nouvel ordre, des alliés. Chacune des sorties de chacun est interprétée, disséquée et commentée selon l’angle qui arrange l’autre ; chaque décision administrative ou politique est brandie par les uns comme un épouvantail et vue par les autres comme la preuve du désamour et du mépris.
L’ambiance entre les alliés est loin d’être sereine, comme elle le fut entre 2011 et 2016. Et c’est toute la Côte d’Ivoire qui retient son souffle. En d’autres circonstances, l’on dirait que c’est de bonne guerre, puisque l’on ne doit en aucun cas empêcher chaque formation politique ou chaque individu d’avoir des ambitions en tant que citoyen libre, éligible. Mais quand la guéguerre ou la guerre froide règne dans la maison d’un Père en qui chacun se reconnait et se réfère, il y a de quoi s’interroger à défaut d’avoir vraiment peur des lendemains de ce pays. Où les houphouëtistes laissent-ils donc l’idéologie et les leçons du Vieux Féfé ? Où donc laissent-ils l’intérêt général de la Côte d’Ivoire qui les a guidés depuis 2005 pour aujourd’hui se livrer à ces querelles ? Au Congrès du PDCI-RDA, en 1980, sentant quelques velléités de division dans les rangs des barons du PDCI-RDA, quant à la perspective de sa succession, feu le Président Félix Houphouët-Boigny disait : « Soyez et restez unis, quels que soient les problèmes. Je préfère vous voir unis contre moi que d’être désunis autour de moi. Car si vous êtes unis, il n’y a pas de problème que vous ne pouviez surmonter… ». 37 ans après, cette recommandation du Vieux est plus que d’actualité. Sa famille politique au pouvoir depuis six (6) ans, il y a comme un problème de succession qui fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les rangs de ses "enfants". Sans oublier qu’en face de la famille Houphouëtiste, il y a une opposition qui fourbit ses armes et applaudira des quatre mains une éventuelle implosion de la plate-forme qui a réussi à déboulonner le FPI et ses suiveurs en 2010.
Dans cette guéguerre au sein de leurs partis, le Pdci-Rda et le Rdr, Henri Konan Bédié et son jeune frère Alassane Ouattara, selon des indiscrétions, certainement, à la fin de ce mois, après le retour de Paris du premier, pourraient renouer directement le dialogue. Ils pourraient se rencontrer. Se parler en frères. Se reparler en enfants d’Houphouët-Boigny. Car tous deux savent bien qu’ils sont les derniers recours et qu’au finish, les militants de leurs partis et les Ivoiriens dans leur ensemble se tourneront vers eux. Dans une de ses interviewes, le président Henri Konan Bédié disait :
«…Militants du RHDP, nous sommes les plus nombreux. C'est ensemble dans l'union que nous serons plus forts, face aux batailles futures. Notre engagement doit être sans faille. Ne laissons pas les divisions et les rancœurs miner ce bel outil que nous avons forgé… » Il faut s’en tenir à cela, même si actuellement tout porte à croire que le RHDP est secoué de l’intérieur. En politique, l’on dit que le temps entre deux élections n’est rien. Des 39 mois qui nous séparent de la présidentielle d’octobre 2020, beaucoup d’eau coulera encore sous le pont. En 2003, lorsque pour la première fois à Accra puis à Pretoria les présidents Bédié et Ouattara se rapprochaient, bien d’hommes et de femmes dans leur entourage respectif s’étonnaient ou s’en offusquaient. Et des années plus tard, ils ont été compris dans leur démarche de rapprochement fraternel voire de réconciliation entre le grand frère et le petit frère. Ce qui les avait opposés par le passé et cela pendant plus d’une décennie qu’ils ont pu surmonter sagement et courageusement était beaucoup plus complexe et profond que ce qui se passe aujourd’hui entre le PDCI-RDA et le RDR, leurs partis respectifs. Si en 2003, ils ont pu surpasser ce qui les opposait pour créer une plateforme politique en 2005 dont la consécration a été la prise du pouvoir par les urnes en 2010 et la candidature unique en 2015, ils sauront, sûrement, surmonter les difficultés du moment pour sauver à nouveau la Côte d’Ivoire.
Grosso-modo, une passe d’armes entre le PDCI-RDA et le RDR, entre le RDR et Guillaume Soro, entre Soro et le PDCI-RDA, entre le PDCI et l’UDPCI, entre l’UDPCI et Soro, entre le RDR et l’UDPCI..., serait aujourd’hui malsaine et improductive demain pour la Côte d’Ivoire et pour l’ensemble des Ivoiriens et des amis de notre cher pays.
Surtout, au lendemain du départ de l’Onuci, l’Organisation des Nations Unies pour le maintien de la paix. Et mieux, à quelques jours d’un rendez-vous socioculturel historique et mondial qui va se tenir sur notre sol du 21 au 30 de ce mois : les 8èmes Jeux de la Francophonie. Bref, pour toutes ces raisons et au nom de l’intérêt supérieur de la nation, une seule attitude politique s’impose à tous aujourd’hui : mettre balle à terre. Les présidents Bédié et Ouattara ont la capacité de relever ce défi. Ils trouveront sous peu, à eux deux, des solutions pour sortir la Côte d’Ivoire de cette zone de turbulence si intense qui fait peur à tous. Par le "dialogue direct" qu’ils engageront à nouveau, l’accalmie peut être vite retrouvée. Personnellement, nous y croyons. Pourvu que chacun des "lieutenants" autour d’eux s’y implique avec responsabilité, lucidité, sérénité et sagesse.
D.K.Z